[1943 - Septembre] Collision frontale

Qu'il y avait de couloirs dans cette école, et d'escaliers! Les escaliers, c'était vraiment les pires parce qu'ils pouvaient soudain changer de direction au gré de leurs envies. Avant d'arriver à Poudlard, Fae n'avait jamais entendu parler d'escaliers qui avaient des envies (quoique sa mère avait déjà possédé une théière qui s'était mise à mordre les doigts de tout le monde quand on avait voulu la remplir de thé français), mais force lui était de constater désormais que les escaliers pouvaient vouloir se rendre dans un endroit qui n'était pas celui où vous désiriez aller en mettant le pied sur la première marche.

Fae se montrait désormais prudente, ce qui ne l'avait pas empêchée de se perdre déjà 10 fois à sa seule première journée d'école. Évidemment, il avait fallu que ce benêt de Fark se retrouve à Gryffondor et qu'ils n'aient aucun cours commun ce premier jour. Heureusement, il y avait sa nouvelle meilleure amie (une qui ne vous lâchait pas au premier pet de travers d'un soi-disant chapeau magique), Gwen, qui l'accompagnait. Du moins l'avait-elle accompagnée jusqu'en haut de l'escalier qui devait les mener à la salle de classe d'histoire de la magie. Or, plutôt pressée d'arriver, Fae s'était élancée dans l'escalier sans s'assurer que Gwen la suivait, et l'escalier s'était mis à bouger... Dès lors, c'en était fait, Gwen lui serait perdue à jamais. Du moins jusqu'à ce que Fae retrouve son chemin jusqu'à la salle de classe de M. Lawford.

Si elle ne se trompait pas, l'escalier l'avait menée au mauvais étage, car Charlie le Préfet lui avait dit qu'il suffisait de suivre le long tapis vert, or ici point de tapis. Elle continuait néanmoins d'avancer, car il ne servait à rien de pleurnicher sur son sort. Elle finirait bien par trouver. Courageusement, elle poursuivit son exploration de l'étage, cherchant une indication, un escalier, ou qui sait, un élève à l'air aimable. Mais quand elle finit enfin par croiser quelqu'un, celui-ci passa en trombe à ses côtés sans même s'arrêter quand la jeune fille l'interpella.

Déterminée et sans cesser de regarder partout autour, Fae remonta la bretelle de son cartable, qui menaçait de glisser. Ce faisant, elle compromit néanmoins le fragile équilibre de la pile de livres qui reposait sur ses bras... et l'encrier qu'elle avait très stupidement posé sur le sommet. L'encrier effectua un lent glissement puis entama sa chute vers le sol. Fae tenta le tout pour le tout en lâchant ses livres pour mieux rattraper l'encrier en perdition. Ses doigts se refermèrent presque sur la bouteille de verre, mais, inexplicablement, celle-ci rebondit plutôt sur la main pour aller tracer dans l'air un admirable arc de cercle. La force centrifuge poussa le bouchon de l'encrier vers l'extérieur et, bientôt, l'encre violet alla s'éparpiller dans l'air... jusqu'à ce que l'encrier s'écrasât sur une élève qui, inconsciente du danger, tournait le coin du couloir à cet instant précis.

"Oups", fit la Poufsouffle en esquissant un sourire grimaçant, les yeux plissés et les pommettes bien haute.

Il y avait de l'encre partout sur le sol et sur la Serpentard.

Le grattement des plumes sur le parchemin était insoutenable. Le professeur de runes à l’avant s’attelait à expliquer les différentes significations du vieux Futhark et les élèves ne voulaient pas perdre une miette d’informations. Assise à côté d’Alan, Zoey regardait par la fenêtre et tentait d’oublier les bruits ambiants afin de contrôler son mal de tête. Depuis son accident, la jeune fille était sujette à des migraines et seules les potions de Miss Lecter réussissaient à les calmer. Dès la fin du cours, elle s’éclipsa rapidement signalant à son ami qu’elle le rejoindrait plus tard. À peine sortie dans le corridor, la sorcière déboucha une des fioles du sérum magique et l’avala d’un coup. Déjà, elle sentit le point sur sa tempe disparaître et elle sentit ses idées plus claires.

Étrangement, le retour à Poudlard se déroulait mieux que prévu. Seules quelques personnes savaient pour son amnésie. Les professeurs se montraient pour la plupart indulgents et patients. La Serpentard avait même obtenue une dérogation de devoirs avec le professeur Slughorn. D’un autre côté, il semblait que l’ancienne elle était assez solitaire et froide pour qu’on ne remarque pas trop la différence entre la Zoey normale et la coquille vide de souvenir qu’elle était devenue. Au final, ça l’arrangeait. Elle n’avait qu’à faire semblant d’être hautaine avec tout le monde et c’était parfait. Malgré tout, elle fuyait les gens comme s’ils étaient porteurs de la peste. Sa mésaventure de cet été avait paru dans les journaux et certains élèves la regardaient avec pitié. Quelle horrible histoire elle avait vécue. C’était complètement saoulant. Surtout lorsqu’on ne se souvenait pas du visage de ses bienfaiteurs.

Ainsi, la brunette marchait dans les couloirs afin de trouver un coin tranquille. Pour ce faire, elle devait traverser la foule d’élèves et chaque contact lui était désagréable. Soudain, elle sentit qu’on la bousculait. Un sentiment d’urgence l’envahit et sa respiration s’accéléra. Elle allongea le pas afin d’atteindre l’escalier et le descendit rapidement. L’adolescente arriva dans un couloir moins bondé et se permit de ralentir un peu. Peut-être qu’elle ferait mieux d’aller à l’infirmerie pour prendre un peu de repos. L’infirmière comprendrait certainement et la laisserait faire une sieste.

Ce qui arriva par la suite aurait pu être tiré d'un de ses films de moldus. Zoey ne vit pas le danger venir et ressentit un choc sur sa tête et un liquide couler le long de sa joue. Par un réflexe stupide, elle laissa tomba ses livres et ses parchemins au sol afin d'attraper l'objet qui l'attaquait. Elle vit l'encrier ouvert et ses mains tachées du liquide violet. D'un lent mouvement et se toucha le visage et su d'avance qu'elle avait aussi de l'encre à cet endroit. Elle ferma les yeux et prit une grande respiration, jusqu'à ce qu'elle entende un léger «oups». Elle vit une Poufsouffle, première ou deuxième année, plantée devant elle, qui semblait trouver la situation amusante.

Il n'y avait aucune sympathie dans le regard de la Serpentard. Elle se forçait à garder son calme et se pencha pour ramasser ses affaires au sol. Ses mains tachèrent son livre de runes et ses parchemins. Pire, elle vit avec horreur du violet sur ses dessins.

-Qu'est ce qui tu faisais à te promener avec ton encrier ouvert? On t'a rien appris dans la vie? On t'a jamais dit qu'il faut ranger ses choses dans ton sac? 15 points en moins pour Poufsouffle.

Sur la poitrine de la jeune fille étincelait un P vert épinglé à sa robe.

(Je te renouvelle mes excuses pour l'oubli!)

Qu’est-ce qu’elle y pouvait, Fae, si l’encre avait décidé de dessiner des dessins aussi drôles sur le visage de la préfète de Serpentard? C’est l’encrier qui avait glissé tout seul avant de voler dans les airs et de perdre son bouchon…

D’accord, c’était un peu sa faute. D’accord, elle aurait dû placer l’encrier ailleurs ou tenter de solidifier sa position sur la pile de livres en collant son chewing-gum dessous par exemple. D’accord tout ça, mais le fait d’être à présent couvert de gouttelettes d’encre violet justifiait-il un tel regard de glace? Fae en doutait grandement. D’abord parce que les gouttelettes formaient finalement une jolie constellation et ensuite parce qu’en tant que grande, la sorcière furieuse et hautaine avait probablement plus d’un sortilège dans son sac pour nettoyer le dégât. Ça ne justifiait en tout cas certainement pas de retirer 15 points à Poufsouffle. Et Fae comptait bien le faire savoir!

« Tu peux pas faire ça parce que je viens juste d’arriver et que j’ai même pas un seul point, alors tu peux pas m’enlever des points que j’ai pas. Et puis j’ai pas fait exprès de te tacher, c’est mon encrier qui est tombé et j’ai essayé de le rattraper alors on peut même dire que j’ai fait comme j’ai pu pour empêcher qu’il te tombe dessus même si en fait je t’avais pas vue. »

C’était clair, non? Du point de vue de la jeune MacKenzie, qui ne comprenait pas encore bien le système de points, cela relevait de la plus parfaite logique. En jeune sorcière bien éduquée, elle se pencha tout de même pour ramasser l’encrier à présent vide mais en parfait état. C’était fait solide, papa s’en était assuré en choisissant la meilleure qualité dans son bazar. Elle le rangea avec un soupir dans sa poche de robe et rassembla quelques parchemins et livres éparpillés, qu’elle coinça comme elle put sous son bras gauche.

« Et puis en plus, 15 points c’est trop. C’est un accident alors c’est sûr que ça va pas chercher plus que 5 points, parce qu’en plus il était fermé, c’est juste que le bouchon est parti tout seul quand je l’ai presque attrapé. C’est Gwen qui a mon sac parce qu’il était trop lourd. Et j’ai perdu Gwen quand l’escalier a changé de direction. Tiens, je te prête mon mouchoir si tu veux, pour t’essuyer. » C’était proposé d’un grand élan du cœur puisqu’il s’agissait du seul mouchoir survivant de tous ceux qu’elle avait emportés, ou plutôt que sa mère avait mis dans ses bagages. Elle avait égaré tous les autres dans le château, comme un mauvais Petit Poucet. Il faudrait attendre la prochaine livraison postale pour en récupérer des nouveaux.

« C’est joli ton badge. Mon frère en avait un pareil. » Elle se mordilla ensuite les lèvres, sentant qu’elle parlait beaucoup trop et faisait une Echlin d’elle-même. C’était sans doute la présence impressionnante de la préfète de Serpentard qui la rendait si bavarde. À part les élèves de Serpentard croisés dans les couloirs et ceux de son année à qui elle avait pu parler dans le train-mais-ça-ne-comptait-pas-parce qu’ils-n’en-étaient-pas-encore-officiellement, c’était la première fois qu’elle parlait avec un membre de cette maison à la réputation si sulfureuse.