[Vacances Décembre] Fraca de Plume [Orween]

Trois jours avant noël, les passants s’empressent de faire emplettes de dernières minutes au chemin de traverse. Je les vois défiler devant la vitrine de la boutique, que je garde, seul, dans un bruit de hululement et piaillement envahissant. Il n’y a pas à dire, j’aurai préféré faire autre chose, mais tout le monde était occupé chez moi. Mon père devait dresser des hippogriffes pour je ne sais quel particulier, et je sais très bien que rien que cette mission va être difficile. Ma mère prépare noël, un repas de famille pour une vingtaine de personne… Je serais ravi de revoir mes cousins tiens, et encore plus ma tante… Vive l’ironie. Et bien sur, ma sœur avait le privilège de l’aider dans sa tâche. Me voilà donc de corvée pour garder la boutique, car « il ne faut surtout pas fermer la boutique avant les fêtes ! » d’après mon père. Je n’ai vu que deux clients aujourd’hui, venu acheter des gâteries pour hiboux… Les gens préféraient acheter un hibou à leur gamin avant le début de l’année scolaire, pas à noël… Mais bon, on peut toujours rêver.

Je m’occupais à nourrir les trois vivets dorés du magasin. Ces oiseaux rares avaient couté une fortune à mon père, et j’étais dans l’obligation de les bichonner. Cela me permettait au moins d’éviter de penser à Poudlard. Pour une fois, je n’avais pas envie d’y retourner. Les trois oiseaux piaillaient gaiment. Les veinards. Ils n’avaient pas de tracas eux. J’ai qu’une envie, c’est me barrer !  Prendre une journée à moi, visiter Londres, ne pas avoir à me préoccuper des autres… Ou ne serais-se que passer du bon temps.

Je refermai la cage et retournai m’assoir derrière la caisse, m’amusant à tourner sur le tabouret. Igor, le hibou grand duc de la boutique, m’observait de ses grands yeux perçants. Cet oiseau, je ne l’aime pas. Il a mauvais caractère, et n’hésite pas à le montrer. En fait, il n’aime pas les enfants, voir même les adolescents. En gros, ce hibou n’aime que les vieux. Je m’arrête de tourner pour le fixer. Concours de regard. Le premier qui regardera ailleurs perdra. En fait, c’est seulement dans ma tête, mais j’aime défier cet oiseau. Il avait mauvais caractère, c’était pour moi une excuse pour passer ma rancune sur lui !

Et soudain, la porte s’ouvrit, faisant sonner la petite clochette perchée à l’entrée de la boutique. Le hibou s’envola droit vers moi, voulant reculer, mon tabouret bascula en arrière, et je me retrouvai vite les quatre fers en l’air avec un hibou en furie dans le magasin. Finalement, ça ne lui plait pas ces concours de regards… Saleté de piaf !

Merlin qu’il y avait du monde !

Lorsqu’on va faire les boutiques au début des vacances de décembre, on se prépare psychologiquement à la ruée des affolés des cadeaux en retard. Mais on minimise toujours. On se dit des trucs du style : le matin ça devrait aller… Avant le déjeuner, ça devrait aller… Il pleut, il ne devrait pas y avoir trop de monde … Ah le pouvoir de l’auto-conviction !
Et bien non ! Il y avait foule même s’il n’était que 11h du matin. Des gens partout : sur les trottoirs, dans la rue, devant les vitrines, dans les portes des magasins, sur les escaliers, dans les boutiques… Fallait-il être fou pour venir au chemin de traverse un tel jour ?

Parmi tout ces fous, il y en avait un, un grand blond, qui dépassait de la plupart des têtes encapuchonnées ou emmitouflées pour faire face aux rigueurs de cette matinée de décembre. Arborant fièrement son écusson de Gryffondor et son écharpe or et rouge, Orween essayait tant bien que mal de se faufiler entre les groupes grincheux et la largueur de ses épaules de gardien ne l’aidait pas. Il finit par apercevoir l’enseigne de l’échoppe qu’il était venu visiter et pressa le pas, glissant tel une limace le long d’une vitrine embuée.

Enfin, il eut la poignée dans les mains et poussa la porte, ce qui fit tinter une clochette aigrelette et déclencha un cataclysme ! Ce fut soudain l’ancien Verdun ajouté au futur Hiroshima. Le cerveau d’Orween enregistra des informations sans réussir à leur donner de sens : les cris aigus, un fracas de plumes frôlant ses oreilles, un oiseau énorme, des cages dégringolant des étagères, d’autres se balançant au bout de leur chaine, d’autres cris, plus graves, plus longs, plus terrifiés, plus brefs, un mouvement au fond, un corps qui tombe, une main qui disparait, un frôlement entre ses jambes. L’instinct du gardien peut-être lui fit arrêter de justesse un niffleur qui tentait d’échapper au marasme et il referma la porte d’un coup de talon. Soudain le silence se fit. Des plumes volaient encore dans l’air.

Orween, le niffleur dans les bras, s’avança prudemment vers le comptoir et se pencha par-dessus.

« Euh… Vous allez bien ? »

Le corps inerte commença de remuer  et un visage échevelé apparut.

« 0_0 Eli ? Ben qu’est-ce que… tu t’es fait mal ? »

Orween posa le niffleur sur un haut tabouret - où le pauvre animal resta perché, tendant son long museau vers le sol à la recherche d’un moyen de descendre - et se précipita pour aider Eliott à se relever. Il le remit doucement sur ses pieds et son regard noisette détailla le jeune Gryffondor apprenti cascadeur : une tache rouge qui virerait surement bientôt au bleu colorait sa joue, des mèches brun clair s’était échappé de son ruban, enfin une bosse commençait de déformer le côté droit de son crâne.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Tu veux t’asseoir ? »

La surprise passée, je tentai de me relevai, lentement, de peur de voir les dégâts dans le magasin. Igor avait certainement tout fait tombé dans la boutique, et si mon père rentrait à ce moment, cela allait être un massacre verbal pour ma pomme. Et en plus, il y avait un client ! J’étais même étonné qu’il n’ait pas déguerpi avec cette pagaille. Il me demanda même si j’allais bien ! Quelle gentillesse dans ce monde cruel…

Sauf que cette voix, je la connaissais, très bien même. Je pense qu’Orween fut tout aussi surpris que moi. Jamais je n’aurai pensé le voir ici, à ce moment. Encore hébété par l’attaque de hibou, je le remerciai du regard. Je massai ma tête douloureuse, cherchant à relever le tabouret de l’autre main. Besoin de m’assoir dans l’immédiat. Je constaterai les dégâts plus tard.

Vu le gonflement que je sentais sous ma main, j’allai être beau demain. Ce n’est pas superbe pour les vacances de noël ? D’un coup d’œil vif, je repérai Igor, perché sur une étagère, un air fier dans les yeux. Je le pointai du doigt.

Et enfin, je vis l’état de la boutique. Les cages par terre, des oiseaux planqués dans tous les coins, et surtout, les vivets dorés hors de leur cage ! Je passai du rouge de colère au blanc de terreur. Je reportai mon regard sur Orween.

Je le regardais avec de grands yeux, comme si j’avais une apparition devant moi. Je ne voyais pas souvent mes amis dans la boutique, je préférai éviter en général, de peur d’avoir le bazar dans le magasin. Bon, mon ami Gryffondor n’y était pour rien, mais seul l’avis de mon père compterait. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, j’avais sauté sur mes pieds, écoutant toujours d’une oreille Orween, et entreprit de relever une partie des cages, histoire de pouvoir remettre les oiseaux dedans plus tard. Et surtout retrouver ce fameux vivets dorés !

Un instant, alors qu’Eliott  le regardait sans vraiment le voir, Orween eut l’impression qu’il ne le reconnaissait pas. Puis la lumière se fit dans les yeux du Gryffondor et un léger rouge vint colorer ses joues, ce qui le rassura. Orween l’aida à s’asseoir, le laissant reprendre ses esprits. Il eut un léger recul lorsqu’Eliott lui désigna un grand hibou, haut perché dans un coin sombre et qu’il n’avait pas remarqué. Apparemment c’était lui le responsable de la catastrophe et d’après ce que lui disait son ami, ce n’était pas la première fois qu’il faisait des siennes. Eliott avait l’air furieux, ce qui amusa le préfet. Il ne l’avait que rarement vu si fâché, lui qui était toujours d’humeur égale, souriant et détendu. Il était là, tout hérissé de colère sur son haut tabouret mais sa colère retomba lorsqu’il prit conscience de l’état de la boutique. En moins de deux il était sur pieds, commençant de ranger les cages. Le blond répondit à sa question tout en le regardant faire.

« Et bien, j’étais venu ici parce que je cherche un cadeau pour Alexander, pour Noël tu sais, Et tu sais bien qu’il se passionne pour les créatures magiques alors je m’étais dit que le vendeur… ton père ? C’est ta famille qui tient cette boutique ? Je croyais qu’ils faisaient de l’élevage O_o… Bref, je pensais que quelqu’un, ici, aurait peut-être une idée originale pour le Noël d’Alex. Un animal auquel  j’aurais pas pensé ? Ou bien un bouquin ? Ou un kit quelconque, ou je ne sais pas … Tu veux de l’aide peut-être ? »

Orween s’approcha du pauvre Eliott qui, sur la pointe des pieds et les bras tendus au maximum, essayait de remettre une cage sur une étagère haut placée. D’un coup de baguette, le préfet la remit en place. Il remarqua alors que si Eliott n’utilisait pas la magie, c’était peut-être pour une bonne raison.

« Ah mais faut peut-être pas la magie ici ? Attends alors. »

Le rejoignant, il commença de tout ramasser, essayant de récupérer aussi els graines et autres aliments tombés des mangeoires.  Des bestioles couraient partout, se faufilant entre leurs pieds ou volant au-dessus de leurs têtes, pour se réfugier dans un endroit sécurisant. Peu à peu la boutique retrouvait un aspect normal. Bientôt tout fut en place et les deux Gryffondor se retrouvèrent face à face dans l’étroit espace entre deux rayonnages.

« C’est rare qu’on se retrouve comme ça tous les deux hein ? » Un haussement de sourcils accompagna le sourire du gardien qui attendait de voir si il allait, une fois encore, réussir à faire rougir son jeune camarade de Gryff. Au moins, cela lui changerait les idées, il semblait très tendu comme jamais Orween ne l’avait vu à Poudlard et cela l'inquiétait.

J’écoutai d’une oreille la réponse d’Orween, bien plus occupé à ranger qu’à m’occuper de lui. Un cadeau pour Alexander… C’est vrai que ce Gryffondor était un vrai passionné des créatures magiques, alors qu’elle boutique serait le mieux que celle là pour lui offrir un cadeau ? Je compris aussi qu’Orween ne s’était jamais rendu compte que cette boutique appartenait à mes parents.

Je réfléchissais à une idée de cadeau pour Alexander, tout en étant ravi de voir mon ami Gryffondor venir à la rescousse. Il en avait de la chance lui, d’avoir ses dix-sept ans et pourvoir user de la magie…

Mais j’étais tout de même bien heureux d’avoir son aide. Cela m’aurait pris bien plus de temps pour tout ranger, sans compter ce hibou de malheur qui nous guette toujours du haut de l’étagère. Pour peu qu’il revienne à l’assaut, ce serait reparti pour un tour. Très vite, tout fut remis à sa place, à l’exception de ces fameux vivets d’or. Nous nous retrouvâmes face à face entre deux rayons, lui souriant et haussant son sourcil, à la question que je préférai prendre au premier degré, les joues légèrement rouges.

J’essayai donc de changer de sujet, histoire de ne pas laisser un blanc s’installer.

Retournant au centre du magasin maintenant rangé, je pensais avoir une meilleure vue sur l’ensemble. Et je ne tardai pas à apercevoir trois éclats dorés perché sur la lanterne de la boutique.

L’esprit de vendeur que m’avait inculqué mon père refaisait surface… Attrapant leurs graines dans ma main, je sifflotais pour les faire revenir. Heureusement que ces oiseaux sont dociles, il suffisait de les appeler pour qu’ils viennent. Très vite, ils vinrent dans mes mains pour picorer gaiment.

Ah oui la majorité. C’est vrai qu’on oublie vite, une fois qu’on a attrapé ses 17 ans, que l’usage de la magie est réglementé pour les plus jeunes. Encore plus lorsque l’on vit tous les jours avec ces dits plus jeunes qui usent de la magie à tout bout de champ à Poudlard. Orween avait donc sorti l’huile de coude pour aider à tout ranger et il ne restait plus que les animaux. Animaux dont lui parlait Eliott justement après être passé sur sa remarque comme on passe sur une plaque de verglas : précautionneusement, sans glisser…

C’est avec attention que le Gryffondor regarda son ami chercher les fameux vivets dorés. Bien sûr, comme tout bon joueur de quidditch, Orween connaissait les vivets dorés et leur histoire. Il en avait même souvent vu en image animée ou non dans diverses revues dédiées au sport sorcier. Mais ce serait la première fois qu’il en verrait en vrai et qu’il pourrait – peut-être – les toucher. Quoique, vu sa maladresse, il valait peut être mieux qu’il s’en abstienne.

« J’ai entendu dire, ouaih, que c’était rare. D’ailleurs on n’en a jamais vu à Poudlard. »

Le blond suivit du regard le doigt du roux puis la direction que celui-ci indiquait. Il repéra dans un coin d’étagère, 3 ou 4 petites boules de poils – de plumes ? – qui frétillaient en se grimpant les une sur les autres dans une continuelle ondulation, chacun cherchant visiblement à se cacher derrière les autres.

« Boaf tu sais le prix c’est pas un problème… Oh ben dis ! Ils sont dressés ceux-là ? »

A peine les graines furent-elle au creux de la paume d’Eliott que les petits vivets s’envolèrent de leur étagère pour se poser sur la main du jeune vendeur.  Doucement, Orween approcha son index pour effleurer les plumes dorées de la petite boule picorante la plus proche mais celle-ci s’envola aussitôt pour venir se percher sur les cheveux de son actuel propriétaire, se sentant visiblement plus en sécurité là haut.

« Excellent ! J’adore ! Mais t’as raison, si j’achète un vivet à Alex, il ne va pas pouvoir l’emmener à Poudlard… Je sais pas … d’un autre côté si je prends un animal qu’il peut avoir au château ça ne va pas être très original… bon on va déjà ranger celui là avant qu’il ne recommence son cirque. »

D’un coup de baguette précis, Orween figea le grand hibou ennemi juré d’Eliott et grimpa sur le comptoir pour l’attraper. D’un bond, il redescendit avec le rapace captif et demanda avec un sourire.

« Tu le préfères grillé à la broche ou en ragout ? J’en fais quoi ? Il a une cage ? »

Ce fameux hibou de malheur avait enfin reçu la correction qu’il méritait. Si mon père avait vu faire ça, il serait déjà en train de beugler comme un âne. J’étais entre joie et panique. Heureux d’allumer ce sale piaf,  stressé à l’idée que mon père voit ça…

Rattrapant le vivet doré perché sur mes cheveux, je retournai vers leur cage, pour les remettre dedans, et embarquais le perchoir de la bête. J’attrapai l’oiseau de nuit, le flanquai dessus et attachai sa patte à la chainette qui le retenait chaque nuit.

Combien de fois cela m’était-il arrivé ? Trop de fois sans doute. Le hibou avait déjà sa réputation.

Je partais faire un tour dans les rayons, choisissant ceux que j’avais préférés, ou jugeais les plus intéressants.

Je ne connaissais pas assez Alexander pour lui trouver le cadeau idéal. Déjà que j’avais eu du mal pour Aeris… J’espérai d’ailleurs qu’elle ne prenne pas mal le fait d’être laissée à Poudlard pendant ces vacances de noël… Je faisais la moue devant mes bouquins, avant de retourner à mes intentions premières, les livres ! J’en apportai une pile à Orween, ne sachant même pas si ça l’intéresserait.

Orween sembla avoir une idée, qui interrompis les recherches d'Eliott dans les étagères. Il le suivit au centre de la boutique, intrigué et curieux. Il voulait prendre tout le bazar pour élever un vivet ? Il n'était pas sérieux quand même ? Cela allait lui couter une fortune ! Sans parler des papiers à signer et compagnie... En prendre deux... Eliott entreprit vite de faire baisser son hardeur.

"Orween... Tu es sur de vouloir prendre un vivet ? Non seulement ça coute cher, mais en plus tu vas te retrouver avec de la paperasse énorme. C'est surveillé le commerce de vivet doré. Et surtout, je ne pourrais pas te le vendre, c'est mon père qui doit les gérer. Je sais que c'est un très beau cadeau, mais c'est surtout beaucoup de complication... "

Et puis si le père d'Eliott voyait le hibou dans cet état... Le jeune gryffondor donnait pas cher de sa peau. Non, il n'avait vraiment pas envie de le voir maintenant. Quelle idée de lui parler de vivet doré en même temps. Il était tellement content d'en avoir en boutique, qu'il avait fallut qu'il vende du rêve à son ami.

"J'aurais pas dû t'en parler, je savais que je ne pourrais pas te les vendre de toute façon. Désolé. Mais si tu insiste vraiment, j'irai chercher mon père."

L'air penaud, Eliott se triturait les doigts, se sentant légèrement coupable.