Hastings Chéri

"Incroyablement peu déterminée à éviter les ennuis. Ses véritables loyautés ne vont qu'à sa stupide ténacité, et elle n'hésitera pas à sacrifier vos illusions sur l'autel de sa verve grossière. Aucun raffinement, vraiment." Ray Hastings, sa jumelle.

" Hastings ? Ah oui, c'est celui qui passe son temps à déclencher des bagarres non ? Personnellement, j'ai jamais été l'embêter, il a l'air de rudement bien maîtriser le domaine. Et puis, il a l'air sympathique quand personne le provoque. Il m'a même fait rire avec ses réponses qu'il fait parfois au professeurs. Il a un sacré caractère. Après, y'a trop de filles qui lui tourne autour, j'ai pas eu le courage de trop l'approcher. " Un Serdaigle de 6eme année.

" Chéri ! C'est un chevalier ! Il est tellement fort ! Et craquant ! Et son côté mauvais garçon me fait frémir ! J'ai peut-être mes chances, il paraît qu'il est célibataire ! " Une Serpentarde.

" Chéri Hastings... C'est une cancre ! Elle ne passera plus le seuil de ma salle de classe ! " Professeur d'Histoire de la Magie.

De façon générale, Chéri est bien connue que ce soit des professeurs qui craignent ses inventions pour déroger à l'autorité, des garçons qui voient en elle un ami ou un rival de poids, ou des filles qui ont tendance à rougir à son approche. Chéri, c'est un peu le chevalier rebelle de ses dames. Seules de très rares personnes ont compris que Chéri était en réalité une fille (seuls des Gryffondors), et peu osent répandre la rumeur de peur de représailles de sa part (et aussi de sa sœur).

Chéri envisage de réussir sa vie toute seule. Aucune envie de mariage pour vivre en se la coulant douce et en contentant un époux violent et infect. Non, elle veut travailler, et pas un petit travail de pacotille. Non, elle vise l'excellence ! Elle ambitionne d'intégrer la Brigade de Police Magique des Tireurs d'élite à Baguette. Dans le pire des cas, elle pourrait être intégrer une équipe professionnelle de Quidditch, mais cela l'intéresse un peu moins.

Ses parents sont deux moldus. Comme toute sa famille. Moldus pure souche. Et oui, et elle est même fière de l'affirmer. Pourquoi en aurait-elle honte ? Et ne vous avisez pas de lui faire une remarque là dessus, ou elle risque de vous faire ravaler vos remarques à coups de sortilèges. Oh, et pire encore, n'embêtez jamais sa sœur, oui, l'autre Hastings de l'école qui ne lui ressemble pas du tout, si vous l'embêtez vous serez passible d'une longue et douloureuse série de violences envers votre personne. On ne touche pas sa sœur. Même si elle est Serpentarde.



« Nounoune... Je peux prendre un gâteau ? »demanda Chéri alors que sa main courait déjà sur la table où les victuailles étaient posés.

« Ce sont des Biscuits, Chéri ! Pâte sèche ! »répliqua la cuisinière avec un sourire. « Et tu ne devais pas aller apprendre tes leçons de français ? »

Chéri haussa les épaules en s'installant sous la table, grignotant son biscuit avec appétit. Cette petite avait le chic pour réussir à s'enfuir et se cacher quand il fallait travailler. Surtout quand il fallait embêter la gouvernante. Celle-ci passa la porte de la cuisine, demandant si « cette peste » était là. Nounoune lui répondit que non. La porte claqua. Chéri eut un rire.

« Plus tard, je serai comme toi Nounoune ! Cuisinière ! »

La domestique secoua négativement la tête, s'accroupissant à côté de l'enfant : « Chéri Hastings, si tu deviens cuisinière, je te botterai les fesses compris ? Tu es promise à de grandes choses, pas comme moi ? Tu seras une femme extraordinaire, meilleure que tous les hommes, promis ? »

« Promis. »

Chéri avait 5 ans.
*

Chéri... Un nom bien trop français pour être honnête ! Et vous n'avez pas tout à fait tort. La naissance de cette enfant et de sa jumelle ne fut pas vraiment idéale, ni même voulue. La noble et digne famille Hastings se serait bien passé de ce problème, car, oui ces enfants étaient un problème. Le fruit d'une union illégitime entre la cadette de la famille, et un escroc français désargenté qui lui avait fait tourné la tête avant de lui avoir mis la bague au doigt. Un scandale vous dis-je. On cacha cette grossesse des yeux du monde, prétextant une maladie longue de la belle jeune femme. On l'accoucha dans le plus grand des secrets, et deux enfants naquirent. Un problème ne vient jamais seul. La première née fut appelée Rayleigh, un prénom réfléchi par le consensus familial. Lorsque le second bébé arriva, la mère eut la chance choisir un nom : Chéri. Oui, le premier nom qui lui était venu à l'esprit, lu dans un livre, parce que ce personnage ressemblait au père, parce qu'elle espérait que cette enfant lui ressemble.

Anthea, la mère des jumelles, fut rapidement marié à un riche américain, et envoyé dans la lointaine contrée. Bien sûr sans ses nourrissons. Ceux-ci resteraient au manoir familial, présentés comme les enfants d'une membre éloignée de la famille morte en couche. Tout pour préserver l'honneur.

Chéri venait de naître.

*

Un cri. Tout le manoir l'entendit. Et un rire. Tout le monde l'entendit aussi. L'une face à l'autre, la stricte gouvernante et la revêche enfant, à leurs pieds la chevelure blonde de Chéri. Ses petites mains tenaient encore les ciseaux. Pourquoi avait-elle fait ça ? Tout simplement parce que ces boucles bondes bien trop longues et bien trop lourdes la gênait pour bouger (surtout pour grimper aux arbres). Ce fut un drame personnel pour la gouvernante. Pour Chéri, ce fut le début d'une mutation. D'une libération.

« Je serai plus une fille, Nounoune. »

« Tiens, c'est toujours d'actualité... »

« Bien sûr que si. Je suis pas une fille. Je suis pas comme Rayleigh. Et puis tu dis toujours qu'on doit se battre pour être l'égal des hommes. Je vais en devenir un. »

« C'est un peu compliqué quand même, non ? Tu n'es pas vraiment un homme... »

L'enfant de dix ans fouilla dans une boîte cachée dans la cuisine et lui montra une photo. Celle de son père qu'elle n'avait jamais vu.

« Pourtant, j'lui ressemble, et c'est un homme. Je serai comme lui. Et personne saura que j'étais pas un garçon avant. Tu pourras me donner les vêtements de ton fils ? Il est plus grand que moi ! »demanda-t-elle avec enthousiasme.

L'accord fut conclu. Et contre toute attente, le changement ne fit pas tant de bruit que cela dans la famille. On savait déjà que cette petite, cette pauvre Chéri n'aurait jamais dû être là. Et puis avec son comportement, elle n'irait jamais loin. Si elle pouvait finir à l'asile, ce n'était pas si mal. Seulement, un an plus tard, on découvrit qu'elle était pire que folle, elle était différente. Sa sœur aussi. Des sorcières, finalement, peut-être que tout n'était pas perdu pour elles, enfin pour Chéri surtout. On ne lui fit plus de remarques sur son excentricité, c'était sans doute la marque de sa différence.

Chéri avait 11 ans.

*

Si je monte encore deux branches, je serai capable de battre le fils de Nounoune au bras de fer.

Dans un vieux chêne millénaire, une silhouette frêle se créait un chemin, trouvant des prises dans les écorces, les branches, les feuilles. Elle aimait la hauteur. S'élever. C'était un peu comme devenir un oiseau. Plus tard, elle serait aviateur, comme ça, elle pourrait voler dans les nuages.

Si je monte encore de deux branches, Rayleigh aura la liberté qu'elle mérite.

Ses pieds en sandale s'appuyaient avec adresse dans les branches, certaines griffant ses jambes nues que ne protégeait qu'un court short. Elle entendait au loin Nounoune rire avec une autre domestique. Il faisait chaud. C'était l'été.

Si je monte encore deux branches, je serai un vrai garçon.

Chéri étaient à présent à plusieurs mètres du sol. Quatre ou cinq sans doute. Mais elle n'avait pas peur. Elle était forte. Elle s'était entraînée. Et puis...

Si je monte encore deux branches, je n'aurai plus à vivre ici.

Elle grimpa encore de deux branches. Seulement la seconde était un peu fragilisé par des vents violents la veille. Alors à peine la fillette eut-elle ses pieds sur elle qu'elle se rompit. Chéri n'eut pas le temps de s'accrocher. Un cri passa ses lèvres. Les branches la fouettèrent à son passage, mains végétales tentant vainement de sauver l'enfant. Pourtant sa tête ne s'éclata pas sur le sol, sa colonne ne se brisa pas sous le choc, seuls ses poumons lui refusèrent de l'air, son diaphragme bloqué par la peur. On la retrouva inconsciente quelques minutes plus tard, avec quelques bleus et griffures. Ses premiers mots à son réveil furent pour Nounoune à son chevet :

« C'est sûr, un jour, je serai un vrai garçon. »

Chéri avait 9 ans.

*

Le manoir avait changé de visage. La guerre faisait rage. La famille fut forcée de laisser une grande part de la demeure à l'état pour la solidarité nationale. L'énorme bâtisse devenait un hôpital, le premier sur les côtes est anglaises. Des lits avaient été installés partout. L'odeur de désinfectant s'insinuait partout. Les gémissements aussi. Le plus dur, c'était de ne pas pouvoir soulager ces pauvres diables avec les sortilèges de soin les plus simples. Chéri ne supportait pas cette frustration. C'était injuste. Moldu, sorcier, quelle était la différence ? Quelle était sa différence ?

Nounoune s'efforçait de cuisiner, mais elle était triste. Son fils était au front et les nouvelles se faisaient rares. C'était triste de ne rien pouvoir faire. C'était frustrant. Cette différence que l'on faisait était lourde à porter. Pourquoi avait-elle le droit d'aller insouciante à Poudlard alors que tous les garçons qu'elle connaissait depuis toute petite se préparaient à aller à la mort ?

Chéri allait faire les courses en ville. Elle accompagnait le personnel, les aidant à porter les charges lourdes. C'est lors de ces voyages qu'elle rencontra Lydia. Une fille de domestique, travaillant déjà pour une famille environnant. Travaillant doublement depuis le départ des hommes.

« Et toi, pourquoi t'es toujours ici ? »lui demanda-t-elle alors qu'elles se voyaient en cachette à mi-chemin entre les deux propriétés dans une grange.

« Je suis réformé. Maladie. »se contenta-t-elle de répondre avant de l'embrasser à nouveau.

Elle quitta Lydia à la fin de l'été. La jeune femme ne savait pas qu'elle avait embrassé une autre femme. Elle ne le saurait jamais. Chéri ne lui écrivit pas. Nounoune lui apprit plus tard qu'elle s'était mariée à un garçon de ferme.

Quand leurs lèvres se joignaient aux siennes, Chéri avait 16 ans.

*

« Oh regardez, c'est le Sang-de-Bourbe qui arrive ! »

Un groupe de Serpentards pouffe à son arrivée dans la Grande Salle, le pointant du doigt. Sa réputation commence pourtant à la précéder. Mais ceux-là semblent plus téméraires. Ou plus stupides juste. Certains étaient en première année. Ceci explique peut-être cela. Sa sœur n'était pas encore là. Il est encore tôt. Elle eut un claquement de langue agacée. Ils ne pouvaient pas la laisser profiter de ce dimanche matin. Ses poings se serrèrent. Elle avança vers sa table, bien décidée à ne pas avoir d'heures de colle cette semaine.

« Hastings ! C'est vrai que ta sœur elle est pas farouche?! »

Certains élèves présents baissèrent la tête, d'autres quittèrent la table des Serpentards. Un téméraire posa une main sur l'épaule de la jeune fille. Main vite repoussée sans ménagement. Ils ne savaient pas à qui ils avaient affaire. Chéri se leva, fit le tour de la table, remontant vers celle des Serpentards. Elle sauta sur la table, évitant les plats avec soins, mais remontant rapidement jusqu'au petit groupe surpris d'une telle manœuvre. Le combat s'engagea vraiment lorsque son pied alla violemment percuter la tête de celui qui avait osé insulter sa sœur. Les autres tentèrent de le maîtriser, mais le banc les entravait. Il eut le temps d'en frapper quatre avant qu'un surveillant encore mal réveillé s'aperçoive qu'il ne rêvait pas et qu'un élève déclenchait vraiment une bagarre un dimanche matin à 8heures dans la Grande Salle.

Le cas de Chéri fut examiné par le directeur. Elle fut sévèrement punie. Suspendue de Quidditch. Collée un nombre d'heures faramineux. Plus surveillée que les autres. Mais son nom venait de rentrer dans l'histoire de Poudlard une nouvelle fois. Le guerrier. Le fougueux. Le fier. Chéri en un seul mot.

Chéri avait 14 ans quand on arrêta de la provoquer, du moins les sains d'esprit.

*

« Ok ! Chéri tu joues ! Il nous faut un remplaçant ! »

Chéri bondit du banc de touche, son balai à la main. Ses jambes flageolaient, elle transpirait. Pour la première fois, elle allait jouer. Bien sûr, cela faisait presque un an qu'elle s'entraînait avec le reste de l'équipe, mais elle n'avait jamais joué un match. C'était terriblement intimidant. Les gradins remplis, les cris de soutien, les hués aussi. Un frisson parcourut son échine. Mais elle savait qu'elle pouvait le faire. Elle pouvait les aider. Elle pouvait être une bonne poursuiveuse, ou au moins l'égal de celui qui venait de s'écraser au sol.

Elle s'éleva rapidement, ses mains étaient moites dans ses gants de cuir. Le jeu reprit. Au début, elle eut du mal, il faut l'avouer. Suivre le rythme, éviter l'agressivité des adversaires, les cognards. Mais rapidement, elle lâcha prise, son esprit laissa place à son instinct. Ses stratégies étaient insolites, surprenantes, sans doute parfois un peu inconscientes. Pourtant grâce à elle, et surtout grâce à la cohésion de l'équipe, ils remontèrent petit à petit au score. Le match dura longtemps, les attrapeurs peinaient à apercevoir le Vif d'Or. La lutte pour l'attraper fut vive. Mais Gryffondor eut une belle victoire. Sa première. L'euphorie. La joie. La fierté.

« Hastings ! L'an prochain tu seras plus remplaçant ! »lui cria le capitaine au travers de la foule rouge et or qui les portait aux nues.

Chéri fut fière. C'était un bon début pour prouver sa valeur.

Chéri avait 13 ans quand elle commença à croire en elle.