L’aristocratie de la peur. Engourdissement de l’air. Mes flancs, corsetés de raideur. Mes bras ne bougent plus. Je ne bouge plus. Je suis hors de moi.
Les yeux happés.
Par August.
Sa nudité rude.
Loup il y a quelques instants. Humain entier à présent. C’est la première fois que je le vois nu.
Mes rétines ont du mal à comprendre. J’ai un kaléidoscope de formes dans les yeux.
Sa voix crève les formes.
August, l’ami d’enfance, revient devant mes yeux.
August, voisin.
August, ami.
August, là sous le soleil.
August, là sous la pluie.
August, parfois, rit.
August, souvent.
August, sourit.
Je souris.
- Je t’en prie. J’étais inquiet. J’apprécie l’humanité. Je n’aime pas les humains. J’aime peu. J’ai l’amour rare. Avare. Mon cœur est syncopé. Ses notes d’amour sont faibles sous le rythme effréné de mes fuites loin de l’humanité.
Je compte les personnes que j’aime sur les doigts d’une main unique.
Pas besoin de plus.
Ne pourrai supporter moins.
Ne pourrai supporter la perte.
Il demande des vêtements.
Je me retourne.
- Attends. Mon regard en balai automatique.
Dans cette cave, la lumière est de terre.
Pas assez pâle.
Pas assez lumière.
L’apothicaire n’est pas clair.
Mes pieds se trainent. Savent qu’ils ne trouveront. J’ai les yeux encore pleins d’August. Les yeux pleins qui grandissent. Envahissent. Ma cage thoracique. Mon ventre. Mes jambes. J’ai la vision d’August qui me ralentit les gestes.
Pas de vêtement.
Pas le temps.
Il doit faire froid, là-dedans.
Il doit faire froid sous la sueur.
Dans les pierres.
Je lui tends une couverture.
Laine blanche et laine brune.
Matière de mouton doux.
Je lui tends la main sous la couverture.
La couverture glisse.
Ne me reste que ma main tendue.
- Viens. Vite. Tu dois avoir froid. Je tire.
- J’ai eu peur pour toi. Et de toi, aussi.
Mais je ne te le dirai pas.
Je ferme à moitié les paupières.
La peur ne peut pas s’échapper de mes paupières.