[Vacances de décembre - Résidence secondaire des Lambertson] Fêtes en famille

Alastrina sa mère, l'avait accueilli un bref séjour en Irlande. Ils avaient échangés quelques mots malgré le mal à l'aise qu'il avait avec elle ces dernières années. Bien qu'approchant de la cinquantaine, cette femme restait d'une agréable beauté et représentait avec orgueil les caractéristiques de la lignée Black. Ses longs cheveux noirs étaient tressés en une longue natte, sa peau était blanche comme le soleil brillant sur la neige poudreuse et fraîche, ses paupières lourdes et ses yeux bruns portaient un regard bienveillant sur fils. Elle était restée au siècle dernier. Vêtue d'une panoplie edouardienne avec un certain orgueil, la noble dame avait fait de son mieux pour se rapprocher de Salem et de lui accorder tout son soutien. Le nom de Rubens fut évoqué plus d'une fois par ailleurs, mais le jeune homme ne lui avait appris que ce qu'elle savait déjà et elle n'insista pas.

Salem n'était pas encore en Angleterre à ce moment-ci. Il était parti peu après le rassemblement qui avait eu lieu à Poudlard et dont la tournure lui avait été désastreuse. Incapable de voyager rapidement, il en fut réduit à prendre le train pour aller en Irlande. Pour le retour, il était hors de question qu'il refasse le même cheminement.

- Père m'a convié à faire part de ses vacances.

Le jeune blond réajusta ses lunettes. Sa mère attendait que l'elfe de maison lui apporte son thé et était très attentif au moindre bruit. Ils étaient au bout milieu de l'après-midi et pourtant la nuit s'installait déjà sur le domaine. Elle soutenu son regard et posa une petite boîte noire en onyx devant lui.

- Tu le sais que trop bien Salem... Elle fit une pause tout en scrutant les yeux de son fils. Je t'en prie, remet lui ceci en gage de mon affection.

L'auror n'était pas sans savoir qu'Alastrina portait encore des sentiments envers son père. Peu s'en doutait également que c'était encore d'actualité. Il glissa le présent dans sa poche et se leva pour saisir la main de cette dernière. Elle hocha la tête avec douceur et confia sa tasse encore fumante au serviteur qui se faisait discret auprès d'elle. Il devait s'en aller pour rejoindre sa belle famille. L'elfe demanda si il devait accompagner le jeune maître jusqu'à la porte, mais la femme lui ordonna de réchauffer le thé. Elle accompagna son fils jusqu'au seuil de la porte, tout en le tenant fermement par le bras droit. Ils s'échangèrent quelques mots et le sorcier s'éclipsa dans un bruit sourd. Il ne resta alors qu'un amas noir qui se dissipa aussitôt qu'elle eut le temps d'afficher un bref sourire sur son pâle visage.

Salem transplana jusqu'à la maison où il était invité en sa qualité de fils. Il lui fallut une bonne heure pour rejoindre cette dernière et la nuit défilait si vite devant lui qu'il ne resta plus un seul rayon du jour lorsqu'il fut transporté à une dizaine de mètres de la destination finale. Le voyage s'était passé sans incident et le jeune homme resta un instant dehors pour être présentable. Quincy, l'elfe de maison des Lambertson apparut devant lui et de sa petite voix fluette lui demanda si il avait des affaires à prendre. Salem resta un instant interdit, le temps qu'il fallut pour se reprendre du harassant voyage. Il n'avait pris qu'avec lui une sacoche magique et ne préféra pas la confier à ce dernier. Il eut un regard interrogateur envers l'elfe de maison qui semblait préoccupé.

- Quincy se demandait si vos blessures étaient guéries.

Il se remémora cette fameuse sortie à Chaudron Baveur et se rappela de s'être fait renversé par une voiture. C'était d'ailleurs à ce moment-ci qu'il rencontra pour la première fois en huit ans, un amour de jeunesse assez désagréable qu'il avait une fois encore revu à Poudlard. Salem chassa ses pensées et prit le temps de choisir ses mots vers la petite créatures dont les yeux étaient fixés sur lui.

- Tout va bien... Merci d'avoir gardé le secret au sujet... Il vaut mieux que personne n'en sache rien. Mon demi-frère va se montrer encore plus agaçant qu'il ne l'est déjà. Salem reprit son souffle. J'ai besoin de me changer. Je suppose que père est déjà arrivé ?

L'elfe de maison hocha vigoureusement la tête et s'inclina en attendant que le sorcier ouvre la marche. La demeure s'étalait le long de son champ de vision. Perdue dans la lande anglaise et protégée grâce à des sortilèges visant à éloigner les moldus, le manoir des Lambertson faisait honneur au prestige et à la fortune familiale. Des lumières sortaient de part et d'autre des fenêtres et illuminaient brièvement le jardin soigneusement entretenu. Rien n'avait changé depuis son enfance.

- Le jeune maître a besoin de parler au maître. Quincy va vous conduire à lui.

Salem sortit sa baguette et s'approcha d'une lanterne. Toutes les lanternes du jardins se parèrent d'une lueur bleuâtre, révélant ainsi sa présence à ceux qui étaient déjà installés. Il parcourut le jardin avec Quincy sur ses talons. Ce dernier l'informa sur les moindres détails de la journée avec un certain enthousiasme. Le jeune sorcier l'interrompit lorsqu'il aperçut son père au premier étage avec sa femme. Il baissa les yeux, mais l'elfe maintenait déjà la grande porte de l'entrée principale pour qu'il puisse entrer et tous deux se glissèrent à l'intérieur.

Il confia son manteau et se dirigea vers le salon au rez-de-chaussé. Il se servit dans le buffet un peu de liqueur d'alcool moldu, du rhum pour être plus précis et resta debout à attendre. Rubens Lambertson fit son apparition peu après. Salem apparaissait comme une copie plus jeune que ce dernier. Il avait écourté la conversation avec son épouse pour le rejoindre et claqua la porte derrière lui. Un elfe de maison se précipita pour lui servir un verre et s'en suit une conversation assez bruyante sur ce qui s'était passé récemment.

- Comment une telle chose a pu échapper à Poudlard ?! Cela ne doit pas rester impuni. J'ai envoyé une beuglante à Dippet... Il me faut le nom des coupables ! Si cela traîne, je t'enverrai à tant que représentant du ministère. Bien entendu, Koch t'accompagnera. Il est charge de l'éducation tout comme...

Salem regarda son père prendre place dans un fauteuil winchester en cuir noir. Le nom lui avait échappé. La rage rendait ses traits plus durs qu'il ne l'étaient déjà. Le jeune sorcier but le reste qui était au fond de son verre et fit le plein avant de s’asseoir en face de lui. Lorsqu'il évoqua de possibles noms, Salem le regarda sans ciller et répondit de façon la plus cordiale.

- Cette farce était puérile, j'en suis conscient. Cependant, trouver le coupable ne sera pas chose aisée... Pas sans veritaserum. Je doute que cela reste raisonnable pour une telle affaire.

Il soutenu son regard un instant.

- Et si Caïn...

Il ne valait mieux pas qu'il s'agisse de lui. Salem ne savait qu'en penser. Cette oeuvre pouvait être celle de n'importe qui. Pour l'heure, le ministre était assez remonté et ne semblait se contenir en sa présence. Il fallut qu'un elfe de maison aille remplir les verres pour faire passer le morceau qui coince.

- Votre fils est assez turbulent, cependant, je doute que votre femme apprécierait qu'on aille lui extirper une telle vérité... Sauf si elle est persuadée de son innocence. Dans un autre cas, il y a certaines questions qui se posent. Il serait préférable de l'interroger sans le brusquer.

Rubens se leva. Il allait bientôt être l'heure de dîner, mais il restait un peu encore de temps devant eux pour s'affairer à autre chose.

- Laissez moi lui parler, pour être sûr qu'il n'a pas pris part à cet affront. Vous avez confiance en moi après tout.

Son père lui avait bien confié sa sécurité, alors une telle proposition, malgré la colère, ne pouvait qu'être acceptée. Salem avait espéré passer quelques jours au calme pour se reposer avant de reprendre le travail.

Fort heureusement ce dernier ne gardait plus aucune trace de cet "attentat". Il demeurait assez en forme malgré le voyage qui lui fut assez long pour un sorcier, même de sa trempe. Il était habillé de noir ce jour-là, pas une touche de couleur, seulement ce noir profond et sinistre qui n'était pas s'en rappeler les Black et sa mère dans toute sa splendeur...

L'après-midi était vite passé. Libre de ses mouvements jusqu'au dîner, Caïn avait lézardé quelques temps dans sa chambre, retrouvant ses vieilles affaires, puis il était sorti faire un tour dans le parc. Il aimait beaucoup la vieille demeure, et surtout son domaine, plus même que leur maison londonienne. Le jeune homme avait refait connaissance avec le jardin, avec ses nombreuses cachettes dans le petit bois puis il était parti en exploration dans la lande. Il ne faisait pas si froid quand le vent faiblissait et qu'on restait au soleil mais la nuit tomba bien vite et les étoiles scintillaient déjà lorsque le serpentard se décida enfin à rejoindre le manoir.

Descendant de l'amas rocheux sur lequel il s'était installé pour surveiller la campagne désolée alentours, Caïn glissa au bas de tertre, franchit un ruisseau et marcha une bonne quinzaine de minutes entre bruyères et orties avant d'apercevoir, au détour d'une colline, la silhouette familière de celle qu'il avait toujours appelé "la grande maison". Son regard accrocha les lanternes qui baignaient le jardin dans une étrange lumière bleutée et le garçon sourit : son cher demi-frère était dans la place, les choses promettaient de devenir intéressantes. Caïn pressa le pas et apercevant une ombre de haute stature qui pénétrait dans la demeure, il se mit à courir plus franchement. Une minute plus tard, le cadet des Lambertson s'arrêta, essoufflé, devant une porte secondaire du manoir et pénétra à l'intérieur sur la pointe des pieds. Il ne tenait pas à se faire surprendre tout de suite.

Le serpentard, défit son écharpe en silence et rejoint un corridor qui donnait sur le grand hall. Il aperçut sa mère disparaître au coin d'un couloir au premier étage alors que la porte du grand salon, presque en face de lui, se refermait, étouffant les voix de son père et son frère. Comme si une simple porte pouvait l'arrêter : Caïn connaissait la maison comme sa poche, et notamment ses recoins les mieux placés. Hâtant le pas, le jeune homme bifurqua pour rejoindre un autre couloir, puis une coursive plus étroite. Sa famille ne l'empruntait guère, même les elfes préféraient passer de l'autre côté, n'empêche qu'il y avait ici une porte à laquelle personne ne pensait jamais et qui donnait directement sur le salon. Une de ces petites portes qui se rendait si facilement invisible, complétement intégré dans le décor d'une pièce. Une de ces petites portes pas bien épaisse qui permettait à un garçon curieux de suivre la conversation des adultes quand le cœur lui en disait. Bref, une de ces petites portes qu'on adorait quand on enchaînait les conneries et qu'on avait besoin de se tenir au courant.

Sans prendre la peine de retirer son manteau ou ses mitaines, le garçon s'accroupit, collant son oreille à l'endroit où, il le savait, on percevait le mieux les sons de l'autre côté, et il suivit avec beaucoup d'attention la conversation. Évidemment, la fureur de son père ne pouvait que le réjouir. S'il avait su... Toutefois, sa joie fut de courte durée et le visage du garçon se fit plus dur ce qui, heureusement il l'ignorait, le faisait d'autant plus ressembler aux deux hommes dans le salon. Du veritaserum hein ? Lui vivant, jamais. S'il devait avouer un forfait, ce serait la tête haute et de sa propre volonté. Mais il ne pouvait pas sans impliquer Sally et il en était hors de question. Une petite grimace méprisante traversa le visage du garçon en entendant Salem proposer de lui tirer les vers du nez. Et bien, il l'attendait au tournant celui-là... Caïn resta à son poste jusqu'à l'extrême fin de la conversation mais quand il devint évident que les deux hommes étaient en mouvement, il fila sans demander son reste, remontant à l'étage quatre à quatre pour ne pas se faire surprendre. Rejoignant sa chambre en vitesse, il commença par reprendre son souffle pour ne pas attirer les suspicions, puis prit son temps pour retirer manteau, écharpe et gants. Salem pouvait bien tenter son coup maintenant, il était prêt.

Ils se levèrent tous deux. La conversation semblait s'être arrêté pour l'heure, mais l'auror savait qu'ils avaient encore beaucoup à partager. Il abandonna son verre vide sur la table basse du salon et s'empara de ses affaires personnelles. Premièrement, le jeune homme partit saluer sa belle-mère qui se trouvait à l'étage. Ils échangèrent quelques banalités et cela ne dura pas bien longtemps. Il en profita pour demander où était Caïn. Celle-ci fit des propositions en vrac. Finalement Salem s'excusa et s'en alla dans sa chambre se changer. Tout était en ordre. La dernière fois qu'il avait mis les pieds, ce fut il y a peu plus d'un an. Il n'avait jamais apprécié les voyages en famille et cette maison ne lui plaisait guerre depuis quelques temps, mais il ne restera pas longtemps. Il jeta ses habits sur le lit de brocart et se changea pour quelque chose de moins solennelle. Il prit la précaution de sortir la petite boîte que lui avait remis sa mère cette après-midi et la posa sur la table. Cette dernière avait titillé sa curiosité, pourtant ce n'était qu'un objet banal. Il ne sentait aucun maléfice, ni autre magie protectrice. Un simple cadeau qui pouvait dire beaucoup, mais dont le sens lui échappait parfois. Sa mère n'avait rien rajouté, il n'était que l'intermédiaire.

Il jeta un coup d'oeil au jardin à travers la grande fenêtre encadré par de lourds rideaux. Tout semblait rongé par l'obscurité. Salem sortit et claqua la porte derrière lui. Sa chambre était située un peu à l'écart du reste étrangement. Il longea le couloir et se retrouva face à celle de son demi-frère. L'auror eut un moment de réflexion et toqua à la porte. Cependant, il n'attendait aucune réponse et se contenta de lancer à travers cette dernière.

- J'ai à te parler, je serai sur le balcon. Lorsque tu seras prêt à entamer une conversation...

Salem se glissa machinalement dans la pièce dans face, un second salon qui communiquait avec un large balcon. Il veilla à ce que toutes les fenêtres soient fermées au passage et s'adossa à la solide rembarre avant d'allumer une cigarette. Il appela un elfe de maison et lui demande ce qu'il en était du couple. Rubens Lambertson était retourné dans son bureau qui était un peu plus loin, quand à la mère de Caïn elle n'avait pas bouger depuis les salutations.

- Il vaudrait mieux que personne nous dérange. Je sais combien ça l'agace cette histoire, mais Caïn se portera mieux si notre père n'est pas dans les parages.

La créature s’éclipsa dans le salon et attendit que le jeune serpentard fasse son entrée. Salem croisa les bras. Il espérait que ce dernier soit assez coopératif.

L'auror était là à contempler le jardin et ses lumières bleuâtres qui subsistaient dans la nuit épaisse. Il fumait de façon machinalement, une main dans la poche, adossé contre un pan de mur qui coupait deux grandes fenêtres. Il était un peu harassé sur le moment et espérait garder son calme en toutes circonstances. Les effets secondaires de son long voyage commençait à se faire ressentir. Qu'importe qu'il était excellent dans le transplanage, il s'avoua faible sur le moment.

Au moins, il s'était remis de son intoxication alimentaire. C'était déjà une bonne chose. Il était bien rare que le jeune homme tombe malade et lorsque c'était le cas, c'était une très rude période pour lui. Ce qui fut le cas, sa convalescence chez sa mère lui fit le plus grand bien. Il repensa à Angélica sur le moment... Puis son demi-frère finit par se pointer sur le balcon. Certes, il avait traîné, mais Salem ne fit aucun commentaire. Il se contenta de hocher la tête en guise de salutation et laissa un blanc s'installer entre-eux. L'auror se tourna vers l'elfe de maison qui attendait un peu plus loin.

- Veille à me prévenir si quelqu'un approche.  

Salem laissa donc la créature à sa fonction et scruta Caïn un instant malgré la pénombre. Il sortit sa baguette de sa main libre et fit un geste sec vers ce dernier pour que sa chemise rentre dans le pantalon, mais ne s'occupa pas du reste. Ce n'est pas comme si il était son père. Quelles manières avait-il décidément... Tout cela semblait être orchestré pour le provoquer. Caïn restait encore un adolescent après tout, dans sa période rebelle pour être plus précis. Il soupira longuement un peu agacé d'avoir pris les devants.

- Je pense que tu dois être au courant pour ce qui s'est passé à Poudlard, le lendemain des départs pour les vacances...

Il réajusta ses lunettes et regarda son demi-frère d'un air morose. Ce n'était pas aussi simple de parler en victime en fin de compte.

- Enfin quoi qu'il en est, j'ose espérer que tu n'as pas pris part à une blague aussi sordide.

Les précautions de l'auror semblait l'avoir surpris, mais Salem s'attendait déjà à la suite. C'est à une vitesse fulgurante qu'un petit sourire pleine d'arrogance se dessinait sur les lèvres de son interlocuteur. L'auror se contenta de le regarder avec froideur en retour. Ce gosse est irrécupérable. Afin de passer toute montée de colère, il enchaîna sur une deuxième cigarette sans se préoccuper de ce dernier. Ce gosse n'est pas idiot.

- J'ai cru en entendre parler oui... Comment vont tes pustules ?

Croire... Ce n'était pas qu'il croyait à ce moment-là. C'était qu'il le savait tout simplement et cette référence à des pustules... Salem n'en avait pas eu fort heureusement : de la fièvre et de l'urticaire. Une façon de le tourner en dérision.

- Les malagrifs tachetés n'ont rien de plaisant...

Ce fut tellement peu glorieux, mais l'auror avait déjà échappé à pire. Il ne préférait pas s'en rappeler. Ce n'était pas un métier facile. Il fallait toujours être aux aguets, surtout quand la mort pouvait tomber en un éclair. Salem regarda au dessus de la rembarre d'un air absent quelques minutes. Les échecs remontaient à la surface peu à peu comme une révélation.  

- Il faut toujours que tu exagères... Si quelqu'un est mort, oui c'est sordide, sinon... Je trouve ça assez marrant. Dommage que j'ai pas eu l'idée...

Si quelqu'un était mort. Poudlard aurait eu à dos le ministère pour un bien long moment. Hors il était vrai qu'il n'y avait que de simples victimes d'un coup monté, mais cela restait sordide à ses yeux et surtout à ceux de leur père. Quelle dérision pour une établissement qui faisait la fierté de la Grande-Bretagne dans le monde des sorciers...

- Je vois...

Cette blague était donc au gout de son jeune frère. Intéressant. Salem espérait sincèrement qu'il n'avait pas pris part et il avait bien l'intention de fouiller un peu plus de son côté pour tout mettre au clair. Pour l'heure, il n'avait pas répondu à ses provocations, mais n'allait pas tarder à répliquer.

- Enfin, tu te doutes bien que si c'était moi, je ne te le dirais pas.

Rien que ce début commençait fortement à l'agacer. Il avait besoin d'un responsable. Qu'importe que Caïn est un membre de la famille. S'il il le fallait  Salem le sacrifiera pour la bonne cause et pour le remettre à sa place. Il y a des choses avec lesquelles il ne rigolait pas. L'auror se tourna enfin vers lui, baguette toujours en main. Il gardait cependant le bras baissé et éloigna la cigarette de son visage d'un geste lascif.

- Si c'est ainsi que tu cherches à te dérober à la réalité, tu fais erreur. Se comporter ainsi ne fera qu'enfoncer le clou... Je n'ai pas forcément besoin de te croire après tout.

Les interrogatoires. Un point essentiel lorsqu'on prétendait être auror. Salem savait faire cracher le morceau lorsqu'il le fallait. Cependant, il s'agissait de son demi-frère qu'il avait à côté de lui et la manière la plus pacifiste devait suffire à le satisfaire. Du moins celle dont il devait accepter pour l'heure. L'utilisation du veritaserum serait un peu exagérée. Il s'agissait d'une bien mauvaise farce qui terrassa les trois-quart des invités ce soir-là et n'était sûrement pas l'oeuvre d'un mage noir.

L'auror écrasa sa cigarette sur le rembarre d'un geste sec et passa à une autre. Sa mère détestait le fait qu'il fumait depuis quelques années. Depuis qu'il avait commencé sa formation pour être plus précis. Quant à son père, lorsqu'ils s'entretenaient ensemble s'était bien souvent l'alcool et la cigarette qui rythmaient leur conversation et maintenant une certaine cohésion. Il détourna ses yeux du jardin endormi vers son demi-frère pour scruter son comportement. En train de se défiler... Cette expression... Il était difficile de le connaître bien. Les deux enfants issus de Rubens Lambertson étaient plutôt distants par leur âge et occupation, mais Salem savait à quoi se tenir. Plutôt bon acteur...

- Crois ce que tu veux Salem, ça m'est égal... Tu es bien placé pour savoir que j'assume très bien mes bonnes idées...

Ce n'était pas la première fois qu'il faisait une connerie après tout. Un tel hommage... Cela lui ressemblait bien après tout. Bien entendu que Salem connaissait les méfaits officiels de son frère. Leur père avait lourdement insisté dessus lorsqu'il rendait visite à la petite famille durant les vacances. Au ministère, pas un seul mot au sujet de ce dernier était évoqué.

- Serait-ce un aveu ? Je doute que tu as agis seul. Après tout, tes amis doivent te ressembler pour pouvoir te supporter. Je sais comment tu te comportes à Poudlard. Slughorn a fait récemment le point avec moi à ton sujet... La vie te semble être un jeu...

Il ne s'était pas encore attaqué à sa cigarette. Il avait enchaîné les mots avec vivacité et ne laissa aucun soupir échappa entre chaque point. L'auror se passa la main dans les cheveux pour les remettre en place. Le vent avait tendance à le gêner et place cette dernière devant sa bouche pour allumer le feu avec un briquet avant de la retirer d'un geste lent.

- Tu es encore jeune après tout, mais dans combien de temps vas-tu prendre conscience de la réalité ?

Il restait calme face à l’hypocrisie de son demi-frère. Ses sourires ne l'agaçaient pas vraiment pour l'heure. C'était dans sa nature après tout. Depuis le début de la conversation, Salem était resté calme et se contentait de regarder d'un air passif ce qui lui faisait face.

- Tu m'en files une ?

Ce fut une brève surprise, mais comme le disait Caïn il assumait ses actes. Salem lui tendit le paquet ainsi que le briquet. Celui-là pouvait paraître drôle sur le moment. Il le fit machinalement. Ce n'était pas sans rappeler un certain collègue qui lui tenait à coeur avec son amour du tabac, mais ce n'était pas le cas à ce moment. Il en profita pour se tourner vers l'elfe de maison tendit que son demi-frère choisissait de se servir ou non.

- Quincy apporte moi un verre... Qu'importe... Prend ce qu'il a dans la pièce sur la commode.

Salem se sentait agacé. Tout ce qui s'était passé à Poudlard il y a peu l'avait un peu remué et le voilà maintenant à enquêter dessus. Une affaire de gosses qu'il devait régler au plus vite pour satisfaire son père. Ce n'était pas tout...

- J'ai revu quelqu'un dernièrement...

Pourquoi avait-il cela ? Caïn ne lui apportera rien sur ce point. Vraiment rien. Il se tourna vers un moment songeur, puis voyant que l'elfe de maison arrivait pour lui servir du whisky pur-feu il détourna le regard vers ce dernier afin de saisir son verre. L'auror en profita pour glisser sa baguette. Ce n'est pas comme-ci il avait réellement besoin à ce moment-là et prit une gorgée. Toujours appuyé contre le mur face au jardin, son attention se retourna vers son demi-frère qui avait évoqué sa carrière d'auror. Salem fut légèrement surpris du fait qu'il le savait, mais dissimula tous sentiments sur son visage. Il restait là l'air maussade à choisir soigneusement sa réplique.

C'était il y a neuf ans pour être exact. L'étudiant qu'il était n'avait pas d'idée précise de son futur. Il se voyait certes au ministère, mais pour y faire quoi, c'était une bonne question. Sa mère n'avait jamais eu d'autres enfant à part lui. Son père s'était remarié il y a quelques années et avait obtenu un second fils avec une autre femme. Pour cet homme, Rubens Lambertson s'il avait bien quelqu'un pour reprendre l'héritage, c'était lui. Cependant, Salem était parti sans un mot retrouver Alastrina Black. Les deux années passaient avec elle avait été un tournant dans son existence. La magie noire...

- C'est plus compliqué que ça en à l'air. Tu ne peux pas comprendre. J'ai fais ce choix il y a longtemps et je ne regrette rien jusqu'à maintenant...

Il ne préféra pas évoquer leur père. Cette décision n'avait été que la sienne après tout. Il but le reste de liquide ambré et posa le verre sur la rembarre. Caïn avait évité la première partie de ses questions. Cette subtile esquive n'était pas passée inaperçu. Cela ne suffisait pas à l'égarer.

- Les moldus sont en guerre. Le monde de sorciers fait face à une crise. Le ministère britannique ne tient pas en place... Certes, il y a beaucoup d'ignorants, mais ceci est réel. Nous sommes de la famille du ministre. S'il arrive quelque chose à lui, alors cela arrivera à nous...

Salem prit une longue inspiration et regarda Caïn tenter de lui faire face avec sa cigarette. Toute cette mise en scène était risible. Quelque chose lui disait qu'il n'était qu'un fumeur très occasionnel. Il eut un rire et ne s'en cacha pas. Certes, cela ne dura pas longtemps et il laissa ses yeux bleus divaguer sur le jardin. Son demi-frère restait en enfant dans sa tête même s'il était désormais majeur. Peut-être qu'un jour il prendra conscience de tout cela. L'auror n'avait pas oublié le sujet de sa convocation. Lui laisser un répit pour mieux le surprendre ? C'était à essayer.

Ces derniers mots avaient attisé la curiosité de son interlocuteur, mais que pouvait-il rajouter vraiment ? C'était une bête erreur. Il valait mieux que personne le sache. Personne. Ce n'était pas de l'amour après tout. Il avait oublié ça depuis si longtemps que c'était comme-ci revoir un fantôme après tout ce temps.

- Non, rien. Ce n'est rien d'important... Je ne vois pas en quoi tu m'aider. Tu n'arrives même pas être sérieux un moment.  

Il soupira longuement. C'était vrai, non ? Bien que l'auror n'était pas de nature particulièrement curieuse, il fallait bien qu'il s'intéresse un minimum à un membre de sa famille. Bien qu'ils ne partageaient pas la même mère et qu'ils se voyaient parfois, Salem voulait tout de même connaître ce qu'avait en tête Caïn. Trouver sa voie n'était une pas une chose aisée. Salem aussi était passé par-là et n'avait pas à le cacher, contrairement à leur père.

- Tu entames ta septième année... Qu'as-tu prévu pour la suite ?

Caïn eut un rictus ironique et feint un début de courbette :

"Pardon, ô votre seigneurie. Comment ai-je pu croire que moi, un pauvre pouilleux, je pourrai comprendre un être supérieur tel que vous !"

Reprenant sa posture bravache, il porta la cigarette à ses lèvres et tourna légèrement la tête pour souffler la fumée par dessus son épaule. Salem appréciait son whisky pur feu et Caïn faillit demander qu'on lui en serve un aussi mais il ne voulait pas non plus tomber dans la caricature de la provocation en cumulant cigarette et alcool devant son cher frère. L'auror évoquait la guerre, les camps bien naturels qui se formaient en cette époque troublée et le serpentard répondit après un instant de silence :

"Tu sais, je crois que je préférerais me battre aux côtés des moldus que me ranger dans le camps de Père."

La réplique avait été spontanée et ses accents de sincérité le surprirent lui-même. Est-ce que vraiment, il aurait aimé se battre pour une cause qui ne le concernait pas ? Il avait parfois du mal à faire la part des choses entre sa répulsion quasi naturelle pour son père qui le menait à systématiquement prendre le contre-pied et ses réelles envies ou convictions. Caïn vs Rubens Lambertson. C'était un combat où il partait vaincu d'avance et où il se perdait lui-même, mais ça ne l'empêchait de s'y engager de toute sa rage.

Le jeune homme eut un nouveau ricanement. Son frère se défilait encore :

"C'est vrai qu'en me parlant deux fois par an, tu es la meilleure personne capable de juger si je sais être sérieux ou pas. Au moins, ce n'est pas moi qui fuis à chaque fois !"

En son fort intérieur, Caïn était persuadé qu'il considérait Salem comme un frère bien plus que ce dernier ne le considérait lui. Après tout, c'était surement plus facile pour celui qui venait après, Salem avait toujours fait parti de son existence, bien que lointain. C'est pourquoi il fut surpris par la question de son frère et pour le coup, resta vraiment sans voix une seconde. Bien sûr son père lui avait déjà posé la question, mais c'était toujours d'un ton excédé ou désespéré. Personne ne s'était jamais inquiété de son avenir sur ce ton sérieux mais sans énervement superflu, et il ne savait pas trop quoi répondre.

"Je ne sais pas, répondit-il finalement en toute franchise. Un sourire moqueur gagna ses lèvres, mais cette fois, il se l'adressait à lui-même. Ce n'est pas comme si je m'étais ouvert beaucoup de portes jusque là... alors je sais pas. J'improviserai."

Contrairement à ce qu'on aurait pu croire, oui, Caïn était assez lucide sur sa condition.

"Tu avais déjà choisi d'être auror quand tu étais en 7ème année ?"[/b]

Salem grimaça. Que son demi-frère pouvait être agaçant malgré leurs rencontres peu fréquentes. Pour lui, c'était en vivant des expériences qu'on pouvait comprendre certaines choses. S'il est encore un étudiant à Poudlard, tôt ou tard il devra y faire face et réfléchir à la tournure des événements. L'auror ne préféra pas rajouter autre chose à son sujet. Il valait mieux qu'il comprenne de lui-même où il voulait en venir. C'est ainsi qu'il faut faire avec de fortes tête comme Caïn.

Tu ne connais pas assez le monde des moldus pour être persuadé d'une telle chose. Dans une guerre pareille, la magie n'a pas sa place. Tu devras réapprendre à vivre sans ta baguette pour affronter la mort. Ne dis pas des choses pareilles...

Les rires de ce dernier ne l'ébranla pas plus que ça. Le sorcier savait que trop bien que le jeune homme enchaînait provocation sur provocation, c'est difficile de savoir de qui il tenait ça. Pas de son père en tout cas. Salem se  souvenait de son enfance. Son géniteur lui apparaissait comme un homme téméraire, mais aimable qui chérissait sa famille. Le temps façonne les gens. Tout comme lui, il avait changé. Reste à savoir quand cela arriva pour Caïn et de quel côté il allait être tiré.

Parfois, il y a des choses qu'ils vaillent mieux garder pour ça. Peut-être qu'un jour je t'en ferai part.

L'auror eut tout de même un sourire amusé.

Improviser ? J'espère que tu trouveras ce que tu veux faire en temps voulu.

Le ton était sérieux, je pourrai même dire encourageant. Caïn restait bien son frère malgré leur différente mère et il le soutiendra dans ses choix. Pas tous, mais si celui-ci lui semble raisonnable, Salem fera de son possible pour montrer qu'il est de ce côté. Il est vrai qu'il est difficile d'échapper à la vigilance paternelle, mais c'était faisable de tracer sa propre voie.  

Je voulais travailler au ministère. Dès que je suis rentré à Poudlard, j'étais persuadé que c'était dans ce sens que je devais aller, mais je ne suis pas devenu auror de suite. J'ai eu le temps d'y réfléchir avant de me lancer dans cette carrière. J'avais tout pour réussir... Fais de ton possible. Il vaut mieux que tu disposes de plusieurs portes de sortie qu'aucune. Tu vas sans doute trouver quelque chose qui puisse te plaire ainsi...

Il vida le reste de son verre d'une traite. Quelque chose lui disait qu'ils n'allaient pas tarder à passer à table. Son regard s'était tourné vers l'intérieur, l'elfe de maison avait disparu.