[Mai 1944] Devoirs à tribord! [Le Pirate]

Khanrell est franchement une élève douée, elle n’est que très rarement inquiète avant un examen, parce qu’elle n’a rien de mieux à faire de son temps libre que d’étudier. C’est ça qui arrive quand on n’a pas d’amis, faut se rendre à l’évidence! Mais il y a certains professeurs qui arrivent à la rendre nerveuse même lorsqu’elle maîtrise pourtant bien la matière. Elle se met à douter d’elle-même alors qu’elle sait pourtant avoir les bonnes réponses, fige lorsque vient le temps de rédiger une dissertation. Par exemple, là, elle devait souligner les différences entre les sortilèges Locomotor, Ascensio et Mobili, dans quelles situations il valait mieux faire l’un versus l’autre, etc. Fastoche.

Enfin, si l’enseignant n’avait pas été Dorian, ça n’aurait même pas été un problème, car Khanrell connaissait la réponse. Mais juste parce qu’elle commençait à le savoir réputé pour corriger très sévèrement, elle se mettait à remettre en question tout ce qu’elle écrivait, au point de se retrouver vite devant une feuille barbouillée de notes toutes plus incompréhensibles les unes des autres. Quelques passages avaient été travaillés, retravaillés, re-retravaillés jusqu’à retourner à l’idée première, ce qui commençait à la faire paniquer, parce qu’au final, elle n’avait rien changer du tout.

Était-ce vraiment la correction sévère de Dorian qui lui faisait perdre ses moyens dans les devoirs de sortilèges ou simplement parce qu’elle avait toujours du mal avec les enseignants masculins? La peur de l’échec, grandement enfoncée dans son cœur, l’empêchait d’être confiante en ce qu’elle faisait. Car l’échec signifiait toujours pour elle la punition, même si personne ne l’avait maltraité depuis quatre ans.

-Bon sang… c’est simple pourtant… marmonna-t-elle entre ses dents, lâchant la plume dans son encrier pour se passer les mains sur son visage moite.

Il faisait chaud dans la bibliothèque, l’été s’installait avec assurance dans l’école. L’adolescente soupira bruyamment, avant de se rappeler brusquement qu’elle n’était pas seule à la bibliothèque. Inquiète, elle regarda au travers ses doigts, mais personne ne semblait lui porter attention, le nez collé dans les devoirs et les études pour les BUSE et les ASPIC. S’encourageant mentalement à continuer à travailler aussi, elle se détendit et laissa tomber ses mains sur la table pour récupérer sa plume… et renversa, dans le même mouvement, tout son encrier sur son parchemin!

-Merdemerdemerdemerde! ne put-elle s’empêcher de paniquer, bien qu’en chuchotant toujours.

Pas le temps de vérifier si quelqu’un l’avait remarqué, cette fois-ci, elle se mit à fouille dans son sac pour trouver sa baguette. N’avait-elle pas lu quelque part un fichu sortilège pour nettoyer les en vitesse? Nettoievite? Proprevite?

-Recurvite! s’exclama-t-elle sèchement, un peu plus fort qu’elle ne l’aurait voulu, ce qui lui attira d’ailleurs des regards froids.

Et ça ne marcha pas. Évidemment. Khanrell sentit les larmes affluer dans ses yeux, incapable de les arrêter. Elle baissa le ton d’un cran, et s’approcha de sa table (pour s’assurer que celle-ci «entendrait» son sortilège») afin de répéter l’incantation, mais cette fois-ci, elle s’était mise à bégayer, sachant qu’on la regardait… Eh merde! Ce qu’elle devait avoir l’air ridicule!

Oh seigneur! Comme si ce n’était pas suffisant que tout le monde la regarde, il fallait en plus que la honte soit à son comble alors qu’un élève lui proposait son aide. Un garçon en plus, rien que pour ne pas arranger le terrible embarras de Khanrell! Est-ce qu’elle avait l’air d’avoir besoin d’aide, franchement? Bon, ok, oui. Carrément même, malgré que c’était la dernière chose qu’elle aurait voulu. Des taches d’encre couvraient même sa robe de sorcière, son devoir était complètement gâché, la table de bois massif allait probablement rester à jamais marquée par cet événement grotesque, et pourtant… La blondinette fixa stupidement le rouquin sans être capable de répondre, les mots coincés dans sa gorge. C’était toujours comme ça en face d’un garçon.

Il avait même pas l’air méchant, en plus, ce n’était pas comme si c’était un de ces fichus serpentards! Et pourtant, lorsqu’elle ouvrit la bouche pour répondre (alors qu’elle ne savait même pas quoi répondre encore), aucun son n’en sortit. Ce qu’elle devait avoir l’air ridicule, la bouche s’ouvrant et se fermant pour parler, comme un poisson hors de l’eau! Khanrell sentit rapidement les larmes venir brouiller son regard alors que le temps s’étirait dans cette position inconfortable dont elle ne savait pas comment se libérer. Elle s’empressa de faire non de la tête, en espérant qu’il parte pour éviter de se ridiculiser encore plus, mais c’est le moment aussi qu’elle choisit pour essayer d’essuyer ses yeux pour empêcher ses larmes de couler… Oh, dommage qu’elle n’avait pas remarqué avant qu’elle avait aussi de l’encre sur les doigts…

Trop tard. Elle le senti au moment où elle posa ses doigts sur son visage, et ne retint cette fois pas son sanglot. Ça c’était le comble du ridicule! Tout le monde allait sûrement en parler lorsque le rouquin l’aurait raconté à ses copains, et elle allait (ENCORE) être la risée de l’école, et devrait éviter les gens pendant des jours! Mais comme le serdaigle ne semblait pas encore vouloir se moquer, Khanrell changea d’idée et hocha finalement, à l’affirmative, de la tête, quémandant son aide. M’enfin, si son offre tenait toujours.

-J’j’j’j’j… je… s’s’s’s… Tiens elle parlait le fourchelangue maintenant? …suis d’d’d’dé’dés…

Bon, désolée. C’était clair pourtant non? Ok, niveau assurance, on repassera.

Peut-être que ça aurait été mieux, en fait, qu’il fiche le camp et aille se moquer plus loin, cette attitude là, au moins, Khanrell l’aurait comprise, contrairement à la délicatesse dont il fit preuve et qu’elle ne s’expliquait pas. Depuis quand les gens s’étaient mis à prendre soin d’elle, tiens? C’était si bizarre que ça faisait un peu peur à l’adolescente, qui accepta avec un temps de retard le mouchoir qu’il lui tendait. Elle prit son temps pour essuyer les traces d’encre sur ses doigts et son visage, ainsi que les coulisses de larmes, se servant de cette excuse pour reprendre le contrôle d’elle-même, se mordant furieusement la lèvre du bas en essayant de maîtriser sa panique. Allez, elle avait vécu bien pire que cela dans sa vie, ce n’était pas un devoir, ni un accident ridicule, qui allait aggraver sa situation… Pourtant, même si elle retenait maintenant ses sanglots, elle ne pouvait s’empêcher de trembler quand même en sentant des dizaines de paires d’yeux posés sur elle, dont celle de ce serdaigle de 5e année.

-M’m’merci, bredouilla-t-elle tout bas en relevant enfin les yeux vers la table, déjà exempt de tout dégât, comme s’il ne s’était rien passé du tout.

Khanrell s’entendit soupirer bruyamment en constatant que lui, il avait su quoi faire. Même si elle doutait qu’il désir le récupérer, la blondinette fit mine de lui rendre son mouchoir, mais en l’abandonnant à mi-chemin entre eux deux, sur la table, car elle ne tolérait pas s’approcher d’avantage d’un garçon. Elle faisait toujours cela, sans même en prendre conscience. Avec une moue ennuyée, elle sorti un nouveau parchemin et un autre encrier de son sac : la table était sauvée, mais pas son devoir, elle devait tout recommencer. Bon, ce n’était pas comme si elle avait accompli quoi que ce soit depuis le début, en fait… Elle gribouilla à la và-vite le titre du devoir en en-tête, mais ne se sentait pas le cœur de s’y remettre. Et le serdaigle qui était toujours là…

-C’est heu… le d’devoir de M’monsieur D’Dorian qui me f’f’fait perdre les n’nerfs… marmonna-t-elle, comme pour justifier son comportement. Comme si ça pouvait changer quoi que ce soit à l’image ridicule qu’elle dégageait…

Les gars la rendaient toujours folle, même lorsqu’ils étaient pourtant gentils… Ce qu’elle avait pu être idiote! Évidemment, qu’il ne voudrait pas récupérer son mouchoir crotté avant qu’elle ne le nettoie. Il devait la prendre pour une attardée de gamine, et n’était pourtant pas bien plus jeune que lui. Et pourtant, ça ne le fit pas fuir, comme n’importe quel être censé. Au contraire, il avait installé ses propres livres sur la table, en face d’elle, pour travailler lui aussi, plutôt que de retourner à l’espace qu’il occupait avant. Rien, bref, pour alléger le malaise de l’adolescente.

Khanrell fourra le mouchoir taché dans la poche de sa robe, se disant qu’elle le nettoierait le plus vite possible pour le lui rendre. Oh, et puis qu’est-ce qui lui avait pris de lui parler de son devoir hein? Maintenant, bien qu’elle aurait voulu s’enfuir de la bibliothèque pour aller s’enfermer dans son dortoir (ici, plusieurs personnes la dévisageaient encore, et elle n’était pas à l’aise, assise à la même place que le serdaigle) il cessa de s’intéresser à ses études pour lui proposer de l’aide, puisque l’enseignant de sortilèges était si exigeant. La blonde s’empourpra à nouveau violement et le dévisagea plusieurs secondes, la bouche béate.

-P’p’ppourquoi? bredouilla-t-elle stupidement. P’p’pourquoi t’tu veux m’aider? Pourquoi T’t’t’es g’g’gentil av’v’vec moi?

Non seulement, personne ne l’avait jamais bien traitée, mais encore moins les garçons! Et depuis quand est-ce qu’on s’entraidait entre maisons, hein? Les Serdaigles n’étaient-ils pas supposés travailler qu’avec d’autres bleus, et même chose pour les gryffondors? Est-ce que quelqu’un allait les gronder?

-J’j’je sais m’même pas t’t’on nom.