[14 Juin 1943] - 2h du matin, personne ne dort à Poudlard

On entendait de nombreuses histoires circuler dans la Grande Salle, où la totalité des élèves de Poudlard s'étaient réunis au beau milieu de la nuit. Chacun avait son mot à dire -ou ses larmes à verser- mais Nevender, lui, n'avait pas ouvert la bouche depuis qu'on les avait tiré hors de leurs lits. Il faisait parti des élèves qui n'avaient pas eu le temps de se changer, c'était le problème lorsqu'on a une patte folle, impossible d'enfiler un pantalon rapidement. Il avait cependant attrapé un peignoir bleu roi qui lui permettait de conserver encore un semblant de dignité en dissimulant son pantalon de pyjama et le t-shirt blanc défroissé qu'il portait par dessus. Ses cheveux étaient sa plus grande source d'agacement; il les avait noué à la va-vite et des mèches folles s'échappaient de sa queue de cheval pour lui tomber sur les épaules et le visage... Ajoutez à cela la marche -trop- rapide imposée par les préfets, sept étages d'escaliers récalcitrants à descendre et des centaines d'élèves pour bousculer les boiteux... Personne ne s'étonnait de trouver Nevender d'une humeur massacrante une fois à destination. D'ailleurs, personne ne l'avait encore approché. Mais il ne manquait pas d'espoir; bientôt, Denzel ou Liv l'apercevraient dans la foule et il aurait une oreille attentive dans laquelle déverser son fiel.

Bien sûr, s'il n'avait pas été d'humeur à parler, cela n'avait pas empêché Nevender de tendre l'oreille. Et il en avait entendu, des choses! Dans le lot, deux noms ressortaient incontestablement: Joshua Davis (gardien de  Poufsouffle, patate sans cerveau, cauchemar d'Elizabeth Levy) et Mimi Geignarde (thon périmé, laideron boutonneux, voix de crécelle, tête de turc favorite). Le premier avait, soit disant, été agressé. Pétrifié. Tout comme deux, trois, quatre élèves, un prof, ou même un chat, si on en croyait les ragots.
La seconde était présumée morte.
C'est cette dernière rumeur qui gardait Nevender silencieux, malgré sa profonde envie de se plaindre. Il serrait le pommeau de sa canne dans le creux de ses mains et fixait la foule d'un air glacial, retournant dans sa tête encore et encore tous les bouts de phrase interceptés ça et là... Mimi Geignarde. Morte.
Il n'aurait même pas su dire comment il se sentait. La seule chose certaine était la confusion. Il était confus, confus comme les élèves autour de lui, confus comme les professeurs qui murmuraient avec empressement près des portes, confus comme la situation toute entière...

Un visage ami le tira de ses pensés et il leva une main. La manche de son peignoir lui glissa jusqu'au coude, pour son plus grand agacement, et il la remonta aussitôt.

« Liv! » Il n'y avait pas beaucoup d'élèves qu'il appelait par leur prénom. « Ramène toi... » Il mima ces dernier mots plus qu'il ne les prononça.

Mimi Geignarde, morte. Morte.