[1944 - Janvier - Le 4] Hufflepuffs against Homophobia [Stephan]

Le château avait repris vie depuis la veille, ou l'avant-veille au soir, depuis que tous les élèves étaient revenus de vacances. Vivian était heureuse du retour de certains de ses camarades, Ethan et Ruben notamment. Au-delà de ces raisons concrètes, l'excitation nouvelle du château s'accordait bien avec sa propre excitation.

Depuis le retour des élèves, Vivian se sentait une mission. Elle y pensait en fait depuis sa discussion avec Iyad et les lettres qu'elle avait reçues d'Ethan. Elle devait avoir une discussion sérieuse avec Stephan. Elle l'avait vaguement cherché, la veille, mais ne l'avait pas vu seul.

Aujourd'hui la jeune fille était décidée à l'attraper et, dès la fin du diner, elle s'était plantée dans la salle commune pour l'attendre. Elle essayait de lire un livre sur le droit magique en Angleterre, mais elle n'arrivait pas à se concentrer. Lorsque Stephan arriva, elle sauta sur ses pieds.

« Stephan ! »

Elle le prit par le bras et l'entraina dans un coin isolé de la salle commune, où ils seraient tranquille tous les deux.

« J'ai à te parler.»

Elle se laissa tomber dans un fauteuil, sans le lâcher des yeux, et ménagea une pause dramatique.

« Je ne sais pas si tu as déjà remarqué que... je suis homosexuelle.»

Elle était souvent moins directe pour dire cela, moins à l'aise avec elle-même, mais aujourd'hui elle se sentait capable de tout dire.

« On ne se connait pas si bien que ça mais... je ne crois pas que tu me considères comme une mauvaise personne ? Comme une personne contre-nature ? »

Elle réalisa que ce discours était peut-être très obscur pour Stephan s'il ne savait pas où elle voulait en venir.

« Ce que je veux dire c'est que... j'ai parlé avec Iyad Underwood et qu'il m'a raconté l'origine de votre altercation. Et tu m'as l'air d'être un chic type mais je ne peux pas accepter l'homophobie, surtout de la part du meilleur ami d'un de mes meilleurs amis. C'est juste... injuste, justement, et ce type d'opinions n'a pas sa place à Poufsouffle. »

Merlin, elle aurait dû être préfète.

Ce matin là, Stephan s’était réveillé dans les bras d’Ethan comme il l’avait si souvent fait par le passé et contrairement à son habitude, il n’en avait ressenti aucune gêne. Chaque respiration était ponctuée d’une douce odeur de fraises aussi apaisante qu’un philtre de paix. C’était juste un moment, parfait… jusqu’à ce qu’il entende Joshua et Malik sortir de la chambre prendre leur petit déjeuner. Déjà ? Déjà… Le garçon se libéra des bras d’Ethan tout en essayant de ne pas le réveiller et se précipita pour s’habiller. Il-avait-oublié-de-mettre-son-cadran-et-il-était-en-retard. Encore.
Bouse de dragon !
Aussi rapidement que possible, il se précipita dans la Grande Salle, prit une tartine et fila à son cours. Une fois en classe, l’adolescent s’assura de s’asseoir aussi loin d’Underwood que possible et fila dès la fin du cours. Pas question de traîner là à respirer le même air.

Un déjeuner et trois cours plus tard, la journée était terminée et Stephan pouvait enfin aller se reposer dans la salle commune. Toutefois, Nora devrait encore l’attendre un peu parce qu’il devait préparer l’entraînement de Quidditch du mercredi. Ses coéquipiers lui avaient fait comprendre qu’ils n’accepteraient pas sa démission. Demain soir, l’équipe l’attendait à 16h30 sur le terrain et Keira avait promis de le ramener à grands coups de pieds dans les fesses s’il décidait de ne pas s’y présenter.

A y repenser, Stephan en soupira. Que tout soit revenu à la normale était bizarre. Finalement, il cessa d’y penser à son entrée dans la salle commune. Ce serait une soirée comme les autres, aussi banale que l’était sa vie…

« Vivian ?» La jeune fille l’obligea à la suivre et l’adolescent ne put qu’obéir. « Attends, il se passe quoi ? »

Il la regarda s’asseoir sans rien comprendre à la situation. Ce silence ne lui disait rien qui vaille et appréciait encore moins son regard. Puis, la jeune fille reprit la parole et le garçon ne put cacher son incompréhension. Hein ? Sa camarade, homosexuelle ? Non, elle devait le faire marcher… Est-ce que tout le monde était atteint de la même maladie ? Lentement, Stephan prit place devant Vivian pour bien absorber la révélation. Malheureusement pour lui, elle ne lui en laissa pas vraiment le temps.

« T’as parlé avec Underwood ? Enfin, faut pas croire tout ce qu’il t’a raconté… il doit certainement défaire un peu la réalité. Je veux dire... Il va se donner le beau rôle, c’est certain, il a fait la même chose avec Monsieur Lovelace. »

Il y avait une touche de colère et de gêne dans sa voix. Qu’une autre connaisse l’entièreté de l’histoire ne lui satisfaisait pas et ça le mettait mal à l’aise devant l’une des meilleures amies d’Ethan. Surtout, si elle était une autre comme Underwood.

« Mais, enfin, c’est pas normal que deux personnes du même sexe s’embrassent. Ça va… contre le cycle naturel des choses. Faut avoir un homme et une femme pour avoir des enfants. C'est ce que mes parents n'arrêtent pas de dire. Et puis, c’est pas moldu, tout le monde sait ça. »

Honteux, Stephan n’osait plus regarder Vivian dans les yeux et préférait garder les yeux fixés sur ses mains. Il craignait qu’elle puisse y lire ce qui s’était passé entre Ethan et lui la veille. C’était leur secret.

[hrp: j'ai la flemme de faire le visu, je le fais demain]

Vivian sentit bien qu'elle avait entrainé Stephan un peu brutalement, mais son cerveau effaça cette information au bout d'une seconde. Elle ne se laissa pas non plus arrêter par l'air effaré - presque comique - du garçon. Elle allait lui répondre sur Iyad, lui dire que l'important n'était pas le rôle qu'il s'était donné, mais fut trop choqué par la suite de ses paroles. Sa réplique partit trop vite, trop fort.

« Normal ? Ça veut dire quoi normal ? »

Son cœur battait fort tout d'un coup. Les élèves de la salle commune avaient dû se tourner vers elle mais elle n'en avait pas conscience. Elle fit un effort surhumain pour continuer plus doucement :

« Est-ce que le mot  "normal" veut vraiment dire quelque chose ? Et surtout, pourquoi est-ce que ce serait important de l'être ? Ne pas faire de mal aux autres, c'est important. Être "normal" ? À quoi ça sert ? »

Elle dut reprendre son souffle, court.

« Est-ce que tout le monde veut des enfants ? Moi je n'en veux pas. Tu vas peut-être me dire que je suis égoïste, mais quand on voit le nombre d'orphelins, je ne pense pas. Je pourrai toujours en adopter, les enfants c'est pas ça qui manque, et puis qu'est-ce que ça change par rapport à quelqu'un qui reste vieille fille ou vieux garçon ? La seule chose qui est moldue dans cette histoire c'est d'être aussi intolérant - mais franchement je suis déçue que tu sois aussi intolérant que ma grand-mère. C'est ma faute, j'aurais dû savoir que les sorciers n'étaient pas meilleurs. »

Sa voix baissait petit à petit, l'adrénaline retombait, elle regrettait à moitié de s'être emportée ainsi sur Stephan. Pas suffisamment pour ne pas braquer sur lui des yeux encore furieux.

« Désolée d'être un peu brutale. J'imagine qu'on a toujours un peu les opinions de ses parents, et ce n'est pas entièrement ta faute, mais... »

Mais c'était ridicule de continuer à être homophobe alors qu'il était avec Ethan. Il ne fallait pas qu'elle lui parle de ça, de la lettre où Ethan lui racontait ses vacances. Elle était soulagée de n'avoir pas pensé au métamorphe pendant qu'elle s'énervait, elle n'aurait pas pu s'empêcher d'en parler et il aurait été atrocement gêné.

« ...mais j'aimerais que tu deviennes une meilleure personne que ça. Pour moi... et tous les autres. » Sa poitrine se gonflait d'une fierté qu'elle n'avait jamais ressentie par rapport à son orientation. « Nous ne sommes peut-être pas "normaux", quoi que ça signifie, mais nous avons autant que toi le droit de vivre. »

Elle pensa à des rumeurs qu'elle avait entendu sur ce qui se passait en ce moment dans le monde moldu, et frissonna. À l'Est de l'Europe, les homosexuels n'avaient pas vraiment le droit de vivre.

La réponse de Vivian fut immédiate et Stephan se tassa un peu plus dans son siège dans le maigre espoir de disparaître. La veille, Ethan avait réagit de la même façon quand l’adolescent lui avait tenu le même discours. Mais c’était vrai, pour concevoir naturellement des enfants, on devait être un homme et une femme et ça valait pour toutes les créatures. Après, les gens pouvaient adopter, comme les deux amis en avaient parlé entre eux, mais ça ne représentait pas la norme.

À quoi ça servait d’être normal ? Peut-être de ne pas attirer trop l’attention sur soi et encore moins les railleries des autres. Être normal, c’était se fondre dans lamasse et se faire oublier.

« J’ai jamais dit que t’étais égoïste… t’as le droit de pas en vouloir… je suis pas… non enfin… »

Stephan murmurait sans vouloir interrompre la jeune fille. Il était très loin d’en mener large car il ne s’était pas attendu à une telle discussion en ce début de soirée. Prenant son courage à deux mains, il osa relever les yeux pour croiser le regard furieux de Vivian.

« Mais j’ai jamais dis que vous n’aviez pas le droit de vivre. Ça voudrait dire qu’Ethan aurait pas le droit et c’est totalement absurde. Puis, je comprends pas pourquoi croire que vous n’êtes pas normaux fait de moi une mauvaise personne. Je te le dis, parce que t’en as parlé en premier, mais j’vois pas l’intérêt d’émettre mon opinion à tout le monde. Je reste gentil, sauf quand on me cherche. Tu penses que c’est mieux qu’un homosexuel face vivre un calvaire durant des semaines à une autre personne. Désolé, mais t’as clairement aucune idée de… de ce que j’ai vécu à cause d’une personne comme toi. Vous êtes pas tous plus tolérant que moi. »

Qu’elle aille faire ses reproches à un autre sur le coup car il avait déjà mangé sa brouette de bouse de dragon avant les vacances et il s’en remettait à peine.