[23 Janvier 1943] Le hasard fait bien les choses [Pv Aodhan D. Asling]

Ignorée. Il l’avait encore ignorée ! Comme si la fois d’avant et toutes celles d’encore avant n’avaient pas suffit ! Personne n’ignorait une Levy par Merlin ! Et surtout pas sans en subir les conséquences. Cette fois il allait payer, elle lui faire regretter d’avoir seulement osé faire comme si elle n’existait pas ! Elle n’était tout de même pas transparente ! Et puis quand Elizabeth avait la générosité de vous accorder son attention, on avait le bon goût d’accourir en rampant ! Surtout quand elle en arrivait à devoir sortir de foutus sourires charmeurs ! Non mais sincèrement, il savait ce que ça lui coutait à Elizabeth à chaque fois de lui sortir un superbe sourire étincelant à la place d’un qui faisait froid dans le dos ? Elle avait presque dû se résoudre à prendre des cours auprès de Poufsouffle pour comprendre comment ils faisaient pour avoir ce mode bisounours en permanence. Heureusement elle avait découvert une nouvelle utilisation de son miroir et s’était simplement entrainée à sourire d’un air plus ou moins constipé face à son reflet. Une vraie partie de plaisir. Et ce sale petit con prétentieux le snobait toujours autant. Rien n’aurait pu la faire plus enrager que cela. Ce foutu sentiment d’être insipide, invisible, inodore, incolore –  en gros inexistante – la mettait dans un état de rage sans précédent. Son caractère avait même commencé à en pâtir et elle en devenait encore plus insupportable qu’auparavant, elle avait même commencé à envoyer paitre certains profs ce qu’elle n’aurait jamais permis d’arriver en temps normal. Tout ça pour dire qu’elle allait finir par lui exploser la figure à ce foutu surveillant ! Elle allait le ridiculiser, le réduire à néant, le briser et après il lui mangerait dans la main ! Au pied qu’il serait celui-là ! Mais avant tout il fallait qu’elle lui parle. Qu’elle fasse l’effort de paraître polie et charmante. Et après seulement – si son numéro d’adorable gamine ne suffisait pas – elle s’autoriserait à lui lancer un maléfice bien sentit quoi que l’idée de l’étrangler à mains nues commençait à lui faire sérieusement de l’effet. Elle en rêvait toutes les nuits ces derniers temps, elle voyait sa stupide tête de presque rouquin et puis son stupide cou et finalement ses mains à elle qui serraient, serraient et la tête qui devenait rouge. Elle n’avait jamais autant aimé le rouge que dans ce rêve-là !

Elle enferma un élève qui se trouvait sur son chemin dans un placard et traumatisa une première année en métamorphosant une pierre en énorme araignée pendant cinq secondes. Mais même ça ne parvenait pas à la faire décolérer. Elle avait pourtant tout essayé ces derniers temps ! Entre les croche-pieds classiques dans les escaliers, les élèves traumatisés par leur pseudo rôle de sacrifice au calamar géant, les maléfices et les combats à mains nues, plus rien n’arrivait à la relaxer. Pas même une joute avec Sally-je-t’emmerde-avec-le-sourire-Chapman, elle n’y trouvait plus la même saveur qu’avant, plus le même délice, elle n’avait même plus la même hargne ou haine. Et ça décidemment ça ne pouvait pas durer. Elle en devenait même exécrable avec ses rares amis. Enfin plus qu’à l’accoutumée. Franchement ça devenait ingérable, à cette allure-là elle allait finir par se faire renvoyer de l’équipe de Quidditch parce qu’elle finirait par faire avaler son balai à leur capitaine.  Et tout ça pour quoi ? Pour les beaux yeux d’un crétin qui aimait trop le rouge pour son propre bien. Beaux yeux qu’il ne daignait même pas poser sur Elizabeth. Trop c’était trop ! C’est pour ça qu’elle fonçait actuellement dans les couloirs de l’école, à la recherche de l’objet de sa colère.

Elle déboula au détour d’un couloir et s’arrêta net en entendant ledit objet de derrière une porte, ses envies d’étranglement la reprenant brusquement à la gorge. Peut-être qu’elle pouvait le tuer avant et parler ensuite ? Ou du moins le malmener un peu… ça aurait le mérite de la détendre au moins. Elle pouvait sortir les crocs directement et cracher son venin d’un coup avant de le planter là, le tout alors qu’il ne s’y attendait pas. Elle payerait cher pour voir sa réaction à ce foutu Aodhan-je-t’ignore-et-je-suis-trop-beau-gosse-Asling quand il serait défiguré et méconnaissable. Elle pourrait aussi le pousser dans les escaliers et ricaner dans son dos lorsqu’il aurait mangé suffisamment de marches au gout de la préfète. Elle pouvait imaginer le bruit sourd du corps qui tombe et celui beaucoup plus mélodieux des os qui – elle s’en assurerait – craquerait sous le poids. Un vrai bonheur, ça serait délicieux que de le voir aller à l’infirmerie. Pour le coup il serait bien obligé à reconnaître son existence et ne pourrait pas la nier plus longtemps. Oui, tout cela semblait bien beau mais un peu trop risqué pour sa petite personne, inutile de se faire coller pour avoir sauvagement attaqué un vulgaire surveillant. Aussi elle lissa sa jupe histoire de se détendre, passa une main dans ses cheveux avant d’ouvrir la porte d’un coup sec, un sourire triomphant placardé sur le visage.

- Tiens, tiens, toi ici ! Le hasard fait bien les choses…

Hasard… la bonne blague, dire qu’elle avait fouillé le château de fond en comble pour le trouver ! Et puis a bien regarder elle se trouvait peut-être dans ses appartements… pour le hasard elle repasserait.

A poil. Ou presque. Oh Merlin, ce type était presque nu devant elle. Elizabeth n’avait jamais autant béni les douches qu’en cet instant précis alors que son cerveau disjonctait complètement. Qui avait eu l’idée de créer la douche sincèrement ? Parce que sérieusement, le concept serviette et gouttes partout, ça faisait un sacré combo. Pour peu elle aurait laissé sa fierté sur le côté avant de lui sauter dessus pour lui rouler la pelle du siècle. Là non plus il ne pourrait plus nier son existence, elle ferait en sorte d’être inoubliable. Elle en aurait presqu’oublié ses précédentes envies de meurtre. Un beau garçon à moitié ça faisait quand même beaucoup de différence quand on voulait lui sauter dessus pour l’étrangler. D’ailleurs elle ne l’avait pas prévu ce coup-là… et puis qu’est-ce qu’il pouvait bien faire à demi-nu exposé à la vue de tous, hein ? On ne lui avait jamais apprit à verrouiller ses portes correctement afin d’éviter que certaines détraquées ne viennent lui pourrir l’existence ?

Toute perdue dans ses pensées, elle mit un temps à réagir avant que la question de son interlocuteur ne parvienne à son cerveau. Ce qu’elle faisait ici ? Eh bien ce que tout le monde faisait ici tiens ! A savoir… euh… ah oui, casser la figure de ce petit con prétentieux après avoir tenté les pourparlers ! Ce n’était pas si compliqué à comprendre, si ? Ce que ce type pouvait être bouché tout de même, qu’aurait donc bien pu faire Elizabeth ici mis à part lui lancer son existence à la figure comme une balle de baseball ? Non parce que décidemment il fallait qu’il reconnaisse son existence. Sinon elle allait péter un câble pour de bon. Déjà qu’elle avait des tendances un brin psychopathes à la base alors si en plus on commençait à nier sa personne, ça n’allait plus. Il était donc impératif qu’elle se fasse connaître pour de bon.

Elle s’apprêtait à ouvrir la bouche pour répondre quand elle fronça brusquement les sourcils, énervée au plus haut point. Il l’ignorait. Une fois de plus cette enflure l’ignorait complètement. Comme si Elizabeth ne valait pas la peine qu’on lui accorde l’attention qu’elle désirait. Alors évidemment la jeune préfète vit rouge et commença sérieusement à s’impatienter. Non seulement il pensait pouvoir l’ignorer comme ça à longueur de journées mais en plus il lui tournait le dos ! Il fallait lui reconnaître un côté téméraire voir suicidaire. Personne ne tournait jamais le dos à un Levy et ce n’était certainement pas un vulgaire surveillant qui allait commencer et déroger à la règle.

La préfète avança donc d’un pas décidé avant de poser ses mains sur les épaules d’Aodhan et de le retourner pour que celui-ci lui fasse face, un air sérieusement mauvais sur le visage. Elle occulta le fait que la peau du surveillant était en contact direct avec sa paume et que tout cela ne lui déplaisait pas du tout. Elle oublia donc ce léger détail et fusilla le brun du regard, un sourire mauvais déformant son visage. Cette fois c’était la goutte d’eau en trop, celle qui faisait déborder le tout et ce petit con ne faisait vraiment rien pour arranger son cas.

- En effet, je ne me serais guère permise de vous déranger sinon, surtout que vous sembliez grandement occupé.

Ses yeux se plissèrent davantage, la rancœur et l’ironie suintant dans chacun de ses mots et elle se demanda si elle ne pouvait pas passer aux maléfices avant d’essayer de parler, l’idée la tenaillant de plus en plus à présent. A la place elle se contenta de lancer un regard dédaigneux en direction de la penderie et d’appuyer son index sur l’épaule du foutu surveillant.

- Je venais simplement me rappeler à votre bon souvenir et vous faire remarquer au passage que j’ai absolument horreur d’être ignorée – ce que vous avez sans doute déjà remarqué – et encore plus de me faire insulter de la sorte !

En effet, elle ne s’était jamais sentie aussi insultée qu’en cet instant, même Chapman n’arrivait pas à la mettre autant en colère en la traitant de Poufousouffle et ce n’était pas peu dire !

- Aussi ouvrez bien oreilles et repartons sur de nouvelles bases. Je suis Elizabeth Levy, préfète et poursuiveuse de Serpentard ainsi qu'héritière de la maison Levy. Maintenant que vous êtes au courant de tout cela, tâchez de ne plus l’oublier, il serait fâcheux de vous voir mourir à cause d’une mauvaise chute dans les escaliers, n’est-ce pas ?

Une fois ceci dit, le jeune fille se recula et le toisa de son mètre septante-six, les bras croisés en attente d’un signe quelconque montrant que oui, il était désormais bien au courant et que non, il n’allait plus l’ignorer.