Les mains enfoncées dans les poches de son manteau, Shane adressa un regard pensif au café devant lequel elle s'était arrêtée. Il faisait particulièrement froid aujourd'hui, et il tombait calmement depuis tôt ce matin un épais rideau de neige. Derrière la porte fermée, elle devinait une chaleur accueillante qui semblait l'inviter à entrer et à se réchauffer autour d'un chocolat chaud.
Pour les vacances de Noël, elle était retournée à Londres, chez ses parents, bon gré mal gré. Elle n'avait pas spécialement envie de revenir, mais son père était à cheval là-dessus. ''Noël, une fête familiale'', tout ça... Au final, elle avait hâte que ça passe. Le repas de famille et le déballage des cadeaux, sorte de cérémonie solennelle – sans parler du fait qu'il fallait les acheter avant – étaient une corvée dont elle se serait bien passée. En attendant le jour fatidique, elle passait le plus clair de son temps dehors, visitant ses amis londoniens ou juste flânant dans la rue. Mais autant elle avait une réaction enfantine d'émerveillement devant les premières neiges, autant elle se lassait très vite de glisser sans arrêt ou de patauger dans la boue gelée qu'elle formait après que les passant l'aient allègrement piétinée – la neige, pas Shane. Elle n'avait rien de spécial à faire aujourd'hui, et personne de disponible pour se distraire, ainsi avait-elle réduit ses activités à une simple marche dans les rues les plus calmes de la capitale. Peut-être avait-elle surestimé sa résistance au froid...
Haussant les épaules, Shane poussa la porte et entra. Une bouffée d'air chaud la salua et elle sentit toutes ses extrémités revenir à la vie. Dénouant son écharpe aux couleurs de Gryffondor, elle alla commander puis s'installa dans un coin tranquille, à côté d'une plante verte en pot qui avait mauvaise mine. Le café n'était pas très fréquenté, visiblement. Il y avait, en plus du serveur et elle, quatre autres personnes. A l'autre bout de la salle, un jeune couple énamouré s'envoyaient des regards malicieux et se parlaient à voix basse. Assit au bar, un vieil homme chauve lisait le journal. Et finalement, pas très loin d'elle, un jeune homme était assis seul à une table et...
Son sang ne fit qu'un tour alors qu'elle sentait ses joues s'empourprer violemment. Discrètement, Shane détourna les yeux pour contempler avec intensité sa tasse. Comment ne pas le reconnaître !? Il commençait à être célèbre, et elle avait même entendu dans les couloirs de Poudlard que certaines filles allaient peut-être monter un fan club. Pas qu'elle allait le rejoindre, bien sûr, elle n'était pas de ce genre. Elle aimait bien sa musique, voilà tout ! Shane lança un nouveau petit regard au chanteur puis étouffa un soupir. Disons qu'il n'était pas laid non plus. Au fond, elle pensait très honnêtement que son physique agréable lui rendait bien service, voire plus que ses talents musicaux... Mais c'était son côté cynique qui s'exprimait, il ne fallait pas faire attention.
Un instant, elle hésita, sirotant son chocolat pour se calmer. Bien sûr, sa réaction n'était que surprise de le croiser ici ! Il semblait seul... Il attendait probablement quelqu'un... Quelqu'un comme lui devait probablement avoir un certain nombre d'admiratrices collantes à gérer. Peut-être qu'elle devrait saisir sa chance de lui voler au autographe avant que ce soit trop tard... Shane hésita encore un instant, puis se leva soudainement, veillant à arborer une expression neutre. Elle n'avait jamais trop aimé la condition de groupie et elle ne voulait pas faire partie de ce groupe, surtout lorsqu'elle avait conscience que la célébrité leur montait à la tête et faisait de chaque bienheureux une peste prétentieuse. Ainsi, elle se força au calme, voire à une sorte de distance, lorsqu'elle s'approcha du jeune homme. Elle s'éclaircit la gorge, un peu mal à l'aise, et commença de la voix la plus neutre possible :
- Euh... Bonjour. Désolée de vous déranger. Je pourrais... avoir un autographe?
Bon, ça ne sonnait pas spécialement neutre, comme ça... Elle avait un peu l'impression d'être une gamine timide effarouchée et maladroite, ce qu'elle n'avait jamais été, même plus jeune. Ainsi, elle ajouta aussitôt, d'une traite, sans réfléchir :
- C'est pour une amie.
Et sur ce, elle... remarqua qu'elle n'avait rien où le faire signer. Elle perdit un peu contenance, s'insulta mentalement, puis chercha frénétiquement des yeux la moindre surface plane où il pourrait écrire. Rien en vue, pas même une stupide serviette en papier ! Elle n'allait pas le faire signer la manche de son chemisier, quand même...