[3 mars 1944] I wanna runaway

"Je crois que t'étais beaucoup trop jeune et naïf quand on t'a envoyé là-bas, admit-il en faisant léviter un cendrier jusqu'à lui. Arthur est loyal, capable de dénégation et de compassion. Je suis sûr qu'il pense faire ce qu'il faut et que tout lui plaît pas chez les partisans, mais Arthur a jamais été le fond du problème. Tu te leurres probablement pas sur son potentiel, mais tu te fourvoies si tu penses que tu le défends par loyauté envers lui. T'as menti, Zach. Pas lui. Toi. La seule chose que tu défends, c'est ta bonne conscience."

Il tira sur sa clope.

"Ce serait plus facile si être du bon côté signifiait ne jamais se salir les mains. T'as appris à la dure que ça marche pas comme ça. Maintenant, il te reste que ce que je disais tout à l'heure : lève la tête, tiens-toi droit et assume. La dignité est pas une denrée en quantité limitée, c'est une foutue question de principes et de volonté."

Wolfe visait juste, encore et encore. Moi, je restais là, à fumer ma clope et à regarder ses pieds. Assumer. J'en étais loin. Je n'assumais toujours pas la perte de Caroline, alors comment pourrais-je assumer celle d'Arthur ?

« Comment j'sais si mes principes sont les bons. Ceux que j'ai, ceux dans lesquels j'crois, ce sont ceux qu'vous m'avez donné. Eden, ma famille et toi. Le devoir avant tout le reste. Peu importe le sacrifice, on doit faire c'qu'on a à faire. Mais ça nous mène où ? T'es heureux toi, à toujours faire ton devoir ? J'dois t'avouer que c'est pas mon cas. Et quand j'essaie d'être égoïste, j'en chie encore plus. »

Un soupir. Wolfe regarda le nuage de fumée s'éloigner, l'index tapotant sa cigarette pour en faire tomber les cendres dans le cendrier. Le devoir avant tout, le bonheur... En réfléchissant à sa réponse, l'ancien Auror finit par laisser échapper un rire désabusé.

"Alors peut-être que tu ne le fais juste pas comme il faut." Wolfe tira sur sa cigarette. "Pour te répondre, j'étais heureux au Ministère. Il m'a fallu un an pour savoir quoi faire après et une année de plus pour retaper la pension sans avoir d'autre toit que celui sous lequel tu vis, et il était troué à l'époque. Je ne me suis pas découvert une vocation d’hôtelier en me réveillant un matin. Je ne me suis pas découvert de vocation d’hôtelier tout court.

Ici, je fais juste mon devoir autrement : j'aide, j'héberge et pour ceux que je ne peux pas héberger, je mets en relation. Je sais vers qui envoyer pour trouver un travail ou un toit rapidement, en Grande Bretagne comme en Irlande. Je connais du monde. Utiliser ce réseau est ma manière de contribuer à ma communauté."

Nouveau nuage de fumée, les yeux rivés sur Zach.

"Peut-être qu'il est juste temps d'admettre qu'être Auror, c'est pas pour toi. Y a pas de honte à ne pas encore avoir trouvé sa voie."