[20 mai 1943] Les confidences du dragon[Lamby Artefact]

Lamby remercia une dernière fois Henry Berry son fournisseur en plantes rares. Celui-ci tout sourire la salua avant de disparaître par poudre de cheminette. Lamby se détourna, regagnant l'arrière boutique où l'homme venait de déposer sa commande. Elle resta là, immobile, contemplant avec une impatience certaine, les plants et fleurs cueillies entreposés de ça et là. Se rapprochant de la table, elle se saisit d'un lys de givre, respirant les yeux fermés son entêtant parfum. Ils étaient de première fraîcheur, pensa-t-elle en passant amoureusement ses doigts le long de la tige et des pétales de la fleur. Elle prit bien soin de ne pas la secouer évitant la perte de pollen et le mélange des différentes parties du lys. C'était primordial car la plante pouvait à la fois être poison et soin. En effet, les pétales servaient à de nombreux onguents, particulièrement efficaces contre les brûlures magiques. Les pistils, eux,  étaient utilisés dans certains contre-poisons, décuplant l'efficacité de certains alors que le pollen était élément essentiel de nombreux poisons, pouvant aussi servir à petite dose d'opiacé.

Son regard se détourna des lys qu'elle reposa. Elle zyeuta les Narcisses-en-larmes, conservés sous stase à l'état de boutons. Ils le resteraient dans la fraîcheur et obscurité la plus totale jusqu'à ce qu'elle les utilises afin de ne perdre aucune précieuse larme inutilement. Son inspection se poursuivit allant des roses noires, aux anémones sanguinolentes, iris de lunes rouges et aux marguerites multi-colores. Tout était parfait.

Un coup d'oeil à son vieux coucou au bois vermoulu et aux couleurs passées. Elle constata qu'une demi heure s'était écoulée depuis que Mr. Berry était parti. Il lui restait bien une heure trente avant l'arrivée de sa dernière cliente et comptait bien en profiter.

Lamby, d'un coup de baguette, installa le tonneau rempli de fleurs de lys, à côté de la table de travail, puis plaça trois gros bocaux vides sur la dite table. o Prête à commencer sa besogne avec un plaisir non feint, Elle s'arma d'un pinceau et récolta avec douceur et dextérité, le pollen d'une dizaine de fleurs. Elle reposa ensuite le pinceau qu'elle remplaça par une pince à épiler et retira tous les pistils et enfin elle débarrassa les fleurs de leurs pétales qu'elle mit dans le tonneau. Elle répéta l'opération jusqu'à avoir vidé l'entier contenu du tonneau.
Satisfaite, elle se dirigea vers une immense chaudron en étain, afin de ne faire intéragir inutilement les fleurs et le métal composant le réceptacle. Elle le remplit de trois onces d'eau déminéralisée et lança un sort, créant ainsi un feu doux de couleur azurée sous le chaudron. Elle regarda passionnée, l'eau lisse se mettre à frémir doucement, puis à bouillir.

La jeune femme, dans son monde, attrape un bocal non loin d'elle et découpe en lamelle les queues de scorpions dont elle a besoin pour la potion attrape-rêve, suffisamment complexe pour retenir son attention. La tête baissée sur sa décoction, elle s'arrête de temps à autre, notant d'un coup de plume, un commentaire visant à une quelconque amélioration sur son grimoire qu'elle connait par cœur. Faisant venir a elle tel ou tel ingrédient, elle avance sa préparation, alternant coups de pilon, coups de couteau et effeuillage.

Lamby rabaisse les flammes jusqu'à obtenir un léger frémissement et ajoute ensuite les queues de scorpions coupées, une petite poignée de pétales de roses noires, une pincée de poudre de rêves, quelques cheveux de fée bleues. Elle sourit, la potion prend une jolie teinte bleue pâle parsemée de paillettes d'or rappelant le sable magique  d'un certain marchant de sable dans le ciel d'une nuit d'été. Les larmes de phénix s'ajoute une par une puis tourner trois fois à droite et quatre fois à gauche.

Le coucou vint à sonner, le son languissant des rouages rouillés et fatigués, lui fit relever le visage perplexe. Un sort de conservation, elle éteint le feu. Elle se détourne avec grâce, gagnant le lavabo, lavant ses mains, les soignant aussi des produits parfois venimeux qu'elle a utilisé.

-Bonsoir, Melle Artefact êtes vous là ?

Le silence bienfaisant suivant le cri du coucou est brisé, une voix féminine légèrement éraillée retentit depuis la boutique. Il est temps de retourner dans la lumière. Avançant d'un pas assuré, elle traverse la pièce et retourne à son office. La différence de luminosité la prend par surprise, lui faisant plisser les yeux. Puis, fixe son regard couleur poison sur la nouvelle arrivante.


 

▬ Bonsoir Miss Zolnerowich. Ponctuelle, j'apprécie l'attention. Nouvs allons nous installer dans mon salon de repos  dans le mezzanine à l'étage si vous le voulez bien.

Indiquant le chemin à suivre, d'un signe de tête, elle ouvre la marche et d'un coup de baguette prépare un thé et fait apparaître de nombreuses tapisseries sur une intrigante table de bois aux pieds sculptés d'êtres féeriques ne ressemblant à aucun autre. Elle appréciait faire le thé elle même mais faute de temps, la magie permettait de pallier au manque temps avec une grande rapidité.

 

▬ Comment se porte cette charmante Tanra? La potion a fait effet?

Demandant cela d'un ton léger mais sure d'elle, elle lui servit une tasse de thé qu'elle lui tendit en suivant.

▬ Tenez, ça vous fera du bien après une longue et fatiguante journée de labeur.

La regardant porter la tasse à sa bouche, elle précisa avant qu'elle n'avale tout à fait sa première goulée.

▬  Par contre, je ne garantit pas qu'il soit fameux. Il prend un goût différent chaque fois et peut se montrer capricieux. Ne m'en tenez pas rigueur.

Amusée de la situation, elle prit sa tasse et en avala une gorgée avec délice, ne quittant pas son interlocutrice des yeux.

Lamby sourit face aux réponses si sérieuses de son interlocutrice, mais n'en fit pas la remarque. Elle préféra se servir en pâtisserie, choisissant précisément une divine tartelette aux fraises des bois et crème de citrouille, avant d'y croquer à pleine dents. laissant passer le temps, savourant les éloges et sa bouchée. Ingurgitant une gorgée de thé brûlant sans ciller, elle nota la dernière réplique, une question, de la russe. Elle prit quelques temps à finir gâteau et thé avant de se décider à agir. Se levant avec grâce, elle se dirigea vers un plan de travail légèrement en retrait et sans la moindre hésitation, en retira quelques esquisses et consignes rédigées sur des rouleaux de papyrus. Elle prit ensuite le temps de regagner la table autour de laquelle, elles étaient installées précédemment et déplia ses travaux.


 

▬ Comme je vous l'ai dit lors de ma visite, si votre dragonne poursuit sa vie dans les sous-sols de Gringotts. Tout le travail entreprit pour combattre sa cécité sera réduit à néant et il faudra tout recommencer. Avez-vous réussi à augmenter la luminosité de l'endroit?

Après voir reçu la réponse attendu, elle acquiesça d'un petit signe de tête, et était prête à poursuivre.


 

▬ Donc comme convenu ce jour-là, vous allez m'aider à continuer le développement ses autres sens.  Qu'elle ne devienne pas inutile si sa cécité revient et qu'on ne la fasse pas mourir dans une réserve de dragon ou qu'elle n'y soit pas abandonnée.

Montrant du la main le contenu de ses rouleaux de papyrus, elle reprit:

 

▬ Que pensez vous de ce programme? Ce n'est qu'une ébauche, vous connaissez mieux l'animal que moi et serez plus à l'écoute de ses besoins et de ses capacités réelles.

On pouvait lire de manière très distincte:

"→ Etape 1: Le travail doit être quotidien, routinier, précis et ne pas excéder les deux heures par jour :
• Sous un sort bénin d'aveuglement, et de masquage d'odorat, travailler la réception d'une balle avec une clochette à l'intérieur afin de travailler le sens ouïe.

• Sous un sort bénin d'aveuglement, et de surdité, travailler l'orientation en suivant les odeurs. Veiller à la prédominance d'une odeur précise qu'elle soit capable de reconnaître et qu'elle soit susceptible de rencontrer dans l'exercice de ses fonctions (sueur, parfum, alcool, magie blanche ET noire, odeur humaine, gobeline, lycanthrope, vampirique...)

→ Etape 2: Poursuivre ses travaux à n'importe quel moment de la journée, mais sans les sorts, en lançant la balle à clochette, en créant une odeur, en la touchant d'une manière à lui communiquer un ordre.

→ Etape 3: En simultanéité avec l'étape 2, lui faire travailler le sens du touché par la création de vibrations dans le sol et les murs, et en appliquant un touché précis, voulant lui communiquer quelque chose (un ordre, une félicitation, une punition...) "

L'écriture était fine, toute en courbes et en boucles, assez féminine mais aux allures officielles. Le tracer, sûr, penchée vers l'arrière, d'une couleur poison dont les traits s'épaississaient suivant le biseau de la plume et le style calligraphié de l'écriture. Des reflets nacrés rappelant son séchage au sable rapide et un certain manque de dépoussiérage donnait un aspect plus authentique au papyrus. Telle une découverte précieuse au temps jadis, durant lesquels régnaient en Egypte les pharaons. Les autres rouleaux étaient des représentations schématiques des 3 étapes décrites.

Lamby, attentive à ses réactions, entendit et reçut ses paroles avec une gravité toute subjective, allant parfaitement avec les circonstances. Elle ne releva pas les compliments qui fusèrent à la suite de la lecture des documents présentés. Elle savait ce que valait son travail, peu de failles s'y trouvaient. A l'entente de la possible volonté de la bête, étonnée d'avoir encore à composer avec ce genre de considération, elle balaya l'argument d'un mouvement vif et agacé de la main. On n'en était plus là à l'heure actuelle, si on se pliait au bon vouloir du dragon, la retraite, voire l’euthanasie de la créature n'était pas loin. Un dragon pouvant devenir aveugle à n'importe quel moment et coûtant une paie en soins, n'avait rien d'irremplaçable. C'était le gardien de Gringotts pas un poids à supporter. La jeune russe en avait-elle totalement conscience? Dure questionnement, elle choisit d'exprimer son opinion à voix haute afin d'être au clair avec elle. Elle n'avait pas de temps à perdre, si Anastasie ne prenait pas la chose sérieusement.


 

▬ Peu importe sa volonté. Si vous vous arrêtez à cela, c'est que la santé de ce dragon reste dérisoire face à plaisir. Dans ce cas là pas la peine de dépenser une fortune pour louer mes services, un simple apothicaire basique pourra vous fournir une potion contre la cécité si le mal revient. Je refuse de m'impliquer dans un projet qui ne sera sans doute pas suivit avec sérieux et dont on me reprochera l'inefficacité. J'ai ma fierté et réputation dans le milieu, un échec n'est pas envisageable. De plus si le programme est pris à la légère, tout sera perdu. La dragonne aura travaillé, à moitié, pour rien et il n'y aura pas de résultats. A vous de voir quelles sont vos priorités.

Elle était dure et le savait. Mais il fallait que son interlocutrice comprenne bien sa position ainsi que le tournant décisif que prenait les négociations. Lamby préférait abandonner un possible travaille bien rémunéré plutôt que d'être payée à complaire des préoccupations insipides. Elles n'avaient plus le temps de tourner autour du pot.

L'idée d'heures supplémentaires ne l'enchantaient guère plus. Elle adorait les dragons depuis l'enfance et avait même passé plusieurs années dans une réserve en Roumanie à les étudier. Non, ce qui lui déplaisait vraiment, c'était le fait de passer de plus en plus de temps en ville à travailler dans sa boutique ou chez des patients, délaissant ses recherches personnelles, ses envies de voyages et sa chère forêt dans laquelle elle aimait tant se balader. Sans compter ses amis qu'elle venait à n'entretenir sue par missives et qu'elle n'avait pas vu depuis un moment. Elle se doutait à la lecture de ses correspondances, que Lavinia et son cher William ne tarder aient pas à venir lui rendre visite et elle voulait être disponible pour eux. Elle souhaitait aussi pouvoir pleinement profiter de son petit frère nouvellement retrouvé.

Elle savait aussi qu'elle avait trop bon cœur pour refuser d'aider quelqu'un. Elle garda donc pour elle ses objections, se contentant de rappeler à la jeune femme qu'il existait aussi des sorts permettant de dissimuler son odeur.


 

▬ Je pourrais en effet passer une à deux fois par semaine pour travailler cela avec elle.

 

▬ Je ne vais pas vous le cacher, la potion que je lui ai donné la dernière fois est à son maximum. Sa vue est redevenue quasi parfaite. Et tant que quelqu'un prendra soin d'elle, cela ne changera pas. Les exercices sur ses autres sens aura plus d'impact le jour où vous ne serez plus en charge de son bien-être et que plus personne ne lui prêtera l'attention qui lui est due.

-Excusez mon indiscrétion, mais il me semblait selon les propos d'un Auror assez mal embouché dans les débuts de notre conversation que vous aviez été cambrioler. Il me l'a annoncer hier, et j'ai penser que vous auriez encore des traces, hors rien. J'espère que rien ne vous a été voler et surtout que vous ne devez faire face qu'à des préjudices matérielles n'ayant pas une immense valeur pécuniaire. Je me demande bien qui a eu l'audace de faire ceci, il n'y a pas grand intérêt à voler une modeste potioniste, même si ses services sont de qualités. Sans la propriétaire des lieux, il n'atteindrai pas votre cheville. Vous seule possédez le savoir renfermez dans votre boutique. Mais loin de moi l'idée que vous auriez du être enlevé, juste que je trouve cela d'une stupidité sans nom ce qui vous est arrivé.

Lamby tourna brusquement la tête vers elle interrogative et un peu sous le choc avant de se recomposer un visage totalement neutre, comme à chaque fois qu'on en venait à parler d'Azur Swordfish. Elle ne dit rien à ce sujet, peu lui importait l'impression qu'il avait pu lui donner. Tant mieux si elle était bancale. Elle tilta plus, grandement amusée à la mention qu'il n'y avait rien à voler chez elle...si elle savait. Entre sa réserve d'ingrédients rares s'élevant à plusieurs centaines de galions et ses potions plus ou moins néfastes...de quoi faire sauter le Chemin de Traverse en cas de mauvaise manipulation. Un rire lui échappa en imaginant la scène, la fatigue y était pour beaucoup.


 

▬ C'est très gentil à vous de chercher à gonfler mon égo et de me faire meilleur que je ne le suis. Je suis juste plus chère que la majorité des maîtres des potions donc on m'imagine meilleure.

Ce ton faussement humble était démenti par la lueur espiègle régnant maligne dans son regard, elle trouvait cette naïveté touchante et prenait plaisir à la détromper, moqueuse. Elle ne voulait pas paraitre admirable, préférant passer à autre chose, elle compléta rapidement:

 

▬ Juste un vandalisme de bas étage, la vitrine à souffert quelques maltraitances, verre cassé ou façade repeinte. Rien qui ne soit réparable d'un coup de baguette.

Elle minimisait un peu les choses, ne souhaitant absolument pas s'attarder là dessus avec une cliente qui d'un certaine façon, bien qu'indirectement, payait une partie des réparations dans sa consultation. De plus, Lamby ne voulait pas que l’ampleur des dégâts subits devienne un sujet récurant des conversations sur le chemin. Ça ferait plaisir à trop de monde, pensa-t-elle. La blonde ne semblait pas du genre à distiller son venin dans les ragots mais elle ne voulait pas risquer qu'un information même minime lui échappe.

▬ On est donc passé vous interroger, l'efficacité des aurors me surprendra toujours.

Elle rit de bon cœur, ne laissant que peu présagé son cynisme sous-jacent à ce sujet.