[16 Décembre 1943] Premier baiser, c'est un accident, deuxième baiser, les gens commencent à parlé. - with Nevender Oak

A la grande surprise de certains de ses camarades, Nevender Oak affichait un large sourire lorsqu'il atteignit le hall d'entrée. Un sourire d'autant plus surprenant que le préfet de Serdaigle venait de boitiller sur quatre étages, endurant les bousculades des élèves affamés et les caprices des escaliers paresseux. Depuis deux semaines, on s'était pourtant habitué à l'esquiver comme la peste: affligé d'un rhume foudroyant, Nevender avait fait preuve d'une mauvaise humeur telle qu'il en avait été réduit à assurer ses fonctions de préfet (en punissant et retirant des points à tous les élèves qui avaient le malheur de lui déplaire) pour calmer ses nerfs.
Mais aujourd'hui, Nevender Oak souriait. Aujourd'hui, Nevender Oak était guéri! Emmitouflé dans son écharpe bleu-et-bronze, il avait les joues roses de ces gens au teint pâle que l'on confronte tout à coup au vent d'hivers, mais il n'avait plus l'air fatigué et ses yeux bleus brillaient devant les décorations de noël. Aidan Lynch lui avait reproché, une fois, de ne pas savoir s'émerveiller, alors le préfet se faisait un devoir de le démentir en s'extasiant devant le moindre flocon de neige magique qu'il croisait dans les couloirs. Ayant forcé le trait toute la matinée, il avait fini par y croire. A présent, il s'émerveillait vraiment; de retour en enfance. C'était une belle journée pour le préfet ronchon.


« Nev’. Comment ça va ? T’as pas subit les farces de noël ce matin dans les douches, toi ? »

Genim Morgenstern. Après avoir cohabité dans la plus stricte cordialité durant cinq ans, les deux serdaigles avaient fini par se rapprocher un brin depuis le début de l'année. Suite -notamment- à une mésaventure en forêt qui s'était d'ailleurs conclue par un étrange incident... Confus pendant quelques semaines, Nevender était finalement arrivé à mettre de l'ordre dans ses pensés et ne retirait de cette étrange soirée qu'un vague sentiment de... complicité. Ses manières s'en étaient grandement améliorées au contact de Genim, vers lequel il s'avança sans hésitation, satisfait de pouvoir compter sur sa compagnie au moment du repas.

« Non; c'est l'avantage d'avoir une salle de bain spéciale préfet: y'a que des gens ennuyeux là-bas. Aucun risque d'y subir une blague. »

Les élèves s'agglutinaient à l'entrée du Hall, mais les deux garçons demeurèrent à l'écart, trop ravis d'échapper à la bousculade.

« J'ai aussi échappé à la bataille de boule de neige entre Jiang et Penney dans les couloirs du cinquième étage. Ils ont laissé l'endroit trempé, gelé et plein d'élèves pourvus de nez en forme de carottes... Je me demande s'ils ont pu les leur retirer, à l'infirmerie... » Ses yeux s'accrochèrent à la porte de la Grande Salle,
« Peut-être qu'on va nous les servir à midi? » Un sourire railleur accompagna cette réplique. « Ca doit être les fêtes... Tout le monde enchaîne les frasques les plus stupides en ce moment. J'ai même vu le Moine Gras jouer à chat avec des premières années... Tout le monde perd la tête! » Il souriait largement tout en parlant; tout simplement ravi d'autant de bizarreries et d'imprévus pour venir égayer son quotidien.

Un léger mouvement de foule vers les escaliers attira son regard, mais il ne vit pas ce que les élèves cherchaient à esquiver. Une boule de neige enchantée sans doute? Il s'enfonça un peu plus dans son écharpe pour en apprécier la chaleur tout en surveillant l'entrée de la Grande Salle, sans se douter une seule seconde qu'un danger bien plus grand qu'une "boule de neige enchantée" s'approchait d'eux. Un danger qui s'appelait Peeves.

« Ca doit être quelque chose à voir je suppose. Mais j'aimerais autant qu'ils nous servent pas les victimes de Penney en repas ! Quoi que faut voir, si c'est des gryffondor ou des Serpentard, ça vaut le coup d'en réduire le nombre. Mais je garanti pas le gout. »

Nevender éclata d'un rire joyeux à cette remarque, bien qu'il ne l'approuve qu'à moitié -son affection pour la Maison du Serpent restant indéfectible-. C'était agréable de plaisanter avec Genim à nouveau. Une certaine tension avait rythmé leurs échanges depuis l'incident de la forêt et Nevender détestait les complications que cela avait engendré. Retrouver un équilibre avec Genim, c'était mettre fin à des semaines de malaise dans les dortoirs. Le soulagement était tel qu'il en prenait l'air béat sous son écharpe.

« Tiens qu'est-ce qui se passe las bas? Penney est déjà arrivé jusqu'ici ? »

Genim aussi avait remarqué l'agitation dans les escaliers. Nevender haussa les épaules pour toute réponse, mais voyant que son camarade ne lâchait pas la foule des yeux, le préfet se tourna à demi pour s'intéresser lui aussi à l'événement.

« Si elle s'avise de venir par ici, je retire quinze points à Gryf... » Un mouvement au dessus de lui attira le regard de Nevender. Il eut tout juste le temps de distinguer une branche de gui qui le survolait à toute vitesse et puis...
« fon...dor... »

Il avait chaud, tout à coup, comme s'il se retrouvait à nouveau dans la salle de bain des préfets, enveloppé dans les vapeurs des bains. Cherchant à suivre des yeux le mouvement de la branche, il se tourna à nouveau, visage levé vers le plafond, une expression absente sur le visage... Il faillit perdre l'équilibre, mais sa canne le maintint en place. Lorsqu'il s'immobilisa enfin, il avait tout oublié de la branche de gui et de l'agitation alentour. Le regard brumeux, il avait cessé de penser de manière raisonnée. Sa conscience se limitait à l'étrange chaleur qui s'était insinuée sous sa cape, à l'engourdissement de ses doigts, au bruit sourd et confus des élèves autour de lui... Une cravate bleue et bronze accrocha son regard et il reprit conscience de Genim près de lui. Comme un flash, il revit un instant la forêt interdite autour d'eux, et sentit ses lèvres le brûler.
L'instant suivant, il franchissait l'espace le séparant encore de Genim, et sans la moindre hésitation, l'embrassa.

... Pourquoi n'avait-il pas fait ça plus tôt?!
Il ne se rappelait pas avoir jamais voulu embrasser Genim, mais maintenant qu'il en prenait la peine, il lui semblait mesurer l'ampleur de sa bêtise. Il aurait dû faire ça tous les jours depuis septembre! Tous les jours depuis... toujours! Il avait saisit de sa main gauche le plis de la cape de Genim, affin de conserver son équilibre, et lorsqu'il comprit que son camarade de dortoir ne s'éloignait pas, Nevender se colla un peu plus à lui.
Pourquoi n'avait-il jamais voulu faire ça? Son esprit gourd chercha à lui donner quelques éléments de réponse: les élèves autour d'eux? l'ambiance dans les dortoirs? ce n'était que Genim...? Nevender repoussa ces idées les unes après les autres. Il embrassait Genim, et les dizaines d'yeux hagards tournés vers eux le laissaient de marbre, tout comme les complications que cela amènerait à leur cohabitation. Tout comme le fait qu'il n'éprouve pas ce genre de sentiments pour Genim.
Pourquoi aurait-il fallu qu'il éprouve quoi que ce soit, d'ailleurs?
... Le sortilège était si bien ficelé qu'il n'envisagea pas une seule seconde que ses émotions puissent avoir été déformées. Tout allait de sois, comme au plus profond d'un songe, et il ne réaliserait qu'à son réveil l'énormité de la situation.