Lavinia Black

Je suis née dans un monde de richesse et de pureté. La noblesse, la fierté, l’ambition, ils ont essayé de m’inculquer leurs « qualités » dès ma naissance. Je crois que c’est pour cela que je manque de confiance en moi, que j’exprime tout ce que je ressens, que je vais vers les autres et que je ne sais pas dire « vous ». Un véritable échec. Ce sont les mots qu’a prononcé ma mère le jour où elle m’a vue courir dans la rue avec mon meilleur ami, Peter. Il est gentil. Poli aussi. Et il était plutôt propre pour un enfant de Londres. Mais il a un défaut insurmontable pour ma mère, disons, une tare. Peter est un moldu.

Il faut dire que j’ai constamment fait l’inverse de ce qu’on attendait de moi. On me voulait sage et digne, j’étais intenable et dispersée. Finalement, mes parents en ont conclu que je devais être ou sourde ou stupide, mais à l’hôpital Ste Mangouste ont leur affirma que j’étais tout à fait normale. Ils en furent anéantis. Ma mère refusa de paraître en société pendant au moins une semaine et mon père perdait instantanément l’usage de la parole en ma présence. Heureusement ou malheureusement, il la retrouvait quand il s’agissait de crier. Quand la nature cracmole de mon petit frère qui fut enfin reconnue, après qu’il ait été refusé à Poudlard malgré l’entêtement de mes parents qui affirmaient qu’il était « juste timide », ma vie devint un enfer. Interdiction d’entrer en contact avec Peter, aucun droit de sortie pendant les vacances, interdiction d’être trop proche de mon petit frère, surveillance accrue de mes résultats et de mes fréquentations à l’école, avec pour espions : mon frère et ma sœur, les deux petits Black modèles. Si je n'avais pas été à Serpentard, je pense qu'ils m'auraient retirée de Poudlard. Même si cela m'a obligé à supporter Pollux et Cassiopeia, je ne regrette pas d'avoir glissé au Choipeau Magique, qui hésitait entre Serdaigle et Serpentard, que j'aimerais mieux aller à Serpentard. Cela a semblé lui convenir, de respecter la tradition. Peut-être se souvenait-il de mes parents et comprenait-il mon embarras.

Marius fut envoyé à l’école moldue, mais je voyais bien qu’il n’était encore à la maison que pour éviter un scandale. Mes parents ne voulaient pas attirer l’attention sur eux en rejetant à la rue leur progéniture sans pouvoirs magiques. Mon petit frère pleurait beaucoup et je lui envoyais des lettres tous les jours pour le rassurer. Parfois, mon père le surprenait et déchiraient les précieux papiers, lui disant qu’il n’avait à se servir d’un moyen de communication sorcier, lui, pauvre petit moldu qu’il était. Et surtout pas pour me distraire de mes études. Les crises de larmes que cela déclenchait chez mon frère m’était insoutenables et je réussi à acquérir deux miroirs qui permettaient de communiquer à distance. Cela permit plusieurs choses : je pouvais parler à mon frère plus facilement, il ne subissait plus les foudres de notre père par ma faute et, par la même occasion, mes parents pensaient que je respectais leur interdiction de parler à Marius. J’ai perdu ces miroirs plus tard, quand j’eu fini mes études à Poudlard. Je pense que c’est l’horrible Walburga, la fille de Pollux, qui me les a chipé une fois où je suis passée à la maison.

Grâce à Marius, à la bibliothèque et à la magie, je passai au final une adolescence assez agréable. J’avais fini par faire oublier à mes parents mes lubies passées. Oh, bien sûr je n’avais rien de la fille idéale et nous ne parlions jamais beaucoup, mais j’avais appris à éviter tout sujet de conversation conflictuel. De plus, mes bons résultats et la puissance magique que je montrais au club de duel (où j’ai connu le bonheur de battre mon frère) les avaient rassérénés. J’ai pris Marius sous mon aile dès que j’ai pu, lui louant un appartement alors même que j’étais à Poudlard quand mes parents lui ont demandé de partir à ses quinze ans. J’utilisais bien mieux que ma coquette de sœur l’argent de poche excessif qui nous était attribué. De plus, je gagnais un peu d’argent supplémentaire en faisant des paris sur les duels que je remportais et en enseignant de temps en temps des sortilèges et des contre-maléfices aux autres étudiants. A ma sortie de Poudlard, je rejoignis Marius et grâce à mon salaire de Briseuse de sorts, nous finirent par avoir une vie tout à fait satisfaisante. Cela déplu fortement à ma famille et je fus totalement ignorée pendant plus de deux ans. Quand j’arrivai enfin à reprendre des échanges cordiaux avec le reste de ma famille, je les préservai du mieux que je pu. Leurs idéaux ne me convenaient pas, mais je n’arrivais pas à me détacher d’eux et je voulais coûte que coûte rendre mes parents fiers de moi, juste un peu. Je ne voulais pas n’être qu’un échec, et c’est toujours le cas aujourd’hui.

Marius et moi, nous avons grandi. Il s’est installé avec la sœur de Peter et je suis partie faire le tour du monde pour découvrir de nouvelles sociétés, l’argent familial étant mis à profit. A chaque fois que je quittais un endroit je me sentais plus forte, chargée du pouvoir du lieu et de ceux qui y vivent. Comme si, un peu de la vie de ce monde s’imprimait en moi et me façonnait. J’ai rencontré Alexander durant ce voyage. J’étais fascinée. Il était né-moldu et comme moi il avait beaucoup voyagé.  Nous partagions la même vision du monde et il avait en lui une force et une assurance qui me faisaient défaut. Nous avons continué notre voyage ensemble et il m’a accompagnée en Angleterre. Bien sûr, je le cachai à ma famille et je ne le présentai qu’à Marius et Peter, ainsi qu’à quelques amis sans lien avec ma famille.

Je n’osai pas décevoir à nouveau mes parents et commettre l’irrémédiable faute qui m’aurait valu l’ultime rupture familiale et, pour une importance moindre, l’effacement de l’arbre généalogique. Alex fut patient, se refusant à me causer de la peine en m’imposant un choix cornélien. Mais au bout de cinq ans, il me demanda quand même en mariage. Ma lâcheté l’a emportée ce soir-là et j’ai dis non. J’aurais pu avoir le temps de changer d’avis, s’il n’était pas parti. Il est retourné dans son pays d’origine pour aider à contrer Grindelwald dont la percée révolutionnaire entraînait de nombreux affrontements. Il a dit qu’il ne pouvait pas rester les bras croisés et que cela nous laissera du temps. Je ne l’ai pas suivi. Quelques mois après, j’attendais son retour impatiemment, car j’étais enceinte et que j’avais acceptée sa demande, par lettre à défaut de l’avoir rejoint. Sauf qu’après deux semaines sans nouvelles, j’ai appris sa mort. Je ne sais pas comment il est mort. Ce que je sais, c’est qu’à l’hôpital Ste Mangouste, on m’a seulement dit que mon enfant aussi était mort, dans mon ventre, et qu’il était trop tard. Ce que je sais, c’est que si mon nom est toujours sur cette foutue tapisserie, c’est parce que j’ai été lâche.

J’ai beaucoup voyagé et j’ai déjà eu différents métiers dans ma courte vie. Cela fait deux ans qu’ils sont morts. Je suis professeur de Défense contre les Forces du Mal à Poudlard maintenant. Il faudrait enfin que mes pouvoirs servent à quelque chose, non ? J’ai trop souvent pris la mauvaise décision. Maintenant que je pense enfin avoir pris la bonne, je ne suis pas heureuse pour autant.