Histoire :
Sur les traces de mon passéJe suis née un soir d‘hiver, dans une ville d‘Angleterre : Oxford.
Comment je le sais ? C‘est maman qui me l‘a dit quand j‘étais petite. Ma maman c‘est Eliane Redwings. Elle était très belle et très douce. Quand j‘avais du chagrin elle me prenait dans ses bras et me chantait une chanson en jouant avec mes cheveux jusqu‘à ce que j‘oublie ma tristesse. Elle faisait aussi des tartes aux pommes délicieuses et sentait toujours le muguet. Je me souviens de ses cheveux bruns et de ses yeux bleus comme l‘océan. Maman m’a souvent raconté que mon papa était un homme très gentil et souriant qui me ressemblait beaucoup. Elle disait qu‘il était un homme très fort et très important et qu‘ils s‘aimaient tout les deux à la folie. Mais moi je ne m‘en souviens pas, même si je l‘ai toujours cru. D‘après maman, il est mort peu après ma naissance, elle ne m‘a jamais dit comment, mais elle avait toujours eut l‘air triste en en parlant. Elle n’a par contre que rarement évoqué leurs familles respectives et pour toutes réponses à mes questions je n’ai eu que des expressions assombris qui m’ont poussé à ne pas insister.
A la mort de mon papa, Eliane s‘est retrouvée sans argent ni soutien pour m‘élever et du partir d’Oxford pour trouver de quoi subsister à Manchester. Ça a été difficile, mais ma mère était forte et pour moi elle a voulu faire tous les sacrifices. Elle s‘est remariée avec un homme riche, John Mc Herson, qui est devenu mon beau père. Aussi loin que je me souvienne, même toute petite, je n’ai jamais beaucoup aimé cet homme à l‘attitude froide et austère. Mais maman disais qu‘on lui devait beaucoup et que je devais me montrer respectueuse et sage avec lui. Alors, malgré mon ressenti et le fait qu‘il m‘ait toujours fait peur, j‘ai été une petite fille obéissante et je faisais très rarement des bêtises. Mais les quelques fois où ma maladresse ou mon esprit rêveur me rattrapait un peu trop, John entrait dans des colères noires qui me terrifiaient et me poussaient à aller me réfugier dans un coin. Je crois aussi qu'il n'aimait pas beaucoup la couleur blanche de mes cheveux, car il y jetait à chaque fois un regard sévère, comme s'ils étaient négligés. Moi je m'en moquais un peu, mais j'avais tout de même posé la question à ma maman un jour. Elle m'avais répondu que c'était normal, que j'étais née « albinos ». Je n'ai jamais vraiment su ce que ça voulait dire mais je l'ai noté dans un coin de ma mémoire. Tout ce que je sais, c'est que je ne dois pas sortir lorsque le soleil est trop fort, parce que ma peau me pique alors beaucoup et devient vite toute rouge et aussi que la lumière trop puissante me fait mal aux yeux.
En dehors de ça, je crois que jusqu‘à mes neuf ans et demi j‘ai vécu plutôt bien. Au manoir Mc Herson, on ne manquait de rien et même si je n‘étais pas autorisée à sortir de la propriété, j‘avais presque toute l‘habitation pour moi toute seule et je pouvais jouer quand je voulais en dehors des heures d‘études avec différents tuteurs que m‘imposait mon beau-père.
John Mc Herson était un homme exigeant, et très croyant. Il m‘a rapidement imposé une série de règles que je devait respecter à la lettre. Comme faire une prière avant de manger ou de me coucher, apprendre l‘anglais, mais aussi le latin et le français, lire un passage de la bible tous les jours et connaître les « vertus qu‘un bon catholique doit posséder ». Ces règles ne me plaisaient pas, mais pour ne pas faire de la peine à ma maman, je les suivais à la lettre. Il décida aussi très tôt de changer mon nom pour « Liliane », plutôt que Lilith, dont il avait d‘après ses propres mots « une sainte horreur ». Je détestais ce nouveau prénom, et j’étais soulagée que ma mère continue à m’appeler Lilith. Mes tuteurs assignés m‘enseignaient la lecture et l‘écriture, les mathématiques, la géographie et l‘histoire de l‘Angleterre et l‘étude de l‘art. Des choses qui m‘avaient intriguées au début, puis rapidement ennuyés bien que je fasse bonne figure. Pendant mes temps libres en revanche, j‘étais autorisée à découvrir des choses bien plus intéressantes. C‘est d‘ailleurs durant l‘un de ces temps que j‘ai fait la connaissance de la musique. J‘avais environ 5 ans lorsque je suis tombée sur ce violon en jouant dans la salle de musique. L‘objet était si beau et étrange à la fois qu‘il m‘a tout de suite intrigué. Son corps arqué était en acajou verni et de belles cordes brillantes étaient tendues de son manche à son ventre finement travaillé. Il était accompagné d’une fine baguette de bois tendue de plusieurs cordes tressées. Timidement, j‘ai tendu ma main vers l‘objet envoûtant et je l‘ai observé sous tous les angles pendant une bonne heure. Puis, m’appliquant à reproduire les gestes que j’avais lu dans les encyclopédies et les livres sur le violon de la bibliothèque, j’ai commencé à jouer. Les premières notes ont été horribles et m’ont faite grincer des dents. Mais j’ai réessayé. Et je suis revenue le lendemain pour essayer de nouveau et le surlendemain et toute la semaine suivante. Jusqu‘à ce que les notes sortent de manière plus harmonieuse et que je commence à comprendre comment marchait l‘instrument. Trois semaines plus tard, en m‘efforçant chaque jour de tenter de jouer, je parvenais à reproduire des petits bouts de musiques de rossignols ou que j‘avais entendu à la radio. A partir de ce jour, mon violon et moi sommes devenus inséparables. Et j‘allais souvent me promener dans les jardins avec pour accompagner le chant des oiseaux. Ce sont des instants de bonheur que je n‘oublierais jamais.
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Plusieurs fois, j‘ai joué devant ma mère pour lui montrer mes progrès. A chaque fois elle applaudissait et me prenait dans ses bras en riant et me félicitant. Dans ces moments, je rougissais de joie. Et puis arriva ce jour, alors que j'avais neuf ans et demi où mon beau-père découvrit mon talent pour le violon.
Ce jour là je jouais à ma mère un petit air que j‘avais appris la veille. J‘étais tellement concentrée que je n‘entendis pas l‘homme entrer dans la pièce. Ce n‘est que lorsqu’il fut juste derrière moi et que son ombre me cacha la lumière que je remarquai sa présence. La surprise me fit sursauter et ma musique s‘arrêta aussitôt. L‘homme était toujours aussi froid et austère et il se tenait droit, les mains dans le dos et le menton relevé. Mais pour la première brillait dans son regard une lueur d‘intérêt que je n‘avais encore jamais vue. Et pour la première fois aussi, il souriait. C‘est alors qu‘il me parla sur ce ton sec et soutenu que je lui connaissais bien, mais avec une pointe de satisfaction que je n‘avais encore jamais entendu :
« Votre aisance au violon est forte convenable Liliane. A vrai dire je ne m‘attendais pas à une telle prédisposition de votre part. J‘ai prit la décision de vous faire suivre un cours de violon, cela vous permettra de perfectionner cet art si délicat. »
Cette nouvelle, malgré la surprise qu‘elle me provoqua au premier abord, me remplie de joie. J‘allais apprendre la musique, je n‘attendais que ça ! Aussi la méfiance que je lu dans les yeux de ma mère m‘étonna.
Les cours commencèrent le lendemain. Andrew, mon professeur, était un homme âgé mais qui avait encore une très bonne oreille musicale. Malgré son caractère stricte et exigeant, il était très patient et me faisait apprendre de mes erreurs tout en me parlant de la subtilité de la musique au violon. Je passais deux heures par jour avec lui à apprendre à jouer, et c'était de loin le cours le plus passionnant que je suivais. Chaque jour, je l'attendais avec impatience, et à chaque fois j'en sortait les oreilles encore toutes vibrantes des notes et impatiente de mettre à l'épreuve mes nouvelles connaissances. John assistait à chacun de ces cours, assis dans un coin avec un livre. Cela m'avais étonné au début, mais j'en ai vite oublié sa présence pour me concentrer sur la musique. Néanmoins, un jour, en lui jetant un regard, j'ai perçu dans ses yeux un lueur d'intérêt presque avide qui m'a donné un étrange frisson dans l'échine. La lueur a pourtant très vite disparu et j'ai essayé de l'oublier.
Tout à commencé la semaine suivante. Mon beau-père, qui jusqu'à présent s'était contenté d'assister à mes leçons, demanda à ce que chaque fin d'après midi je lui montre mes progrès. Il me convoquait dans son bureau et m'écoutait jouer, assis dans son fauteuil. Malgré le ressentiment qu'il me provoquait toujours, je jouais sans rechigner, toujours heureuse de manipuler mon violon en acajou. John me faisait parfois arrêter en pleine musique en m'indiquant que j'avais joué une fausse note, ou que l'une d'elle n'était pas assez harmonieuse. Cela m'agaçait mais je reprenais ma musique. Les premières fois, ce ne fut pas difficile. Mais au fur et à mesure que les semaines passaient, John se montrait de plus en plus exigeant, reprenant la moindre de mes maladresses, me rabrouant à chaque petite erreur de tempo, me faisant jouer jusqu'à ce qu'il considère chaque musique comme parfaite. Chaque soir je quittais son bureau, épuisée par ces longues heures de travail supplémentaire et trop méticuleux. J'en arrivait même à dormir pendant mes cours de la matinée.
Et puis un jour, mon épuisement eu raison de mes nerfs et lors d'une énième reprise de mon beau-père sur la qualité de ma musique, j'abaissais mon archet et lui annonçait que j'étais fatiguée et que j'arrêtais pour ce soir. John commença par froncer les sourcils et m'ordonner de jouer à nouveau. Un peu impressionnée mais toujours assez harassée pour répondre, je refusais de nouveau de reprendre mon instrument. L'agacement de l'homme austère se transforma alors en colère noire comme il n'en avait pas eu depuis longtemps.
« Au nom du ciel vas tu jouer ?! » cria t-il en se levant d'un bond.
Je sentis alors la peur poindre face à cette soudaine fureur et, figée d'angoisse, je restais muette et immobile devant lui. Sa main siffla alors dans l'air et la gifle qu'il m'asséna me jeta à terre. La brûlure sur ma joue me tira une larme. Une main dessus, je relevais des yeux terrifiés vers mon agresseur. Celui ci s'avança et m'attrapa violemment par le bras pour me secouer.
« Obéis et joue ! »
Je me mettais alors à pleurer et à renifler. Sans une once de pitié, il me gifla de nouveau et me projeta contre la bibliothèque. A moitié sonnée, je me relevais tant bien que mal et sentais aussitôt sa présence dans mon dos. Il me tordit le bras en arrière et me força à reprendre mon violon et mon archet. La peur au ventre, un douleur lancinante dans la tête, je repositionnais l'instrument sur mon épaule avec des gestes tremblants. Mes mains tremblaient tellement que les sons qui en sortir me firent crisser des dents. Aussitôt je ressentis une horrible douleur dans le dos. Une douleur déchirante, perçante, brûlante qui me tira un cri de douleur. Armé d'un coupe-papier en argent, mon beau-père venait de m'entailler le dos sans hésitation à travers ma chemise.
« Joue fille indigne ! Je t'ordonne de jouer Martha ! Joue ! »
J'ignorais qui était Martha, mais pour échapper à un autre coup de lame, je me remettais à jouer, à genoux sur le tapis du bureau, essayant tant bien que mal de m'appliquer. Pendant une heure les notes sortirent de mon violon, plus ou moins équilibrées. Et pendant une heure, à chaque erreur, mon bourreau m'asséna des coups de coupe-papier plus ou moins violents dans le dos qui m'ouvraient des entailles peu profondes mais horriblement douloureuses et qui tâchaient ma chemise de sang. Les larmes ruisselaient sur mon visage. J'avais si mal, j'étais si terrifiée… Et puis John me fit enfin arrêter et je tombais au sol, vidé de mes forces, le dos meurtris. Mais mon tortionnaire n'en avait pas finit. Il m'attrapa par le bras et me tira hors de la pièce sans plus de cérémonie. Il traversa le couloir, puis ouvrit la porte d'une pièce dans laquelle il me jeta. Avant de claquer la porte, il me lâcha :
« Tu vas rester ici pour te repentir de tes péchés et moi je vais prier pour le salut de ton âme. »
Lorsque la porte se fut refermée, je restais là recroquevillée à même le sol, déboussolée et terrifiée. Mon dos me faisait si mal... La douleur était si lancinante... Je voulais que tout s'arrête… Je trouvais encore la force de relever les yeux pour observer la pièce. C'était une pièce sans fenêtres entièrement grise, avec un plafond blanc écaillé. Une ampoule éclairait le tout d'une lumière claire et forte qui me brûlait les yeux. Le seul meuble de la pièce était un lit qui semblait avoir été jeté là pour s'en débarrasser. Sans trouver la force de m'y traîner, je ramenai mes genoux contre ma poitrine et pleurai doucement.
Les semaines suivantes furent tout aussi horribles. Presque tout les soirs, John m'amenait à son bureau et me forçait à jouer pour lui. Et si je faisais trop d'erreur, il me frappait et me tailladait le dos sans aucune autre émotion que la colère.
Au fil des jours, les insultes fusèrent. Il me traitait « d'enfant du diable », de « maudite albinos », de « fille de stupre ». Je ne comprends toujours pas la moitié de ces mots... Mais j'en vint à détester ce que j'étais autant que je détestais mon bourreau. Au bout d'un mois, il se mit à réciter des prières en me battant, prétendant que je devais être « purifiée du mal ». Parfois il m'appelait Martha sans que je comprenne d'où vienne ce nom…
S'il n'était pas satisfait de ces séances, il m'enfermait dans la pièce grise et blanche jusqu'au lendemain. Dans cette pièce, tout n'était que douleur et désespoir, et je pleurais toute la nuit. Pendant presque deux ans je subis ce traitement qui me fit haïr cet homme, haïr cette pièce grise et haïr mes cheveux blancs.
John me menaça dès le premier jour que si je parlais de quoi que ce soit à ma mère, il la tuerait et moi ensuite. Horrifiée par le fait qu'il puisse mettre ses menaces à exécution, je cachais mes maltraitances à Eliane, affichant toujours un sourire joyeux en sa présence. Mais ma mère n'était pas dupe, elle savait lire à travers mes sourires et les cernes qui grandissaient sous mes yeux ne la trompaient pas. Elle se mit à me questionner avec insistance sur ma santé, sur mon bien être. Alors je me mis à lui mentir, et chaque mensonge me dégoûtait un peu plus. Mais la présence de ma maman était la seule chose qui me faisait encore tenir le coup et la perdre était inimaginable.
Un soir, alors que John était parti en voyage d'affaire mais que je n'arrivais pas à trouver le sommeil tant les cauchemars hantaient mes nuits, ma mère vint me voir dans ma chambre. Son regard était grave et elle tenait sous le bras un livre très épais et qui semblait très vieux. Elle vint s'assoir sur le bord de mon lit et me caressa les cheveux alors que je la regardais avec surprise. Un sourire malicieux se dessina alors sur son visage.
« Lilith il est temps. Commença t-elle. Il est temps que tu apprennes ta vraie nature. Que tu saches qui je suis réellement et qui était ton père. »
Devant mon expression de totale incompréhension, son sourire s'élargit avec amusement et elle posa le livre ouvert sur ses genoux. Intriguée, j'y jetais un œil, à l'intérieur, sur une page jaunie par le temps, il y avait des écritures très alambiquées et un symbole étrange représentait quatre animaux semblant faire la course sur un cercle : un lion, un blaireau, un serpent et un aigle. Le titre en dessous en lettre dorés un peu écaillée indiquait : « Les grands sorciers d'Angleterre ». Toujours sans comprendre, je relevais les yeux vers ma maman. Celle ci me passa une main dans les cheveux et dis :
« Tu n'as toujours pas deviné ma puce ? Tu es une sorcière. Comme ton père l'était. »
Estomaquée, je restais un moment figée, hésitant entre l'acceptation et la réfutation de cette annonce soudaine et incongrue.
« Une... Une sorcière ?... Mais non je... Ce n'est pas possible. Ça n’existe pas les sorcières, si ? Et puis je n'ai même pas de pouvoirs magiques. »
Intérieurement, je trouvais l'idée vraiment trop étrange pour l'accepter sans rechigner. Si j'étais une sorcière, pourquoi je n'avais pas transformé John Ms Herson en rat d'égout toutes les fois où il s'en était prit à moi ? A ma connaissance, je ne savais pas faire sortir de grenouille des chapeaux et n'avait jamais réussi à faire voler les balais des femmes de ménage.
Mais ma mère eu un petit gloussement amusé.
« Tes pouvoirs apparaitront au moment voulu. M'assura t-elle. D'ailleurs, tu ne t'es jamais demandé pourquoi tu t'entendais si bien avec les animaux du parc ? Comment tu avais réussi à apprendre toute seule et aussi vite le violon ? Parfois la magie apparaît sans que nous y fassions attention. »
Je me mis à réfléchir à ces paroles. Exposé comme cela, la magie paraissait moins invraisemblable. Mes yeux plongèrent dans ceux de ma mère, brillants comme deux saphir.
« Et toi maman ? Toi aussi tu es une sorcière ? »
Sans se départir de son sourire mais une pointe de tristesse dans le regard, Eliane me répondit :
« On peut dire ça comme ça. Dans notre monde, les gens comme moi sont appelés des « Cracmol » et sont victimes de nombreuses intolérances. Les sorciers comme moi ne peuvent pas pratiquer la magie car elle leur est inaccessible. Mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas utiliser quelques astuces à la portée de tous. » ajouta t-elle avec un clin d'œil.
Mon regard se couvrit alors d'anxiété.
« Et.. Et maintenant ? Qu'est ce qui va se passer ?... »
Ma mère m'embrassa sur le front et me murmura en me caressant les cheveux et me faisant un sourire éblouissant :
« Maintenant, nous allons pratiquer la magie ! »
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A partir de ce jours et tous les jours suivants, ma mère tint parole et commença à m'enseigner des connaissances élémentaires sur le monde des sorciers et sorcières. Un monde parallèle à celui des non-magiciens, appelés « moldus », et qui, raconté par ma mère semblait si merveilleux que j'en vint à rêver de nouveau.
Chaque séance était plus intéressante que l'autre. Plus passionnante encore que mes cours de violon avec Andrew. Elle me parlait de créatures fantastiques, de sortilèges, de baguettes magiques et de potions aux effets incroyables. J'étais si captivée que je ne voyais pas le temps passer.
Ces séances d'apprentissage auprès de ma mère m'aidaient à supporter les horribles soirée avec mon beau père à subir ses insultes et ses coups de coupe-papier. Même la chambre grise ne parvenait plus à crever la bulle d'espoir qui s'était formée en moi. J'avais hâte de découvrir ce nouveau monde, et ma mère me promettait que c'était pour bientôt.
Les session de maltraitances devinrent de plus en plus supportables. D'autant plus qu'elle commencèrent à s'espacer lorsque mon beau père tomba subitement malade. De plus en plus pâle et épuisé chaque jour par la maladie, il écourta ses séances et bientôt ne me frappa même plus durant celles ci.
Peu à peu, je retrouvais ma joie de vivre et celle de jouer librement du violon. La chambre grise devint un souvenir de cauchemar enfoui dans les parties sombres de ma mémoire.
Le temps passait au manoir, plus agréable. A la radio, j’entendais parler de “guerre” et de “bombardement” et même si cela m’inquiétait un peu, c’était pour moi comme si ça se passait dans un autre monde tant le manoir formait mon seul lieu de vie. Pourtant, malgré ces nouvelles troublantes, j’avais hâte de voir cet univers de magie que me promettait ma mère.
Puis, ce fut le lendemain de mes onze que je découvris mon pouvoir. Et que je mon monde se brisa en milles éclats irréparables…
Ce jour là, ma mère avait profité d'un départ rapide de John à l'hôpital pour m'offrir une petite séance de découverte des potions basiques dans l'un des salons du manoir. N’étant pas douée en magie comme elle me l’avait expliqué, elle devait se rabattre sur les potions qu’elle avait acheté et ne devait ses quelques connaissances qu’à ce qu’elle avait appris dans les livres.
Je ne tenais plus en place. Avec captivation, je la regardais déballer sur la table un gros livre abimé à la couverture noire et une série de fioles de différentes tailles couleurs et formes, les énumérant au fur et à mesure : « philtre de confusion », « potion de sommeil », « aiguise-méninges », « potion de glace »... Je regardais chaque élément avec une curiosité avide. Avec un sourire devant ma réaction, ma mère fouilla dans son sac et en sorti un petit cahier à la couverture marron et aux pages parcheminées et me le tendit.
« Ce sera ton carnet à mots, tu pourras commencer à y noter tout ce que tu apprends et tout ce que tu as envie de noter. Les sorciers négliges souvent l'efficacité d'un bon petit cahier de notes. Et pourtant ça reste la meilleure des défenses. »
Avec un regard émerveillé je lui sautait dans les bras pour la remercier. Après avoir rit et m'avoir serré contre elle, ma mère reprit son sérieux et commença à énumérer les effets de toutes les potions que j’avais sous les yeux. Écoutant attentivement ses indications, je notais tout dans mon carnet tout neuf. Puis, les minutes qui suivirent, ma mère s’occupa de me faire retenir le nom de toutes les mixtures magiques et leurs effets, positifs comme négatifs. Passionnée je m’appliquais. Enfin, pour conclure cette séance, ma mère me proposa de boire le contenu de la toute petite fiole qui portait le nom de « potion de glace » pour en démontrer les propriétés. Le liquide avait un goût amer mais je l’avalais quand même entièrement, grimaçant. Un peu hésitante mais encouragée par ma mère, je rapprochai ensuite ma main du feu qui brûlait dans la cheminée du petit salon et plongeait ma main dedans en serrant les dents. Rien, aucune douleur, le feu se contenta de lécher ma peau sans agir dessus. Surprise mais émerveillée, j’eus un petit rire ravie que ma mère accompagna avec amusement.
« Et voilà. Pour une dose aussi petite, l’effet ne dur que quelques minutes, mais c’est un aperçu de tout ce que tu pourras réaliser grâce à la magie ma puce. Bon allez, rangeons tout ça avant que... »
Étonnée par l'arrêt soudain de ma mère, je relevais les yeux vers elle. Elle s'était figée sur place et regardait avec frayeur un point derrière mon dos. Je me retournais aussitôt. J'eus l'impression qu'un seau d'eau glacée venait de m'être versé dans le dos. John se tenait devant nous, de l'autre coté de la pièce, les mains derrière le dos, le teint blanchi et le visage creusé par la maladie, une leur indéchiffrable dans le regard. A le voir, je compris qu'il n'était jamais parti à l'hôpital…
« J... John. Articula ma mère d'une voix tremblante. Je vais t'expliquer. »
« Silence. » répliqua l'homme sur un ton étrangement calme.
« Ce n'est pas ce que tu crois, nous... »
« J'ai dit silence ! »
Cette fois, il avait crié, et ma mère se tut, se contentant de se rapprocher de moi pour me mettre derrière elle. Mon beau-père me jeta un regard, puis reporta son attention sur ma mère.
« Garde tes mensonges visqueux pour le diable engeance du démon. L'invectiva t-il. Je sais que ma maladie n'est pas le fait du hasard. C'est ton venin que tu m'as injecté. C'est lui qui me ronge de l'intérieur. »
Son regard brilla d'un éclat effrayant puis il reprit :
« J'ai passé ma vie entière à prier pour les pécheurs, à être un bon chrétien. Et je n'ai même pas vu le Mal lorsqu'il est entré chez moi et jusque dans mon lit. Je sais maintenant qui tu es, sorcière, enfant du démon et d'une fille de joie. »
Les tremblements de ma mère s'arrêtèrent alors net, comme si elle n'avait jamais eu peur. Lorsque je regardais ses yeux, son regard n'était plus effrayé et inquiet, mais dur et froid.
« Tu n'es qu'un monstre immonde John Mc Herson. Tu caches ton visage hideux et maléfique derrière tes sois disantes croyances, rejetant sur les autres le mal et la méchanceté qui pourrissent ton coeur noir. Tu penses que je ne savais pas ce que tu faisais subir à ma fille ? Immonde ver de terre gluant. J'ai cherché chaque jour le moyen de te faire payer la moindre douleur qu'elle a ressenti par ta faute. Tu ne guériras jamais de ce poison que j'ai sacrifié spécialement pour toi. Aucune de tes technologies n'en viendra à bout. Il te rongera pendant des jours avant de te tuer lentement. Et pendant tes jours de souffrance, j'espère que tu te rappellera chacune des fois où tu as levé la main sur ma fille. »
Mon regard passait de ma mère à John pour revenir à ma mère. Jamais je ne l'avais vu aussi froide. Je n'aurais su dire lequel des deux était le plus impressionnant.
John s'avança alors tranquillement, les mains toujours derrière le dos. Son calme apparent me terrifia encore plus que ses habituelles colères. Ma mère se mit devant moi comme un bouclier. Lorsqu'il ne fut plus qu'à quelques mètres, il s'arrêta et lança à ma mère un regard neutre ou pointait le dégoût. Puis il parla d'une voix tranquille.
« Je vais te tuer Eliane. Je vais te tuer et te renvoyer en enfer. »
Ma mère bondit alors en avant comme une lionne. Les deux adultes luttèrent l'un contre l'autre pendant quelques minutes alors que je regardais sans pouvoir bouger ce combat furieux. Mais John était plus fort physiquement, et bientôt il immobilisa ma mère avec une clé aux bras. Puis avant que j'ai pu comprendre ce qu'il se passait, il la poussa violemment en avant jusqu'à l'âtre ou un feu imposant brûlait toujours. D'un coup de pied il envoya valser la grille de protection qui le séparait du brasier. Il mit alors ma mère à genoux et sans lui lâcher les bras, lui tira la tête en arrière par les cheveux.
« Non ! » Hurlai-je alors avant de me jeter sur John.
Ce dernier me réceptionna avec un coup de genou dans les côtes qui me coupa le souffle et m'envoya à terre, recroquevillée. Des larmes de douleurs aux yeux je m'obligeais à les rouvrir.
« Ma... Maman ! »
« Lilith ! Ferme les yeux ! »
John se pencha sur sa victime et lui glissa à l'oreille d'une voix assez forte pour que j'entende :
« Le feu sacré va purifier ton corps de la souillure de ton âme maudite, démone. »
« Lilith ferme les yeux ! Ne regardes pas ! Tout va bien se passer ! »
« Non ! Non ! »
Je me mis à hurler de plus belle en tentant de me relever, cloué au sol par la douleur dans mes côtes. Mais lorsque l'homme maléfique empoigna fermement les cheveux d' Eliane et commença à avancer sa tête vers l'âtre, je fermais les yeux très fort…
Le hurlement de ma mère perça mon âme plus que mes oreilles. Je me mis à hurler avec elle, suppliant que ce cauchemars s'arrête. Et je hurlais, hurlais, sentant mon cœur éclater en morceaux.
Lorsque je n'eus plus d'air, mon hurlement se perdit dans ma gorge. Le cri de ma mère s'était arrêté.
Je sentais mon visage ruisseler de larmes, et lorsque que je rouvris les yeux, ma vision brouillée ne me montra que la silhouette de John qui s'était relevé et s'approchait de moi. Une vague de haine pour ce monstre me prit alors.
La suite est devenue très floue.
Je me souviens de la force que j'ai senti grandir en moi, gavée par ma colère. Je me souviens de la détonation, violente, et du regard flou mais décomposé de peur de John avant qu'il disparaisse dans une lumière orangée. Et puis le feu... Partout le feu... L'odeur acre de la fumée... L'inconscience qui a envahit mon esprit.... Et le noir…
…… Ca y est je me rapelle. Je sais qui je suis à présent... Je suis Lilith Green. Et je suis une sorcière, comme ma mère l'était.
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L'homme jetta un coup d'oeil avant d'entrer dans la pièce. La chambre d'hôpital ne possédait qu'un seul occupant. Une petite fille d'une dizaine d'année qui regardait le plafond d'un air absent, presque rêveur. L'homme soupira. Il connaissait le dossier de cette fille, et il n'aimait guère se charger des histoires aussi sombres. Mais bon, c’était monnaie courante par ces temps sombres et il fallait bien que quelqu'un le fasse. Donnant un rapide coup du revers de la main sur sa robe blanche de médecin pour l'épousseter, il entra.
« Bonjour Lilith. » s'annonça t'il d'une voix douce et chaleureuse.
La petite fille ne lui répondit pas. Et après plusieurs secondes seulement, son regard se tourna vers lui. Elle avait des yeux d'un gris étonnant, presque argentés, qui auraient pu paraître effrayants s'ils n'avaient pas reflété tant de tristesse et de douceur mêlées. L'homme se sentit néanmoins quelque peu mal à l'aise devant ce regard intense. Pour ne rien laisser paraître, il s'avança jusqu'à son lit et s'assit sur une petite chaise à coté. L'enfant continuait de l'observer en silence, et l'homme trouvait ce silence de plus en plus gênant.
« Comment vas tu aujourd'hui ? » demanda t'il amicalement pour se donner une contenance.
La fillette ne répondit pas et se contenta de le regarder d'un regard profond. L'homme lui montra son badge en faisant mine d'ignorer sa gène.
« Tu te souviens de moi ? Je suis le docteur Evans, je suis venu te voir plusieurs fois cette semaine. »
La petite albinos resta immobile un moment, puis hocha doucement la tête en signe d’approbation. Les cernes toujours aussi présentes sous ses yeux laissait penser qu'elle n'avait pas du beaucoup dormir ces derniers jours. Rien de plus normal après ce qu'elle avait vécu pensa le sorcier. Hochant lui aussi la tête pour lui prouver sa complicité, il fouilla dans sa robe et en sorti une enveloppe qu'il montra à sa patiente.
« Je sais que le moment est mal choisi, et que tu n'as sans doute pas la tête à ça. Mais j'ai ici une lettre que je dois absolument te remettre. Tu comprends ? Il s'agit d'une lettre importante de l'école Poudlard, l'école des sorciers. Elle t'est destinée. »
Lilith observa la lettre qu'on lui tendait d'un air indéchiffrable. Puis après une bonne minute de passée, elle tendit sa petite main et saisi l'enveloppe entre ses doigts fins. Puis elle posa la lettre sur sa poitrine et croisa les bras dessus, reprenant son observation du plafond. Ne sachant trop comment réagir, le sorcier médecin fini par se dire que le mieux était de mettre fin à cet échange. Il se leva et tapota l'épaule de la fillette d'un geste gentil et compatissant.
« Si tu as des problèmes pour la lire ou la comprendre, appelle moi. »
Lilith hocha de nouveau la tête et le sorcier quitta la pièce.
Seule, la petite albinos resserra son étreinte autour de l'enveloppe.
Enveloppe sur laquelle un lion, un blaireaux, un serpent et un aigle se faisaient la courses sur un blason.