[1943 - Début décembre] Souffrance partagée est diminuée de moitié (Zach)

Mon ancienne vie me manquait. Celle de la post-Purge. Celle où chaque jour apportait son lot d’adrénaline. Celle où Arthur et moi étions comme des frères. Celle où je n’avais pas à remplir cette maudite montagne de parchemins. J’y avais passé la journée, mais j’avais l’impression que j’en faisais des semaines. Whitmore choisissait tous les cas les plus emmerdants qui soient. Nous multiplions les saisis et les interrogatoires et ça impliquait une tonne de paperasse à remplir. La folie me guettait comme une sale garce. Je n’étais pas fait pour le bureau. Tout ce va-et-vient constant, ces discussions inintéressantes autour d’un bureau, ce manque d’action.

Découragé, je déposai un dossier sur la pile fait et en pris un nouveau sur la pile à faire. Je devais les avoir fini d’ici vendredi parce que nos supérieurs se réunissaient avec Madame pète-sec aka la cheffe du département. Un jour, faudra que quelqu’un lui enlève le balai qu’elle avait entre les fesses. Et je ne me porterais jamais volontaire pour le faire. Même les détraqueurs devaient en avoir peur. J’en mettrais ma baguette au feu. Quand elle entre dans le bureau, plus personnes n’osent parler jusqu’à ce qu’elle disparaisse dans un bureau. On se tapait tout ce travail pour cette harpie.

« Sérieux, on croirait que j’ai signé un contrat de secrétaire avec tout ce qu’ils me font faire. »

Tch. Qui ose me déranger ? Je relevai les yeux pour voir Wright assis devant mon bureau avec sa propre pile de dossiers sur les genoux. S’il ne m’avait pas offert de la nourriture, je ne lui aurais pas porté plus attention que ça. Comme on disait, on achète un homme par son vendre. Ou par le sexe, mais c’était une autre histoire. Je m’étirai pour prendre le sandwich.

« T’arrives à point nommé. Je commençais à avoir faim. Merci. »

Ce n’était pas bon, mais ça avait la faculté d’être mangeable. D’un coup de baguette je réchauffai le thé froid dans la bouilloire posé devant moi et m’en versai un verre. J’y versai deux bons doigts de gin. C’était bon pour la gorge disait-on.

« Sers-toi » Je poussai la théière et la flasque dans sa direction. «Hum. Wright, c’est ça ? »

En vrai, je ne savais pas grand-chose de l’auror. Whitmore m’en avait parlé par le passer. Nous l’avions croisé dans l’ascenseur. Une brève rencontre qui dura trois secondes puisque nous étions pressés. J’avais simplement une facilité avec les noms et les visages. Le pourquoi je me souvenais de lui.

Bon, ce Quincey était sympa, mais un peu envahissant. Je lui serrai la main en espérant mettre ainsi fin à cette petite conversation. Ma reconnaissance pour le sandwich n’allait pas au point d’entretenir une discussion avec mon nouveau collègue. Je veux dire… j’avais autre chose à faire de moi soirée. J’entendis alors la voix de mon cousin qui me répétait que je devais m’ouvrir aux autres. Qu’avoir des amis, c’était plus sympa que ce que j’imaginais. Que mon cercle d’amis ne devait pas se résumé à Arthur. Surtout qu’il était en prison.

Finalement, je lançai le dossier sur le bureau. Je prouverais à Wolfe que j’étais capable de tisser des amitiés avec les autres. J’attrapai ma tasse avant de me caler dans mon siège. S’il voulait parler, je lui parlerais.

« C’est Whitmore qui me refile toutes la paperasse. Il veut pas que je sorte depuis vendredi dernier. Ma dernière sortie dans l’allée des Embrumes fut légèrement mouvementé. Disons que je me suis énervé et que j’ai utilisé des méthodes non conventionnelles » j’accentuai les mots en mimant des guillemets. « Ça n’a pas plu à Whitmore et il m’a collé au bureau. »

J’en souriais encore. Le regard de Barjow quand il m’avait vu entré dans sa boutique n’avait pas de prix. Je déposai mes pieds sur mon bureau et regardai mon camarade.

« Je peux pas croire qu’il y a toujours des parchemins à remplir. Pour tout te dire, j’ai l’impression que je deviens fou. Tu travailles sur quoi de ton côté ? T’es toujours partie après moi cette semaine. »

D’un regard circulaire je m’assurai qu’il n’y avait personne d’autre que nous dans les bureaux. Pas ce que je m’apprêtais à dire était un secret, mais certaines oreilles sensibles, voir ici Whitmore, pourrait ne pas apprécier.

« Ouais, bah cette harpie qui nous serre de cheffe a sûrement jamais participé à une mission. Elle reste bien au chaud dans son bureau alors qu’on se démerde à rester en vie. Après, elle nous demande de remplir des rapports à la con. Elle nous fait littéralement travailler comme des elfes de maison. Ça me dégoute d’être dirigé par une gratte-papier mal baisée. »

Il y avait un fort soupçon de rancœur dans ma voix. J’avais accumulé un mois de haine contre cette femme et ça sortait au début de ma conversation avec Wright. Pas de bol pour lui s’il appréciait notre cheffe de département. Je ne me gênerais pas pour lui dire le fond de ma pensée. Toujours bien enfoncé dans ma chaise, je regardai mon collègue prendre un nouveau dossier.

« Livingston… c’est celui qui fait de la calvitie et à moitié sourd ? J’en prends note, mais tant que Whitmore est derrière moi, je peux pas être plus libre niveau méthode. Il repasse derrière chacun de mes rapports pour voir si je fais bien le boulot. »

Je me plaignais beaucoup, mais ça faisait du bien. Pour une fois que je le faisais avec une autre personne que Wolfe.

« T’en a pas marre parfois ? » Je me penchai vers l’avant pour prendre nonchalamment l’un des dossiers de Wright et l’ouvrir. Mes doigts se crispèrent soudainement sur le papier. J’avais sous les yeux la photo d’Arthur.

Par les noix sanctifiées de Merlin. Arthur, mon meilleur ami, mon bro était présentement derrière les barreaux à attendre son heure. Je m’étais promis de le protéger, qu’il ne retournerait jamais à Azkaban, mais j’arrivais à rien. Whitmore me surveillait trop bien pour que je puisse m’intéresser de près au cas à Arthur. J’essayer de reprendre contenance, mais impossible, j’avais la nausée à voir sa photographie.

« Je vais être franc avec toi. Je préférais qu’il soit n’importe où sauf derrière des barreaux. Ce mec… » Bordel, c’était quoi ce sentiment de femme que je ressentais. Je laissai tomber le dossier devant moi. « Ce mec m’a sauvé la vie plus d’une fois. Il mérite pas d’être en prison. »

J’en connaissais un qui le méritait infiniment fois plus qu’Arthur. C’était nulle autre que cette bouse de dragon lécheur de baguette et méprisable qui avait ruiné toutes nos chances de fuite. Sans lui, nous n’en serions pas là. Je glissai un clope entre mes lèvres et lançai mon paquet à Wright.

« Tu peux croire ce que tu veux, mais Weiss c’est le mec qui a pas lancé un maléfice durant la purge. »

La cigarette entre les lèvres, je fixai Wright alors qu’il me répondait. Ce mec n’était pas con ou dénuer de bon sens. Il devait être un des rares à qui je pourrais éventuellement faire confiance. Puis, je ne pouvais qu’être d’accord avec lui : Azkaban c’était un Enfer. Pourtant, contrairement à lui, je pensais fermement que certains méritaient d’y être enfermés. Mais pas Arthur.

« La prison, il peut y survivre, mais il pourra pas survivre une deuxième fois à Azkaban. Surtout que là, présentement, il doit vivre son propre enfer. » Je tirai sur ma clope espérant faire passer le nœud qui se formait dans ma gorge. Que dalle. « Je vais jouer franc jeu avec toi. Faut que tu comprennes une chose. Tu le sais, j’ai été une taupe durant des années. À la base, j’utilisais Weiss pour me rapprocher de ma cible, mais peu à peu, j’ai réalisé qu’il était un ami… au final, je le considérais comme un frère. Et moi, comme une merde, je l’ai trahi. Après tout ce qu’on a vécu, après toutes les merdes qui lui arrivaient déjà, moi je l’ai poignardé dans le dos. »  Je descendis mes pieds pour me pencher vers l’avant. De mes doigts, je tapai le dossier d’Arhur. « J’lui avais promis qu’il y retournerait pas, mais ça fait un mois qu’il se casse le cul à savoir s’il y retourne ou non. »

Finalement, je me replaçai dans ma position initiale, pieds croisés posés sur le bureau. J’espérais sincèrement que Wright me comprenne sur ce coup là.

« Et j’t’avoue que je ferai tout ce que je peux pour lui sauver les fesses comme il a sauvé les miennes et celles de ton copain MacKenzie. »

Qu’on nous entende et j’étais grillé. L’espace d’un instant, je regrettai même d’en avoir dit autant à mon collègue tandis qu’il gardait le silence un peu trop longtemps à mon goût. Wright résuma assez bien la situation et je m’attendis à une réaction à mon cousin. Un conseil quelconque de laisser tomber, que j’avais fait mon boulot d’auror et que celui-ci comprenait de coffrer les mages noirs, etc. Bref, des conseils dont il pouvait se les mettre dans le cul. Étonnamment, mais aussi à ma plus grande satisfaction, il n’en fit rien. Je n’eus donc pas à lui demander gentiment d’aller se faire foutre par un troll.

« MacKenzie ? C’est assez confus, mais je suis certain que c’est lui qui l’a sauvé. » Je fermai les yeux essayant de revoir la scène. La Purge, les sortilèges qui fusaient de partout, Arthur, MacKenzie, l’autre sous-merde. Je me massai la nuque tentant de trier les informations. « Le mage noir contre qui on se battait à lancer un sort sur MacKenzie. De plus en plus, son corps se solidifiait sans que je sache quoi faire. Puis Weiss lança le contre sort. Ce con, alors que sa vie est en danger, continue à jouer les chevaliers et aider les autres. Mais c’est grâce à lui que le rouquin vit toujours. »

Je me souvins alors du regard que nous nous échangeâmes à cet instant là. Putain… si je n’avais pas cherché à rattraper la tête de gland, je n’aurais pas ouvert cette brèche dans le mur. MacKenzie ne se serait pas métamorphosé en belette et Arthur aurait eu le champ libre pour fuir.

« J’pense bien que t’apprécie MacKenzie. C’est ton pote et tout. Mais tu en dois une à Weiss parce que c’est grâce à lui que tu peux encore aller prendre une bière avec ton ami. »

Le regard de Wright me rassura en rien. La sympathie que j’avais pu y lire quelques instants plus tôt s’était volatilisée comme un paquet de gâteaux au milieu d’une fête d’enfants. J’avais peut-être sous-estimé le lien qui existait entre eux et dans ma grande délicatesse je venais de lui révéler que son ami était passé à deux doigts de mourir. Malgré le niveau de tension qui grimpait à chaque instant, je restai bien caller dans ma chaise tout en essayant de soutenant le regard de son comparse.

« Si je savais, j’t’assure que t’aurais déjà plus à te soucier de lui » lui dis-je pas plus fortement que lui. « Mais il est pas en taule parce qu’il a réussi à filer. C’est tellement un bâtard. Il a sacrifié Weiss pour sauver son cul. »

C’était qu’une raison pourquoi je préférais le voir six pieds sous terre. Savoir qu’il souhaitait ma mort en était une autre. Par sa faute, et un peu la mienne, je vivais avec une saloperie de cible dans le dos. Si je ne m’en foutais pas autant, j’en deviendrais certainement paranoïaque. Finalement, je sortis ma flasque pour y boire directement et la tendre à Wright.

« Et malheureusement, j’ai beau réfléchir, j’ai aucune idée c’est qui. Sauf la fois où je l’ai frappé, j’ai jamais réussi à être assez proche pour vraiment l’identifier. Taille normal, fin et élancé… pompeux. Certainement un bourge par sa façon de parler. Pompeux c’est certain. »