[1944 - Février - Le 8] Event XVIII [Juliette - Nevender - Elizabeth]

Elle était en retard. D’une dizaine de minutes même, histoire d’être précise. Mais elle n’avait pas pu résister à l’envie insidieuse de retirer des points à un petit groupe d’élèves de troisième année, tout excités à l’idée de pourchasser le truc mort et flottant communément appelé fantôme. Ils étaient tellement emballés par le truc qu’elle s’était sentie obligée de refroidir l’atmosphère. Quelques dizaines de points en moins pour élèves hors du dortoir et, étrangement, il y avait eu tout de suite moins de joie et de bonne humeur… sauf pour elle ! Quel plaisir cela avait été que de voir leurs mines déconfites rentrer dans leurs dortoirs respectifs. Son seul regret fut qu’il n’y avait point de gryffondor dans le groupe d’andouilles survoltées. Mais au moins, elle avait eu la satisfaction d’éliminer la concurrence et sans coup fourré pour une fois… Oui, parce qu’elle avait bel et bien l’intention de partir à la poursuite de ce foutu fantôme et de récolter tous les lauriers de cette découverte !

Elizabeth croisa Nevender au lieu convenu, déplora mentalement le manque de panache de l’endroit – qui avait sérieusement eu l’idée de se retrouver au beau milieu de nul part, sur un palier – et salua celui-ci ainsi que sa déclaration d’un bref hochement de tête. Elle avait complètement oublié la venue de la rouquine. Ça faisait quand même deux Serdaigle d’un coup… Autant Oak était plus que fréquentable, autant elle n’était pas certaine de pouvoir dire ça de la française, ne l’ayant jamais réellement côtoyée… elle connaissait plus sa frangine après tout.

- Allons bon, Oak, ne me dit pas que tout ce mystère ne t’émoustille pas… ou ne pique pas au moins ta curiosité. Tu ne serais pas là sinon… Et puis, comme tu l’as si justement fait remarquer, qui a-t-il de plus jouissif que l’idée de pouvoir narguer tous ces foutus petits blancs-becs orgueilleux pour les mois à venir ? Imagine seulement la gueule de Jenkins… Mieux ! De cette satanée Penney, cette fouineuse horripilante. Je suis sûre que même ses cheveux en seront verts de jalousie, pour une fois qu’une connerie n’aura pas été sa spécialité…

Oh, elle pouvait déjà voir le tableau. Magnifique tableau au passage. Avec pleins de crétins déconfits… Ils tournèrent à l’angle du sixième étage quand la préfète haussa les épaules et brisa le silence.

- Puis bon… si trois pauvres crottés sans cerveaux peuvent trouver quelque chose, je suis persuadée que nos intelligences combinées viendront à bout de tout ce petit mystère. Elle est maligne cette Juliette ?

Elizabeth eu un mouvement de recul au contact de la joue de la nouvelle venue. D’où est-ce qu’elle sortait celle-là ?! Se permettre autant de familiarité ! Quelle vulgarité ! Et cette manière de parler… ce n’était tout de même pas bien compliqué que de parler un anglais correct ! Mais c’était une amie d’Oak et elle avait besoin de lui, puis elle l’aimait bien aussi, alors autant se mettre la française dans la poche.

Elle lui offrit son plus beau sourire, tentant au maximum de ne pas avoir l’air crispée, et tenta de conserver son sang-froid. Cette pratique était dégoutante… Toute à ses pensées, Elizabeth sentit d’abord plus qu’elle ne vit le fantôme. Un peu comme ce picotement dans la nuque dont parlaient certains livres sauf qu’elle, c’était plutôt son nez qui la chatouillait.  D’ailleurs, elle s’apprêtait à éternuer quand un courant d’air froid envahit l’espace et qu’elle se retrouva nez à nez avec un ectoplasme féminin. Ouvrant la bouche comme un poisson hors de l’eau, la préfète la referma bien vite dans un soucis de ne pas avoir l’air idiote et jurant mentalement tout en laissant un tas de malédictions à l’encontre de la progéniture du fantôme et ce, pour dix-sept générations, histoire d’être certaine que quelqu’un souffrirait pour de bon. Avait-on idée de débarquer sous le nez des gens de la sorte ?! C’était d’une impolitesse rare !

Elle lança un regard sceptique vers l’endroit où était apparu le fantôme et tenta, tant bien que mal, de rester de marbre. Bon sang, elle lui avait fichu la frousse. Elizabeth avait horreur de l’avouer, mais elle détestait vraiment toutes ces choses qui n’étaient pas prévues au programme. Surtout celles qui surgissaient dans des couloirs sombres la nuit. Ça la rendait… nerveuse. Voilà. Nerveuse. Et puis en plus, tout ça pour ça ! Vas-y qu’on vous file une crise cardiaque pour trois mots sans queue ni tête ! Et puis quelle voix insupportable !

Au moment où elle ruminait sur ladite voix, celle de Nevender brisa le silence et Elizabeth se félicita d’avoir un masque impénétrable affiché sur le visage. Elle serait morte de honte si elle avait flippé à mort et qu’Oak et sa française étaient restés stoïques… ça lui rappelait vaguement un rêve d’ailleurs ça, avec un monstre dans les couloirs, elle qui paniquait, Oak et ce crétin de Jenkins. Réflexion faite, dit comme ça, c’était carrément un cauchemar.  Mais là n’était pas la question. Puis bon, ça n'était pas en tremblant qu'ils allaient avancer dans cette fichue chasse aux énigmes !


- Ouais. Carrément pitoyable à son âge de se comporter comme une diva… lâcha-t-elle en haussant les épaules, tentant de se donner une assurance qu’elle n’avait pas.

Puis, après un instant de pause :

- Bon du coup… quelqu’un a compris quelque chose à ce charabia ? Après tout, vous êtes réputés pour être les spécialistes des énigmes et les autres sont peut-être plus proches du but que nous, autant gagner du temps !