Histoire :
Le père aimait les belles femmes, les gallions et les voyages. La mère aimait les beaux hommes, la mode et les fêtes… Ils eurent deux beaux bébés qui n’aimaient rien de tout cela. Depuis le berceau, les jumeaux Drew et Dawn étaient silencieux, attentifs aux choses et non aux gens, indifférents aux jolies nourrices et aux jouets d’or. Drew et Dawn aimaient s’isoler, toucher les vêtements de leur mère – elle en avait en pléthore… - déchirer les vêtements de leur mère – Merlin, qu’elle criait alors – manger les mandarines de leur nounou – jusqu’à vomir – et ranger leurs jouets pour mieux donner des coups dedans – pour tester les coups.
Quand ils eurent cinq ans, Dawn mourut. Personne ne sut comment, pourquoi, d’où… Une maladie magique, sans doute. Un drame, assurément. La maison rieuse et froufroutante se tut. La mère se transforma en statue de sel larmoyante et le père laissa péricliter ses affaires.
Un an plus tard, Drew faillit mourir à son tour, attaqué par un gros chien sans doute trop gros pour qu’on le remarquât. La peur rappela aux époux endeuillés qu’ils avaient encore un enfant bien en vie celui-là et que s’ils ne voulaient le perdre, ils devaient revivre, au moins un peu. Les caractères des parents étant ce qu’ils étaient, ils reprirent goût à la vie plus fort encore qu’auparavant… Et noyèrent d’amour le jumeau restant.
Evidemment, les amis, les voisins, les membres de la famille, les connaissances, les passants, les éducateurs, les étrangers, les badauds, bref les autres les mirent en garde contre cet amour excessif. N’allaient-ils pas en faire un enfant roi ? Un enfant gâté ? Un enfant incapable de partager ? Un enfant incapable de socialiser ? Un enfant… Le père et la mère balayaient toute remarque d’un revers du regard agacé et de la réplique que personne ne pouvait contrer « si vous aviez perdu un enfant, vous sauriez ce que c’est… »
Ah, belle culpabilité affective… Que Drew apprit à encaisser au fil des ans. Au fil des ans, donc, Le jumeau restant s’arma d’une armure émotionnelle aussi épaisse que la corne d’un clochard sans soulier. Et d’une incapacité chronique à comprendre les autres enfants.
Mais ! Heureusement ! Il finit par aller à Poudlard. Heureusement ou malheureusement, on ne sait jamais dans ces cas-là…
Les deux premières années furent infernales – autant pour lui que pour les étudiants qui devaient travailler avec lui. Et sur le tas, Drew dût apprendre à partager, à concilier, à parler même avec d’autres enfants de son âge… Il apprit, oui, non sans heurt cependant ni sans séquelles – autant pour lui que pour les étudiants qui devaient travailler avec lui.
On aurait pu croire qu’ainsi malmené, le petit ‘roi’ se serait terni ou transformé – au choix – mais il n’en fut rien. Clopin-clopant, il resta fidèle à lui-même et Poudlard réussit à lui arrondir les angles sans les gommer.