Les couloirs étaient presque vides en cette belle journée ensoleillée, et Ceridwen se laissait guider par son hasardeux pas dansant, les yeux fixés sur les dalles du sol qu'elle comptait silencieusement depuis le rez-de-chaussée. Lian avait bien voulu l'entraîner dehors, mais l'entêtée adolescente avait refusé : elle n'aimait pas, lorsqu'il faisait chaud. Sans doute parce qu'elle était habituée au climat humide, pluvieux de sa campagne galloise. Sans doute parce qu'une telle chaleur de fin d'été tuait toutes ses chances d'avoir droit à une balade de santé sous la pluie, elle qu'elle aimait plus que tout le reste.
Tant pis. Il y avait tellement d'autres occupations possibles, à Poudlard ! Les longs corridors froids lui avaient manqués. Tout comme la majesté de ses hauts murs, les humeurs de ses tableaux, les frasques de ses fantômes.... Poudlard-la-Belle était par la force des choses devenue une maison de substitution, et même si la magie la rendait diabolique, la rouquine ne pouvait nier cette vérité là. Elle ne pouvait pas être purgée de la magie qui coulait dans ses veines, il lui fallait donc subir.
Parce qu'elle débattait avec elle-même de l'impressionnante quantité de pierre que les Fondateurs avaient dus trouver pour construire l'école -avaient-ils dû demander de l'aide à une montagne ?- ce qui devait arriver arriva : elle bouscula quelqu'un au passage. C'était ça, de regarder ses pieds plutôt que la route.
Comme si de rien n'était -s'était-elle seulement rendue compte du choc ?- Ceridwen contourna l'obstacle pour continuer à avancer jusqu'à ce qu'un mur se dresse devant elle. Alors elle leva les yeux, pour tomber sur une gargouille au teint grisâtre et au bec monstrueux, qui la fixait sévèrement.
| ▬ « Bonjour, madame gargouille. » s'exclame-t-elle d'une voix enjouée, comme si elle venait de retrouver une vieille amie. |
Quelques rires des rares passants qui n'étaient pas en train de se prélasser sous le soleil du dehors éclatent derrière elle. Cerdiwen ne les entend pas. Pas vraiment.
| ▬ « Toi aussi, tu es toute seule ? » Ce n'était pas une question rhétorique. Pourtant, pas de réponse. Déçue -il était normal d'être déçu qu'une statue figée là depuis merlin seul savait combien de temps ne lui répondait pas, n'est-ce pas ? - l'adolescente pousse un petit soupir. ▬ « C'est triste. Tu es seule avec ton mur, et personne ne te regarde jamais. Pas comme si tu pouvais voir et ressentir, en tout cas. » C'était vraiment injuste. Pauvre statue. Elle avait des ailes qu'elle ne pourrait jamais ouvrir. Elle avait des nuages qu'elle ne pourrait jamais côtoyer. Elle avait la solitude la plus extrême, mais personne ne la comprenait vraiment. Personne ne cherchait à le faire. ▬ « N'écoute pas quand ils disent que t'es moche. Moi je te trouve très belle, comme statue. La plus belle du couloir !! » |
Elle s'exclame à nouveau, et dans le couloir presque vide ses mots grotesques résonnent.
Car après tout, la gargouille étant seule ici, il ne pouvait rien y avoir de plus beau qu'elle. Le compliment en était-il vraiment un ? Pour Ceridwen, oui. Elle n'aimait pas mentir, même pour faire plaisir aux autres.
Comme pour rajouter un peu plus de non-sens à la scène, la petite gryffondor tapota affectueusement le bras déformé de sa silencieuse interlocutrice.
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"Things we lost in the fire"