Sophia Blackwater - Ne pas sous-estimer la puissance d'une volonté.

Sophia est née dans une famille de classe moyenne commune de Londres, par un jour de janvier totalement commun. Pas d'orage magnétique, pas de pleine lune, tout juste quelques lampes qui clignotaient pendant l'accouchement, et encore c'était à cause d'un léger court circuit.

Une vie entièrement lambda l'attendait. Elle était l'enfant du milieu à qui on ne prêtait pas trop d'attention, entre l'aîné rebelle et la cadette un peu maladive. On ne lui donnait pas de responsabilité, on ne lui demandait rien, à part rester tranquillement dans la norme et ne déranger personne.

Sauf que Sophia n'était pas de cet avis. Dès l'enfance, elle se mit à viser l'excellence dans tout ce qu'elle entreprenait, tentant de provoquer la fierté dans les yeux de ses parents. Elle se mit rapidement à se sentir spéciale, meilleure que les autres, bien qu'incomprise. Compensant l'attention dont elle manquait, elle se répétait inlassablement qu'un grand avenir l'attendait, qu'elle avait juste à travailler assez fort pour pouvoir atteindre tous ses rêves.

Ses notes bondirent en flèche, atteignant aisément dans toutes les matières la quasi perfection dans cette petite école publique à laquelle elle allait. Son institutrice ne tarissait pas d'éloge. Les autres gamins, en revanche, eurent du mal à ne pas trouver antipathique la soudaine supériorité de leur camarade. Si Sophia ne se montrait pas hautaine ou méprisante, il est vrai qu'elle se mit à de moins en moins fréquenter ses pairs, préférant lire ou continuer à travailler, se pensant au dessus des infantiles préoccupations des autres enfants.

Un jour, en 4e année d'école primaire, un groupe décida de la punir pour son arrogance. Ils attendirent qu'elle se rende aux petits coins pour l'y attendre, l'encerclant. Elle était surprise, et ne comprit pas tout de suite. Ayant toujours essayé de faire tout au mieux, elle n'avait jamais remarqué la frustration grandissante des autres élèves. L'un d'entre eux lui exposa les chefs d'accusation, et s'avança pour appliquer la sentence qui en découlait. Elle n'eut pas le temps de réagir. Il la poussa, et elle heurta la porte battante qui s'ouvrit, tombant en arrière en poussant un cri.

L'incident aurait pu terminer de façon autrement plus grave si l'intégralité des robinets n'avaient pas sauté d'un seul coup, trempant d'eau toute la pièce et ses occupants.

Sophia se releva lentement, et son visage était tordu de colère. Des enseignants avaient accourus, attirés par le bruit. On évacua rapidement les enfants pour le sécher. L'ensemble du groupe qui avait attaqué Sophia mirent tout le blâme sur elle, et comme elle ne parvint même pas à trouver une réponse tout de suite tant elle était outrée, on ne la cru pas lorsqu'elle tenta de se défendre.

Souhaitant se faire justice toute seule, Sophia finit par se jeter sur un des menteurs et le griffa au visage. On les sépara, mais le mal était fait.

On convoqua ses parents. Seule sa mère pu venir, car son père, militaire, était plus souvent absent que présent.

On du la changer d'école. La mère de Sophia ne lui pardonna pas cette honte.

Après cet incident, Sophia changea d'attitude. Cessant de chercher l'attention à tout prix, elle devint une souris grise dans sa nouvelle école. Personne ne la remarquait. Elle se contentait d'avoir de très bonne note d'emblée, seule point qui la faisait sortir du lot.

Un an paisible passa, puis vint la lettre.

La première, sa mère la jeta sans même y prêter d'attention. La seconde, c'est Sophia qui la trouva. Elle l'avait lue les yeux brillants, trouvant enfin une explication à pourquoi elle se sentait si différente. Mais elle savait que sa mère ne voudrait pas alors elle n'en parla d'abord pas. Puis vint une troisième, et une quatrième lettre. Devant l'insistance, l'enfant finit par demander à sa mère de l'y conduire, sa mère refusa fermement, et gronda sa fille indigne de lui causer autant de problèmes.

Le conflit grandit à mesure que les lettres arrivaient. Éventuellement, la mère excédée finit par lever la main sur son enfant. Un homme surgit soudain et arrêta son geste d'un coup de baguette.

La suite vint d'elle même. On révéla patiemment l'existence du monde magique à la famille, on expliqua tout sur Poudlard et sur la nécessité d'y envoyer Sophia. Au bout de longues heures d'explications, la mère de Sophia finit par accepter, bien qu'avec réserve.

Sophia était au comble de la joie. Elle allait enfin pouvoir trouver une place où briller.

On lui donna tout juste de quoi faire ses achats obligatoires de rentrée. Sa mère refusa de l'accompagner, devant s'occuper de sa cadette. Sophia ne se formalisa pas, elle avait l'habitude de ne pas être la priorité.

Et enfin, sa rentrée à Poudlard... La joie qu'elle avait éprouvé en passant la voie Neuf Trois-Quart. Un peu intimidée, elle n'avait parlé à personne à bord du train cependant. Et l'arrivée en barque... Les étoiles dansaient dans les yeux de l'enfant. Dans sa robe de sorcier toute neuve, en entrant dans la grande salle, elle se sentit chez elle.

Elle entendit des filles bavarder, décrivant les différentes maisons. Sophia s'était immédiatement imaginée à Serpentard, avant qu'un commentaire ne retentisse à ses oreilles.

« Moi j'ai qu'une peur, c'est de finir à Serpentard. T'imagine ? Au milieu de tous ces sangs purs méprisant, je me sentirai définitivement mal. Moi ma mère n'est pas une sorcière, et mon père est né moldu, tu imagines... »

Sophia n'eut pas le temps d'analyser pleinement ces paroles qu'on appela son nom.

On lui plaça le Choixpeau, et la réponse fut immédiate.

Serpentard.


L'année passa moins atrocement qu'elle l'avait au début pensé. Le début fut assez chaotique, elle était la seule née moldue de toute sa maison, mais elle usa de sa capacité à devenir totalement transparente pour s'éviter les ennuis, se contentant d'étudier d'arrache-pied pour qu'on ait rien à lui redire. Heureusement, l'étude de la magie la passionnait énormément, et l'empêchait de regretter une seule seconde sa venue dans l'école.

Elle retourna chez elle durant les vacances d'été, mais elle n'eut pas la possibilité de partager son expérience avec sa famille, d'autres choses étaient plus préoccupantes. Sa jeune sœur, qu'elle n'avait jamais pu trop approcher à cause de sa faible constitution, était dans un état critique.

Elle décéda mi-Aout, après une longue agonie. Le frère aîné de Sophia fuit immédiatement l'atroce atmosphère qui régnait dans la maison. Leur père venait tout juste de revenir en permission. Les parents étaient inconsolables. Sophia, elle, n'avait même pas la possibilité de savoir si elle en ressentait vraiment quelque chose ou non, tant elle était oppressée par la tension.

Dès qu'elle le put, elle s'enfuit à Poudlard pour la nouvelle rentrée et ne dit même pas au revoir à ses parents.

Sitôt la rentrée faite, la guerre éclata. Mais Sophia refusa d'y penser. L'école était un monde à part, tout ce qui se passait au dehors semblait comme un cauchemar lointain. Sa deuxième année fut sensiblement la même que la première, elle se contentait d'exceller, et on se contentait de l'ignorer généralement.

Sophia n'était pas vraiment le genre de personne silencieuse et soumise qui se contente de subir. Elle avait cette attitude distante mais digne qui la rendait inatteignable et inintéressante à brimer.

Elle parlait parfois à quelques personnes, ne rejetant pas les interactions sociales. Elle se montrait juste extrêmement prudente pour ne pas risquer de dévoiler un point faible.


Le deuxième été où elle rentrait, elle passa la majeure partie de ses journées à dormir. Elle était seule avec sa mère, qui refusait de parler de son frère absent – qui refusait de parler de quoi que ce soit avec sa fille d'ailleurs. Le père de Sophia était bien évidemment absent, en train d'accomplir son devoir. Il envoyait parfois des lettres, rarement, et on ne pouvait jamais être sûr qu'il était encore en vie avant la prochaine lettre.

Au milieu de la troisième année à Poudlard, alors que la Blitz faisait rage, Sophia reçu une lettre de sa mère, indiquant laconiquement qu'elle avait décidé de quitter Londres après que leur maison ait été détruite. Elle indiqua la ville où elle se rendait, mais ne donna pas d'adresse. A la place, elle donna l'adresse d'un refuge sous terrain à Londres où s'étaient réunis beaucoup des voisins des Blackwater.

Le message ne pouvait être plus clair. Sophia se dit que de toute façon, elle n'aurait pas fui Londres pendant les vacances, au risque de ne pas pouvoir être au rendez vous pour la prochaine rentrée. Sa vie était Poudlard maintenant.

Mais au fond, la blessure du rejet de sa mère était cuisante.

L'été suivant se passa dans la peur, et dans le noir. La Blitz était finie depuis mai, mais tous craignaient que les bombes ne se remettent à tomber du ciel.

La quatrième année scolaire fut sans aucun mouvement, comme la troisième avant elle.

Pendant l'été entre sa quatrième et sa cinquième année, il eut une sorte de déclic dans l'esprit de Sophia.

Elle était là, à 15 ans, et refaisait sa vie dans sa tête, plongée dans l'obscurité. Les bombardements sur Londres étaient finis, mais elle chaque bruit sourd ressemblait à une explosion pour elle.

Que faisaient les autres sorciers ? Se cachaient-ils aussi, comme elle ? Avaient-ils peur ? Le secret vallait-il si cher ?

Elle songea à tout ce qu'elle ne savait pas. Elle songea à tout ce qu'elle aurait pu faire. Sortir au dehors, aller au front et avec sa baguette, sauver des vies. Peut être même renverser le cours de la guerre. Son père aurait été fier d'elle.

A vrai dire, elle ne l'aurait jamais fait. Être un héros, ce n'était pas pour elle. Ce n'était pas le genre de risques qu'elle aurait voulu prendre. Mais elle avait soif de faire de grandes choses.

Et qu'avait-elle fait, jusqu'ici ? Elle s'était cachée. Elle s'était camouflée, s'était rendue intouchable et invisible, et elle attendait. Exactement comme ce que faisait l'intégralité du monde sorcier tandis que le monde moldu était à feu à sang, alors qu'ils auraient pu tous les sauver, et briller.

Sophia ne sortit pas de son refuge. Elle ne dégaina pas sa baguette, et ne révéla pas au monde ce qu'elle pouvait faire. Seule, petite souris grise, elle ne pouvait rien.

En revanche, lorsque la cinquième année commença, c'est la tête haute qu'elle se rendit à ses cours. La tête haute, et de longues flammes rouge vif en lieu et place de ce terne brun qu'elle avait avant.

Pour obtenir cette teinte sur ces cheveux, qui ressemblait à un roux très rouge à la limite du naturel, elle avait achetée une potion au chemin de traverse qui lui coûta ses maigres économies. Elle avait hésité à la faire elle même, mais le résultat aurait été trop hasardeux.

Elle allait finir ses études avec brio, elle allait se hisser au sommet, et elle allait briller, comme jamais personne, sang pur ou sang de bourde, n'avait brillé.
Et tout le monde devait la voir. Et de loin.