[1943 - Décembre - Le 17] Visite bienheureuse [Cadence]

Les joues rosies par le froid, le bout du nez gêlé, Arden s'engouffra rapidement dans l’hôpital pour échapper au blizzard. Avec son lourd panier à son bras droit qui lui donnait une démarche de canard, elle s'enfonça dans les couloirs, zigzaguant entre les patients et visiteurs. Elle ne tarda pas à retrouver face à Cadence qui était en train de reprendre son souffle entre midi et deux. Un large sourire illumina le visage d'Arden, elle posa son panier sur la table et d'un geste assuré, elle la prit dans ses bras en guise de bonjour.

- Cadeeeeence ! Quel plaisir de te voir. J'ai fais aussi vite que j'ai pu. Je sais que tu es occupée, mais tu as aussi besoin d'une pause ! Mon dieu tu sembles avoir perdu des couleurs et du poids. Il faut que tu reposes ! Regarde ce que j'ai apporté pour le repas ! Tu vas te régaler !

Elle la libéra de son étreinte et commença à retirer ses couches de vêtements. La pièce était suffisamment chaude pour étouffer si elle n'y remédiait pas. Elle en profita également pour lisser un peu les pans de sa robe pour être plus présentable.

J’attendais la visite d’Arden. Elle m’avait dit qu’elle passerait durant ma pause midi. La connaissant j’en avais pour plus d’une heure avec elle. Ce n’est pas qu’elle était bavarde mais un peu.
En l’attendant, je fis un peu de rangement dans mon bureau, qui était quelque peu en bazar. Certes, j’étais organisé mais quand je devais tout lâcher pour aller pallier à une urgence, je me stoppais dans mon activité et quand je revenais je rédigeai un rapport avant de me remettre au travail, si je n’étais pas interrompue avant. Résultat, j’avais beaucoup de travail entamé mais pas achevé et finalisé. Surtout que j’avais pris du retard, travaillant moins depuis qu’Ophélie était née.

Finalement Arden arriva et je lui souris, la laissant me prendre dans ses bras après avoir posé son immense panier.

- Arden, contente de te voir moi aussi. Il ne fallait pas te hâter autant. Je n’allais pas mourir de faim. Et tu exagère, je suis comme d’habitude. Et j’ai peut-être perdu du poids à cause de ma double vie ici et à la maison. Et puis tu sais bien que je me repose rarement. Je n’ai pas changé tu sais.

J’avais beau ronchonner mais dans le fond j’étais heureuse de la voir. Tout en la laissant enlever ses multiples couches, je soulevais le linge qui protégeais les denrées et sourit, à la limite de rire.

-Tu veux me gaver Arden ou quoi. Tu as prévu pour un régiment là. Et en plus on a plein de tes pâtisseries. Je sens qu’on va se régaler. Et je vais prendre du poids, vilaine.

Je la regardais lisser sa robe en souriant. Elle faisait toujours attention à son apparence.

-Alors quoi de nouveau Arden. Ton commerce marche bien ?

Commençant à mettre la table, je l’écoutais d’une oreille.

- Il faut que tu te ménages, ronchonna la jeune pâtissière.

Elle montra son désaccord en secouant la tête.

- Sinon tu risques de faire des erreurs. Tu ne peux pas en faire, pas en tant que médicomage et mère. Je m'inquiète pour toi tu sais, mais si je peux faire quoique ce soit pour te soulager d'un poids, je n'hésiterai pas. Tu me connais bien, alors n'aie pas peur de demander mon aide. Je ne suis pas du genre à te laisser dans la bouse de dragon.

Elle prit la première part de tourte à la viande qu'elle eut sa la main et la fourra entre les mains de son amie.

- Mange !

Arden tira une chaise pour s'installer et étendit ses pieds sous la table. Ses muscles se détendirent et cela lui fit le plus grand bien.

- Mon commerce se porte à merveille ! J'ai dû prendre une nouvelle employée, sinon je n'allais pas tenir la cadence. Je pense à ouvrir une seconde boutique à Pré-au-Lard, mais je pense que c'est encore un peu tôt. Et toi ? Comment va la petite ?

Elle eut un large sourire et s'attaqua à un muffin à la myrtille bien gonflé.

Je levais les yeux au ciel en écoutant Arden me sermonner. Elle s'inquiétait pour moi, ce qui était quelque peu attendrissant mais aussi amusant. Elle se faisait du soucis alors qu'elle était aussi occupée que moi, courant elle aussi dans tout les sens. Mais non, c'était pour moi qu'elle s'inquiétait, c'est moi qu'elle gavait à coup de bonne pâtisserie.
Tiens une énorme part de tourte était apparue entre mes mains. En plus elle sentait bon. En croquant dedans, je laissais échapper un soupir appréciateur face à ce délice.

- Il n'y a pas à dire, tu es une très bonne pâtissière Arden.

Je l'écoutais me raconter son quotidien avec plaisir. Mais elle ne tarda pas à revenir sur ce qui la préoccupais, mon cas.

- Tout d'abord je trouve que c'est une bonne idée ta seconde boutique. Ensuite, Ophélie va bien, comme sa maman. Elle adore sa nourrice et je passe d'agréable moment avec elle.

Je souris avant de recroquer dans ma part de tourte