[Mi Novembre 1943] Snobbish Sight || ft. Alan Lawford

Snobbish Sight

La salle commune était paisible en cette soirée d'automne. Apparemment, les étudiants n'avaient pas particulièrement envie de semer le trouble ce jour-ci, et tant mieux pour Kenneth. Le jeune homme venait de rentrer de cours et, épuisé, s'affala aussitôt dans un des fauteuils de cuir noir, un manuel aux pages jaunies dans les mains. Malgré le confortable de ces sièges, il avait tout de même mal au dos. La nuit précédente, il avait eu énormément de devoir et avait peu dormi, histoire de ne rien arranger. Promis, cette fois, il irait dormir plus tôt... si il ne trouvait rien de stimulant à faire entretemps, il se laissait trop facilement entrainer par quoi que ce soit d'intéressant. Soudain, il ressentit une pression sur son estomac. Kenneth écarta son livre pour apercevoir le visage écrasé et méprisant de son familier.

"Johan, laisse-moi tranquille…" soupira-t-il.

Rien à faire, son arrogant félin venait de se poser sur son ventre et impossible de l'en déloger. Quand bien même il le déposait au sol, le siamois reviendrait, en se plaignant qui plus est. Déjà qu'il se mettait à miauler... Impossible de se concentrer sur son manuel dans ces conditions. En plus, c'était de l'Histoire de la Magie – et Ken méprisait ardemment cette matière. Il tenait absolument à avoir de bonnes notes en tout, sa fierté en dépendant, mais comment était-il supposé se concentrer sur une chose aussi ennuyeuse ? Wingenbach ferma brusquement son manuel, le reposa sur le dossier du fauteuil sur lequel il s'était allongé – position peu confortable, et pas forcément élégante, mieux valait l'éviter à l'avenir. Enfin... il n'y avait pas encore grand monde dans la salle, et il était presque seul, il pouvait peut-être se le permettre.

Il saisit Johan McFlatface et le déposa sur le sol, le chat se plaignant bruyamment. Parfois il était si désagréable que son maître aurait préféré un oiseau... enfin, façon de parler. Le jeune garçon se leva, et ce fut à cet instant qu'il entendit un bruit de pas. Recoiffant instinctivement ses bouclettes blondes, se souciant de son apparence malgré sa fatigue, et balaya les lieux du regard. Le nouvel arrivant était un jeune homme blond, manifestement plus grand que lui – ce qui n'était guère difficile, à dire vrai –, plutôt maigre et souriant. Apparemment, tous ici n'étaient pas épuisés. Se rendant brusquement compte que fixer les gens ainsi n'était pas vraiment poli, Kenneth sourit et le salua d'un signe de la tête, avant de lancer, d'une voix chantante :

"Bonsoir !"

Mieux valait cacher sa fatigue aux autres. L'élève de quatrième année aurait pu s'arrêter là, et se satisfaire d'avoir été correct, mais il s'ennuyait à mourir et un brin de conversation ne lui ferait sans doute pas de mal. De plus, ce jeune homme lui rappelait quelque chose. Il l'avait certainement vu à plusieurs reprises, les deux étant dans la même maison, mais il n'interagissait pas nécessairement avec tous les Serpentard. Non, il avait pas mal entendu parler de ce type, pas nécessairement en bien d'ailleurs. Lawford... c'était son nom de famille. Oui, il avait un lien de parenté avec le professeur du même nom. Celui d'Histoire de la Magie, la hantise de Kenneth. Même si le blond soupira intérieurement, il ne laissa rien paraitre. Ce n'était pas une raison d'avoir des à-priori. Que ses parents n'aient pas de pouvoirs magiques ne signifiait pas que lui-même ne deviendrait pas un grand sorcier, après tout. De plus, son nom de famille mis à part, ce Lawford avait l'air plutôt sympathique. Souriant, soigné, il n'avait pas l'air d'un fauteur de troubles ou de quelqu'un de trop mal éduqué... il pouvait espérer avoir une conversation d'un niveau intellectuel correct avec lui, mouiii... Et avec un peu de chance, il pourrait lui extorquer quelques informations concernant les cours d'Histoire de la Magie... Quoique, Kenneth était probablement trop fier, et trop intrigué par son interlocuteur pour oser le faire.

"La journée s'est bien passée ?" demanda-t-il, d'un ton toujours aussi calme et avenant.

Il parlait naturellement ainsi, et commençait toujours par quelques questions de ce genre. Non qu'il ait réellement envie d'entendre la réponse, tout le monde s'en moquait ; mais par simple courtoisie. Lui-même aurait mal pris qu'on ne lui demande pas si il allait bien. Même si, dans son cas, cette information était d'une importance capitale. On parlait après tout de Kenneth Wingenbach, le roi des rois.

"Lawford, si je ne me trompe pas ? demanda-t-il d'un air détaché. J'ai beaucoup entendu parler de toi et de ta famille. D'ailleurs, le professeur d'Histoire de la Magie est ton oncle, d'après ce qu'on m'a raconté ?"

En espérant que son interlocuteur ne soit pas un rustre qui l'envoie balader, ce qui lui arrivait assez régulièrement. Mais Ken doutait que ce soit le cas. Son allure avait quelque chose d'impressionnant et somme toute assez sympathique. Du moins... au premier abord.

Snobbish Sight

Bon, apparemment il se portait bien. Pas plus mal ; ça l'aurait plutôt ennuyé de devoir jouer les confidents auprès d'un garçon qu'il ne connaissait quasiment pas. Ce dernier avait d'ailleurs sceptique. Pas la réaction la plus plaisante selon Kenneth, qui aurait espéré une réponse plus spontanée et agréable, mais soit... si il se montrait plus agréable après, peut-être qu'il lui laisserait une chance.

Apparemment, son lien de parenté n'avait rien d'un secret. De toute évidence, si Kenneth, qui ne s'intéressait pas particulièrement aux différentes familles de sorciers – du moins... pas pour leur sang, plutôt pour leur fortune – en avait lui-même ouïe dire. Le garçon aux yeux de glace acquiesça lorsque son interlocuteur mentionna son nom de famille. Ken adorait qu'on le reconnaisse, non, c'était même le moyen le plus facile pour lui arracher un sourire sincère. Ca et les compliments. Si il en était physiquement capable, il en ronronnerait, tel un chat auquel on servirait un magnifique plat de viande. Il perdit vite son sourire lorsque Lawford mentionna qu'il n'avait pas entendu que du bien à son sujet, et fronça les sourcils, mais fut vite soulagé d'apprendre que l'élève de cinquième année se moquait des rumeurs. Bien évidemment, Wingenbach était au courant de la réputation qu'il avait auprès de certains. Si ce n'était pas le cas, il ne pourrait corriger cela comme il le pouvait, après tout. Mais il restait désagréable d'entendre cela. Enfin, il retrouva vite le sourire. Inutile de s'en faire pour si peu... et de passer en plus pour susceptible.

Lawford lui tendit ensuite la main, et Kenneth la saisit sans hésitation. Il faudrait qu'il pense à se laver les mains ensuite, non que son interlocuteur ait l'air du genre à toucher n'importe quoi, mais sait-on jamais.

"J'aime me faire ma propre idée. Est-ce que tu es seul ? Je peux prendre place à tes côtés ? J'avoue que j'ai besoin d'une pause avant de poursuivre mes révisions. Je ne suis pas contre un peu de compagnie."

Oh, c'était parfait, tout ça. Au moins ils étaient deux dans le même cas. Et l'autre blond se montrait au moins plus sympathique qu'au départ... soit il était un minimum intelligent, soit il comprenait vite.

"C'est sans doute le mieux à faire. Je suis seul et j'ai besoin de me reposer un peu, moi aussi... je t'en prie."

Kenneth reprit place sur son siège, se tenant cette fois bien droit, et invita d'un signe de tête Lawford à faire de même, le canapé étant bien assez large pour deux personnes. Ils n'allaient quand même pas rester debout pendant des heures, n'est-ce pas ? Enfin, si ils parlaient pendant des heures. Ce qui n'était pas probable.

"Au passage, je peux connaitre ton prénom ? T'appeler Lawford ne me dérange pas, je demande ça par curiosité. On ne me l'a jamais dit, il me semble..."

Et puis ça éviterait toute confusion avec les autres illustres Lawford qui pourraient errer entre ces murs – ou ailleurs. Lui-même avait du mal à savoir qui, de sa soeur ou lui, était interpellé lorsqu'on criait "Wingenbach" dans la salle commune, aussi il préférait qu'on l'appelle Kenneth, aussi fier de son sang soit-il.

"Kenneth pour ma part. Mais peut-être que tu le sais déjà, si tu as entendu parler de moi. Je suis assez curieux de savoir ce qu'on a pu dire à mon sujet, d'ailleurs."

Il avait prononcé cette phrase d'un air détaché et amusé, mais l'intérêt était réel. Peut-être que Lawford ne ferait pas attention à cela, peut-être qu'il y répondrait. Il était toujours bon de se renseigner de temps à autre sur l'image qu'on pouvait renvoyer. L'image, toujours l'image...

A ce moment, il fut interrompu dans ces pensées par son familier, le siamois se collant à ses jambes en miaulant. Ken soupira, l'écartant du pied.

"Je suis en pleine discussion, Johan. Laisse-moi tranquille. Désolé, ajouta-t-il à l'intention de l'autre Serpentard, il est insupportable."

Pourquoi fallait-il que ce stupide chat l'ennuie alors qu'il essayait d'avoir une conversation normale avec quelqu'un de… bien ? Allez savoir. Ken ne savait pas encore vraiment quoi en penser.

Snobbish Sight

Alan Barthélemy Jefferson Lawford. En effet, Alan serait amplement suffisant, bien que Kenneth ne trouve pas ce nombre de prénoms particulièrement choquant, ayant l’habitude. Il était même plutôt étonnant que lui et sa sœur n’en aient qu’un, bien qu’il s’en contente largement, faire si compliqué n’étant pas nécessaire. Lorsque son interlocuteur évoqua le nom de son chat, Kenneth esquissa un sourire un poil gêné. On lui avait déjà fait cette remarque, bien que la similitude entre les deux noms ne soit qu’une coïncidence. Quant à cette Johan, il la connaissait un peu. Elle était membre, comme lui, du club de duel clandestin. Mais cela, il ne comptait certainement pas le révéler. Sans compter qu’étant donné la réputation de la Gryffondor, et l’avis – somme toute assez amusant – qu’en avait Alan, il était préférable d’éviter avouer avoir tout lien avec elle. Ou les Gryffondor. C’était drôle comme les rivalités entre sa maison et les rouges était importante… mais étant donné les fortes personnalités qu’on trouvait des deux côtés, ce n’était pas si étonnant.

« Tu n’es pas le premier à me le faire remarquer. Je te rassure, il est bien moins désagréable qu’elle… du moins, si je me fie à ce que j’ai entendu sur cette Johan. Je sais bien que les rumeurs ne reflètent pas toujours la réalité, bien sûr, mais je n’aurais pas franchement envie de l’approcher. »

Le plus âgé finit par lui raconter ce qu’on disait à son sujet. Cela ne semblait pas le déranger, cependant. Kenneth en fut assez surpris au départ, mais finit par se dire qu’il était logique de sa part qu’il comprenne que le Né-Moldu s’intéresse à cela. Apparemment, il était trop coincé, guindé, pour reprendre ses termes. Le garçon aux cheveux bouclés sourit lorsqu’il entendit Alan dire que la plupart manquaient d’éducation. Kenneth n’aurait pas dit mieux. Si le monde des sorciers l’attirait irrésistiblement, ce n’était pas le cas de tous ses habitants… Certains élèves faisaient d’ailleurs pas mal parler d’eux. Tant qu’à avoir un flagrant manque d’éducation, autant le cacher comme ils le pouvaient, c’était la moindre des choses. Avant même qu’il ne puisse répondre, son aîné avait fait apparaître deux tasses sur la table en face d’eux.

« Oh, un thé ? devina-t-il, surpris, en voyant Alan s’exécuter. Très aimable à toi, je dois dire. »

Contemplant silencieusement le cinquième année préparer le breuvage, il en oublia de le remercier pour les informations. Il allait le faire convenablement lorsque l’autre reprit la parole, disant que les elfes de maison de l’école étaient incapables, et que lui-même aurait préféré amener le sien ici, si cela avait été autorisé. Les elfes de maison… ces créatures n’avaient jamais attiré Kenneth, malgré leur évidente utilité. Peut-être parce qu’ils étaient, comme le prétendait l’autre Serpentard, incapables, justement, de faire leur travail correctement. Dire qu’ils étaient nés pour ça. Enfin, quelle que soit son opinion de parfait amateur, mieux valait acquiescer pour le coup, plutôt que de dire une bêtise ou de se taire comme un idiot.

« Je ne peux pas vraiment dire que je m’y connais en la matière, mais… effectivement, même en vivant chez les Moldus, j’ai été mieux servi. J’espère pour toi que le tien est plus compétent – pas que j’en doute, cela dit. »

Finalement, le thé fut prêt. Kenneth porta la tasse à ses lèvres et commença à boire à petites gorgées, lentement, de crainte d’en renverser la moindre goutte – manger aux côtés de quelqu’un était toujours légèrement stressant pour cette raison. Ce fut de nouveau au tour d’Alan de parler, retournant au sujet de la réputation du plus jeune. Celle-ci étant notamment fondée sur son sang. En entendant cela, Kenneth baissa les yeux, et si il maintint un sourire de façade (un sourire était vraiment le meilleur masque qu’on puisse porter), il eut un pincement au cœur. Non qu’il ait honte de son sang ; il n’y avait quasiment rien dont il ne soit pas fier. Sa phobie peut-être, et encore. Cependant, on lui faisait un peu trop souvent remarquer ses origines, et pas de la manière dont il le souhaiterait, c’est à dire en parlant de la richesse et de la noblesse de la famille Wingenbach. La plupart – enfin, surtout des Sang-Purs – se concentraient bien trop sur le fait qu’il n’était qu’un Né-Moldu. Et, contrairement à ce que laissait entendre Alan, il ne s’y faisait pas vraiment. Se prendre ouvertement pour meilleur que Kenneth n’avait jamais été le meilleur moyen de s’attirer sa sympathie, et cette phrase laissa un goût amer au quatrième année. Enfin, mieux valait ne pas révéler le fond de sa pensée et maintenir les apparences. Cherchant à masquer sa fébrilité, il déposa calmement sa tasse et dit, nonchalamment :

« Oh, ce n’est pas toujours facile, mais j’ai pris l’habitude, bien sûr. Disons qu’il faut relativiser : même si je ne suis pas né dans une famille de grands sorciers, la mienne est loin d’être la plus pauvre ou méprisable. Pour en revenir à ce que tu disais sur l’éducation tout à l’heure, la mienne est correcte, je ne peux que m’en féliciter. Bien sûr… ce n’est qu’une maigre consolation comparé au fait que j’ai bel et bien des origines Moldues, mais c’est déjà ça, je suppose. »

Si il avait tout de même ajouté cette dernière phrase pour ne pas s’attirer les foudres de son interlocuteur – Kenneth avait beau trouver ses dernières paroles désagréables, il préférait ne pas le froisser, et il n’avait de toute façon pas pour habitude de provoquer les gens – il restait content d’avoir pu rappeler, ne serait-ce qu’un peu, la richesse de sa famille. Si pour sa part le sang l’importait peu, il devait admettre que l’argent ne le laissait pas indifférent.

« Content de voir que tu ailles au-délà des préjugés… quand je pense à certaines personnes, je dois reconnaître que certains sont plutôt fondés… »

Même si c’était là encore pour brosser dans le sens du poil plus qu’autre chose, décidément un automatisme chez lui, il y avait un fond de vérité, et il était plutôt content qu’on lui parle sans… trop se soucier de cela, même si il se doutait qu’Alan ne devait pas totalement s’en moquer – Kenneth, bien que le trouvant étrangement intéressant et assez sympathique, s’en méfiait un peu, on n’était jamais trop prudent. Et effectivement, il fallait avouer que certains Nés-Moldus rendaient leur réputation d’êtres inférieurs presque justifiée. Pas que Ken s’inclût dans le lot, bien évidemment ; mais il était convaincu au plus profond de son subconscient qu’il était meilleur que tout le monde, aussi il ne risquait pas de s’identifier à ces personnes, quelles que soient leurs points communs. Après avoir bu quelques gorgées supplémentaires, et reposé de nouveau sa tasse désormais vide aux trois quarts, le blond se tourna vers Alan :

« Ce thé est excellent, et pourtant je ne suis pas très indulgent. Tu pourrais m’apprendre, un jour ? Si tu as du temps à perdre, bien sûr. Mais ça me serait vraiment utile. »

La demande était détachée, pas besoin d’implorer qui que ce soit pour avoir ce qu’il désirait, n’est-ce pas ?

Snobbish Sight

Le cinquième année posa à son tour sa tasse, se retournant vers Kenneth. Tous deux demeuraient aussi souriants, ne montrant pas le moindre minuscule signe d'irritation, retenant le moindre haussement de sourcil dédaigneux. Du moins était-ce le cas de Kenneth. Mais on ne savait jamais vraiment si son interlocuteur était tout à fait honnête, surtout lorsqu'il semblait s'y connaitre en matière de conversation. On pouvait donc soupçonner Alan de ne pas être parfaitement honnête... mais Ken n'y réfléchissait pas vraiment. Et il s'en moquait pas mal, dans la mesure où on faisait l'effort d'être correct en sa présence. Il n'en demandait guère plus.

Alan expliqua ensuite la clé du goût de son thé. Bien que n'étant pas un grand spécialiste en matière de préparation, préférant goûter ce breuvage qu'en faire, les différents critères exposés par son pair lui semblaient assez évidents. Mis à part peut-être la température de l'eau. Il s'en doutait certes un peu, mais il ne savait pas que c'était d'une telle importance. A noter en tout cas, ça lui servirait sans doute par la suite.

"Je vois que tu t'y connais. Comme les potions... tu n'as pas tort, ça m'y fait penser aussi."

La comparaison était plutôt bien trouvée, oui. Et si elle s'avérait juste, le quatrième année n'aurait aucune difficulté à préparer le meilleur des thés. Agatha serait impressionnée... Si Kenneth avait terminé sa tasse, ce n'était pas le cas d'Alan, qui s'en chargea à cet instant, avant de lui poser une question :

"Tes parents sont riches, c'est ça ? Est-ce qu'ils ont une place importante dans la société Moldue, ou... quelque chose comme ça ? Je n'y connais pas grand chose."

Kenneth, bien qu'essayant de ne pas trop le laisser paraitre, jubilait. Si il avait été un chat, comme cet insupportable Johan, il aurait certainement ronronné... même si il ne l'admettrait jamais, il adorait qu'on s'intéresse à lui et qu'on lui pose ce type de questions, qui plus est concernant sa famille. Sans doute autant qu'il appréciait se goinfrer sans retenue de pâtisseries fines. Evidemment, il se lança sans trop réfléchir, mais essayant avec peine de garder un air parfaitement calme et... à peu près modeste. Notez le "à peu près".

"Je comprends qu'on ne sache pas grand chose du monde Moldu quand on a toujours vécu dans celui des sorciers, commença-t-il. Je dis ça, mais je n'avais pas idée de mes propres pouvoirs, enfant... mais bref. Ils sont riches, comme tu le dis. Même si le terme fait très vantard, disons les choses comme elles sont."

Johan revint se blottir contre ses chevilles. Poussant un léger soupir, il le prit dans ses bras et le posa sur ses genoux. Au moins, il lui laisserait la paix, le temps qu'il termine sa conversation. Le siamois n'étant ni sale ni particulièrement turbulent, du moins quand son maître se pliait à ses moindres désirs, Ken espérait qu'il ne dérangerait pas Alan. Surtout qu'il était en train de lui donner des informations "capitales".

"Les Wingenbach tiennent une grande entreprise en Ecosse, depuis des générations. Ce qui leur permet d'avoir pas mal de fonds... Les plus riches sont généralement les plus puissants. Evidemment, ça peut être lié au sang, mais... avoir une famille illustre est moins important que chez les sorciers."

Lui avait beau être fier de son nom, très même, avoir réussi à inventer un objet révolutionnaire ou avoir fait son chemin dans la politique de Grande-Bretagne l'aurait tout autant satisfait, tant que le prestige était là. Et l'argent, l'arme ultime de l'être humain. Certes, devenir un sorcier changeait complètement la donne, mais être important dans deux univers radicalement différents était mieux encore.

Ken se rappela alors qu'il n'avait fait que parler de lui. Pas que ça le dérange, en soi, mais il était sans doute préférable de poser quelques questions à son tour, par principe. Et puis, il n'avait pas l'interlocuteur le plus inintéressant qui soit, malgré une remarque ou deux sur sa condition de Né-Moldu.

"Et toi ? Je sais que la famille Lawford est importante, mais je ne connais, bizarrement d'ailleurs, que ton oncle. Pour des raisons évidentes... J'imagine que tu es parent avec quelques personnes importantes ?"

Ce n'était qu'une supposition assez risquée, mais il était presque sûr d'avoir raison. Peut-être qu'il avait entendu le nom Lawford ailleurs, ça ne l'étonnerait pas vraiment... et puis il ne pouvait pas être qu'un Sang-Pur, comme la plupart de ces gamins arrogants mais sans grande éducation qui le snobaient de temps à autres. Il devait y avoir autre chose... non ?

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Souriant, Alan se resservit une tasse de thé, et Kenneth en aurait fait de même si il n'était pas préoccupé par son petit discours – enfin, petit était un bien grand mot. Apparemment, les membres de la famille Lawford jouissaient d'une importance non négligeable, en Angleterre tout du moins. Non que Ken en doutât une seconde, il était même content que sa déduction soit juste. Son père était directeur du Département des Mystères au ministère. Pas étonnant que le nom soit plus que familier aux oreilles du petit blond ; il s'y connaissait peu en politique, du moins celle du monde sorcier était encore un peu floue, mais il devinait sans trop de problèmes l'importance de ce poste. Après tout, son interlocuteur n'en semblait pas peu fier. C'en était presque irritant mais, pour être tout à fait franc, lui-même n'en aurait pas fait moins... il se contenta donc de suivre la conversation sans réagir, attentivement, jusqu'à ce qu'Alan termine. Son oncle était donc le seul à avoir choisi une voie moins... prestigieuse. Même si Kenneth était au courant de la puissance des professeurs de Poudlard, il ne pouvait s'empêcher de garder une certaine mauvaise foi et de penser, quoiqu'en dise son aîné, qu'il ferait un très mauvais directeur. Il lui avait toujours paru lugubre et désagréable, peut-être à cause de la matière qu'il enseignait et pour des raisons totalement injustifiés, mais le garçon de quatorze ans trouvait tout cela tout à fait légitime. Néanmoins, mieux valait ne pas froisser le jeune Lawford, pas vrai ? Qu'il n'apprécie pas un membre de sa famille ne signifiait pas qu'il devait le haïr, loin de là. Il se contenta donc d'acquiescer en souriant. C'est fou comme un hochement de tête pouvait servir. Si ça continuait, il finirait par en avoir un torticolis.

Vidant de nouveau sa tasse – décidément, c'était un véritable trou – Alan demanda ensuite si il savait ce qu'il ferait plus tard... Suggérant qu'il comptait retourner chez lui, dans le monde Moldu. Ce qu'il affirmait trouver pathétique et décevant. Pour qui il le prenait, au juste ? Evidemment que lui aussi trouvait cela affligeant. Ce monde caché le passionnait et il était hors de question de le quitter définitivement. Quel genre d'idiot aurait une idée pareille ?

"Décevant, oui. Ce ne sera pas facile d'abandonner ma famille et l'entreprise dont je dois hériter, mais, très franchement... Tout ça est terriblement ennuyeux comparé à ce que je pourrais faire ici. Je préfère ne pas gâcher ma vie là-bas."

Le quatrième année se resservit à son tour. Voir Alan boire autant lui donnait soif. Tout en buvant une nouvelle gorgée, il se demanda ce qu'il pourrait faire à l'avenir... l'autre risquait de trouver ses rêves démesurés et flous assez ridicules, et il n'avait de toute façon pas d'idée précise. Pas encore, du moins. Ca viendrait... il n'était pas dans la maison de l'Ambition pour rien, après tout.

"Je ne sais pas encore quoi faire, précisément. Pour le moment, je me donne les moyens d'avoir le meilleur avenir possible. Je n'ai jamais vraiment accepté d'être médiocre... ce serait insupportable."

Il se retourna vers son interlocuteur. Si il était si bien encadré, il devait avoir quelques perspectives d'avenir – voire un destin déjà bien ficelé.

"J'imagine que tu es plus inspiré que moi. Enfin, même si ce n'est pas le cas, c'est compréhensible."

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Ainsi, il suivrait les traces de son père. Ce qui n'étonna absolument pas Kenneth ; en vérité... il s'en serait plutôt douté. Et bien qu'il ne sache pas si il occuperait un poste similaire, Wingenbach se doutait qu'il ne comptait pas officier en tant que simple secrétaire. Si c'était le cas, sauf son respect... il perdrait une bonne partie de l'estime de Kenneth. Mais au contraire, il ajouta que si il travaillait au mieux – ce que le blondinet faisait toujours, par principe, sinon il risquait de criser – il parviendrait à faire ce qu'il voulait.

Mais... il ajouta également que ce ne serait pas suffisant. Kenneth haussa un sourcil lorsqu'il parla de bonnes relations. Il comprenait parfaitement le principe ; il avait vu ses parents faire, les avait imités sagement à maintes reprises. Etre poli, adorable même, pour s'attirer les faveurs de l'interlocuteur. Bien sûr, il s'agissait plus d'un jeu, de conventions qu'autre chose. Lui-même ne pouvait résister à quelques compliments bien placés ou à un échange montré sous un beau jour... son péché mignon. Utiliser un peu les gens et les manipuler gentiment était une de ses spécialités.

Doué pour se montrer charmant et avenant, comme le disait si bien Alan. Il résumait bien la chose et Ken ne pouvait que s'en vanter. Le cinquième année lui suggéra même de se familiariser avec les membres du club de Slughorn. Pourquoi pas... si il s'agissait de personnes intéressantes, réunies dans un même groupe, il n'avait rien à perdre. Il ne doutait d'ailleurs pas pouvoir les approcher voire intégrer le club. Certains seraient peut-être ennuyeux et arrogants, puisqu'Alan disait qu'une partie d'entre eux faisait partie de familles importantes, mais au moins il n'aurait pas de scrupules à les utiliser.

"Je vois... merci du renseignement. Malheureusement, je ne pense pas pouvoir te donner le moindre renseignement en échange... mais je retiens."

Des scrupules... Bien sûr que non, il n'en aurait pas pour quelqu'un qu'il n'appréciait pas. Au contraire, il prenait un malin plaisir à se révéler plus intelligent que la personne en face... Si il n'était pas le plus malin dans la pièce, alors il n'avait rien à faire ici. Mais il n'était pas un sociopathe sans remords... il espérait. Obtenir ce qu'il voulait, soit, mais vampiriser des personnes appréciables et risquer de les perdre... Il doutait qu'il en soit vraiment capable. Peut-être était-il encore trop jeune et candide pour être aussi fort psychologiquement qu'il le désirait. Sans doute. Il l'ignorait. Dans tous les cas, mieux valait ne rien laisser paraître... et sourire à cette conversation. Oui, il était définitivement trop enfantin, et voyait les jeux mentaux, les énigmes de l'esprit humain comme des jeux plus que des outils. Mais au moins, il y prenait part avec plaisir.

"J'imagine que tu as déjà tenté la technique, si tu n'es pas toi-même dans ce club ? Ce n'est pas que je ne te crois pas, je sais à qui faire confiance quand même. Je demande ça par curiosité."

Il ne s'était pas trop intéressé aux membres du club de Slughorn jusqu'ici, alors mieux valait vérifier si ses dires d'Alan étaient vrais... ou au moins si il était probable pour lui de réussir à en tirer quelque chose. Il ne comptait pas perdre son temps avec ces gens, quand même... Il avait mieux à faire. Des devoirs d'Histoire de la Magie, entre autres. Il en grimaçait d'avance.

"D'ailleurs, si tu avais quelques noms, ça m'arrangerait beaucoup. Après, je ne veux pas abuser de ta gentillesse."

Euh, si. Absolument.

"Si tu as besoin de quoi que ce soit, d'ailleurs, n'hésite pas. C'est le moins que je puisse faire."

Il ne voyait pas trop ce qu'il pourrait accomplir de plus que son aîné, mais supposait que sa présence serait toujours une aide plus qu'un fardeau, pas de raison de refuser. De plus, il préférait entendre directement ce qu'il avait à demander si il y avait lieu, plutôt que d'avoir des dettes à rendre, aussi infimes soient-elles. Après, il n'était pas exclu qu'il ait fait ça par pure sympathie, mais Kenneth s'en méfiait un peu… Un tout petit peu.

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Han. Alors il avait été invité d'office. Rien de bien étonnant à cela, cela dit, si Slughorn s'intéressait bien aux héritiers de grandes familles. Ou ceux ayant un fort potentiel, comme Kenneth lui-même, donc. Celui-ci ne retint que difficilement un sourire lorsqu'Alan parla de ses possibilités. Le petit blond avait une énorme faiblesse ; aussi hypocrites puissent-ils être par moments, il ne pouvait que fondre chaque fois qu'on lui accordait de l'importance. Narcissique, lui ? Disons plutôt vaniteux, quoiqu'il pourrait facilement être qualifié par... tous les adjectifs synonymes de "fier", lorsqu'il s'y mettait vraiment.

Donc, dans leur maison, il y avait Levy – la fameuse, l'inimitable – Zoey Oxford, Rigel Black... Des noms que Kenneth avait au moins entendus à plusieurs reprises, sans nécessairement les connaitre personnellement. Et les autres maisons avaient des représentants moins fameux, donc ? Si Ken imaginait que la crème de chaque maison s'y trouvait, et que ses membres devaient rester sympathiques (sauf peut-être les Serdaigle. Il ne les aimait définitivement pas), il maintenait une part décente de fierté pour sa maison et estimait donc que la supériorité des Serpentard, dans ce genre de clubs, était évidente. D'autant qu'il voyait plutôt les membres du club comme ayant un profil de Serpentard, plutôt que de Poufsouffle ou quelque chose du genre... Surtout vu la manière dont en parlait Alan.

Et il ne lui devait rien ? Adorable de sa part, mais Kenneth retiendrait ces mots. Pas question de répondre à une requête de sa part sans raison, plus tard... quoique... il le considérait comme intéressant et faisait plus ou moins abstraction de son sang... Il pouvait bien lui faire une faveur, il était sympathique après tout, et le méritait bien plus que certains. Lorsqu'Alan termina sa dernière phrase, Kenneth sortit de ses pensées et réalisa quelque chose. Il voulait voir comment il se débrouillait ? Charmante impression que de se sentir comme une bête de cirque, mais il pouvait bien le laisser passer, il lui avait fait bien plus de compliments que causé de tort. Sans compter qu'il avait au moins un espoir en lui. Et si Ken avait pu intéresser quelqu'un de si axé sur le sang et sa famille de sorciers, il serait très certainement capable de l'impressionner... de même que d'autres personnes dans ce club qui lui faisait tant envie. Et si ses pensées étaient occupées de rêveries démesurées et enfantines, ce fut une lueur de défi qui s'alluma dans son regard.

"Parfait dans ce cas. Merci pour les noms, au passage, j'imagine que ça me sera d'une grande aide, et mieux vaut savoir à qui il vaut mieux avoir à faire."

Quoi ? Oh, comme si ces élèves allaient le fuir ou le rejeter comme le gamin qu'il était. Impossible n'était pas "Kenneth". Du moins dans son esprit.

"J'essaierai de faire honneur à mon appartenance au club, dans ce cas..."

Comme si il y était déjà. Oh, c'était couru d'avance. Personne ne faisait de pari impossible à tenir, non ? Et puis, comme le sous-entendait Alan, ce serait un vrai jeu d'enfant pour lui. Il avait l'influence, le potentiel, l'argent au cas où... Bref, pas de raison d'échouer en principe !

"Oh, si j'y entre, bien sûr. Mais j'y compte bien. Puisque tu y es aussi, ce qui ne me surprend pas vraiment... j'imagine qu'on s'y retrouvera bientôt. Oh, et, au passage... les noms que tu m'as donnés... je ne doute pas qu'ils sont très fréquentables et que tu ne m'en as pas parlé pour rien, mais est-ce qu'ils sont sympathiques, au moins ? Je veux dire, il y a tant de personnes avec qui je ne peux pas avoir une conversation décente, à cause de mon sang... C'est compréhensible mais assez dommage..."

Un air désolé de cocker battu assombrit ses traits. Oh, le pauvre chou ne pouvait pas avoir la compagnie qu'il méritait parce que ses parents étaient Moldus. Non, vraiment, il n'avait pas envie d'avoir à ravaler sa fierté face à un Sang-Pur trop orgueilleux.