[Début juin 1943] Une surveillance de trop [Mallory Wentworth]

[De retour! Vraiment désolée pour ce long délai!]

Enfin, elle avait enfin pu se libérer de Morgan Hooper, un élève de première année particulièrement envahissant et collant. Quand on les accueillait en tant que professeurs à Poudlard, on les prévenait contre les éléments perturbateurs, contre les élèves indisciplinés ou paresseux, contre les éventuels maladroits (envers lesquels Mallory avait évidemment un petit faible), mais on ne les prévenait pas contre les élèves trop motivés et déterminés à devenir le meilleur ami de leur professeur. Jusqu’à cette année, Mallory ignorait même l’existence de ce type de personnalité. Jusqu’en décembre, le jeune Hooper s’était contenté de lui poser une foule de questions et de la garder en classe quelques minutes après les cours pour ce faire, mais la situation avait vraiment empiré au retour des Fêtes. Au début, la jeune professeure avait répondu avec enthousiasme puis une grande patience aux nombreuses questions de l’élève, mais ces dernières semaines, il l’entretenait de mille et un sujets qui avaient de moins en moins rapport avec la botanique. Néanmoins, toujours souriante, car elle ne pouvait s’empêcher de prendre en pitié cet élève solitaire et rejeté de ses camarades, Mallory peinait de plus en plus à trouver des excuses pour l’interrompre et s’en débarrasser poliment.

Ces jours-ci, elle tentait de l’éviter, ce qui n’était évidemment pas possible quand elle donnait son cours et que l’élève était justement assis dans sa classe. Il la coinçait toujours à la fin de la leçon et la suivait ensuite jusqu’au bureau du personnel, sans cesser de jacasser et de lui demander son avis. Elle parvenait parfois à s’esquiver en chemin, mais elle n’avait pas eu cette chance ce jour-là. Si bien que le « tâcheron » (le fait même que Mallory se permettait de lui coller mentalement ce sobriquet en disait long sur son exaspération à cet instant) l’avait mise en retard pour sa rencontre avec le professeur Lawford, qui n’avait pas manqué de le lui signaler (il ne l'avait peut-être pas dit à haute voix, mais Mallory était certaine d'avoir vu un reproche briller au fond de son regard charmant).

La professeure de botanique n’avait même pas eu le temps de déguster son thé de fin d’avant-midi, et encore moins le temps de s’arrêter pour manger. Toute concentrée sur sa mauvaise humeur, inhabituelle chez elle, Mallory ne remarqua pas tout de suite la présence du chat sur la branche, tout juste de l’autre côté de la paroi de verre derrière laquelle elle se tenait.

La sorcière déplaça d’un geste brusque un pot de géranium dentu pour déposer, for bruyamment, la pile de livres qu’elle trimballait. D’aucuns l’auraient simplement fait léviter derrière eux, mais Mallory ne faisait pas assez confiance à sa maîtrise du sortilège de lévitation, encore moins quand elle bouillait de colère. Elle tira le tabouret vers elle et s’y laissa tomber avec un soupir. Elle disposait d’à peine une cinquantaine de minutes avant son prochain cours, pas suffisamment pour finir de corriger le dernier travail de rédaction des 3e année. Elle jeta un œil fatigué sur les bacs de plantes à préparer en vue de l’examen des 7e année; c’est à ce moment qu’elle aperçut la fourrure familière du chat sauvage qui paraissait l’espionner depuis près de cinq semaines, si ce n’était davantage. Bien sûr, l’idée qu’un animal puisse la surveiller paraissait absurde, Mallory elle-même avait ri à cette pensée lorsqu’elle l’avait eu quelques jours plus tôt, mais aujourd’hui, elle était à bout de patience et vraiment pas d’humeur.

Le tabouret tangua dangereusement quand la femme se releva soudainement pour se diriger vers la porte de la serre. À l’extérieur, elle tourna le coin à grandes enjambées et revint tout droit vers l’arbre au chat perché, baguette pointée sur les moustaches sournoises de l’animal. « Toi. Tu n’as pas bu le lait que j’ai laissé dans la coupelle la semaine dernière, tu n’as rien mangé des petites gâteries, tu ne chasses pas, tu ne dors pas, et tu fais peur à Dessert (ainsi se nommait le félin résidant des serres de Poudlard). Qu’est-ce que tu veux à la fin? »

Au premier miaou, la colère de Mallory dégonfla comme une baudruche. L’émotion, qui n’était pas naturelle chez elle, se replia en une petite boule au fond de son estomac et y resta tandis que la professeure s’accroupissait sous sa jupe, sans toutefois faire le moindre mouvement pour approcher l’animal. Le chat paraissait sauvage et Mallory ne souhaitait pas l’effrayer, quoiqu’au vu de son attitude désinvolte en descendant de son perchoir dans l’arbre, il ne semblait pas du genre à s’effrayer facilement.

« Miaou n’est pas une réponse très éclairante, voyons. Et si tu me disais plutôt ce que je peux faire pour toi? » fit la jeune femme d’un ton bien assagi. Comme à la majorité des sorcières, il ne lui paraissait pas du tout farfelu de discuter avec un animal. Quand on fréquentait le monde magique depuis sa naissance, il n’y avait rien d’excentrique à s’adresser à un animal comme à un être humain, après tout, même les jarveys, qui ne brillaient pas par leur intelligence, étaient dotés du sens de la parole. Et puis, on ne pouvait jamais être complètement certain qu’un animal était bien ce qu’il semblait être, pas quand quelques sorciers très doués pouvaient apprendre à se transformer en animal… comme un chat, par exemple. Mais Mallory n’en était pas là dans sa réflexion. Y aurait-elle-même songé qu’il lui aurait paru tout à fait improbable qu’un sorcier s’intéresse suffisamment à sa personne ou à ses serres pour passer des heures perchés sur un arbre sous la forme d’un félin.

Tout de même, ce  chat voulait certainement quelque chose. Si ni la nourriture ni le lait ne l’intéressait et qu’il ne faisait pas mine de trouver refuge dans les serres, Mallory se demandait bien ce qui le poussait à jouer à chat perché. Elle tendit lentement une main en direction de l’animal, en une invitation informelle à identifier son odeur. Au fond de son esprit s’agitait son petit dictateur personnel qui lui rappelait inlassablement que le temps filait et qu’elle allait manquer de temps pour finir de se préparer avant son prochain cours, mais elle le réduisit temporairement au silence, tandis qu’elle se concentrait sur le chat devant elle. Il avait des yeux très perçants dans lesquels luisait ce que Mallory ne pouvait qualifier autrement que de lueur d’intelligence. Pour un peu, elle l’aurait même qualifiée de malicieuse.

« Entre personnes civilisées, on peut certainement trouver un terrain d’entente… » poursuivit-elle sur le ton de la conversation. Elle approcha encore un peu les doigts, s’étirant le bras pour ne pas avoir à déplacer son corps. La position n’avait rien de confortable ni de très gracieux, mais étonnamment, la jeune femme parvenait à rendre le tout aussi élégant qu’un portrait de nymphe croqué sur le vif.

La naïveté personnifiée s’était peut-être penchée sur le berceau de Mallory au moment de sa naissance, mais la professeure de botanique n’était pas non plus complètement stupide. Quand le chat sauvage se mit à tracer des lettres sur le sol, la jeune femme se redressa brusquement en scrutant les alentours du regard, sourcils froncés (ce qui, plutôt que d’enlaidir son visage, lui plissait élégamment le haut du nez). N’y trouvant vraisemblablement pas ce qu’elle cherchait, elle reporta son regard sur le félin, puis sur le nom tracé dans la terre avant de revenir sur les buissons. « Maintenant ça suffit, montrez-vous. Je n’apprécie pas du tout qu’on jette un sort à un pauvre animal sans défense! » Quelle autre explication possible pour un chat capable de comprendre le langage humain au point d’en maîtriser l’écriture? Il devait y avoir un petit malin caché quelque part et qui manipulait l’animal. En tant que représentante de l’autorité, elle ne pouvait laisser passer une telle chose.

Il n’y eut aucune réaction dans les environs.

C’est en soupirant par-dessous qu’elle sortit sa baguette de la poche intérieure de sa veste, résignée à lancer un sortilège, mais pas tout à fait convaincue de sa réussite. Enfin, le sortilège n’était pas le plus difficile du lot et, en l’absence d’un large public (à l’exception du plaisantin et du chat, personne ne traînait dans le coin à cette heure), Mallory pensait parvenir à se concentrer correctement, pour une fois. Toujours bien en évidence au sol, sous les pattes du chat qui la dévisageait d’un air sérieux, le nom de Royce eut sur elle un effet apaisant, comme son ami de toujours lui-même y parvenait par sa seule présence. Il rirait probablement de cette histoire quand elle la lui raconterait. Elle prévoyait justement l’appeler bientôt, cela faisait bientôt sept jours qu’ils ne s’étaient pas parlé. Un temps beaucoup trop long.

En levant le bras, la professeure fit légèrement descendre la manche de sa veste, dévoilant la blancheur de sa peau, picotée de discrètes taches de rousseur, et marquée d’une vilaine brûlure, infligée quatre ans plus tôt par une plante sauvage. Mallory s’éclaircit la gorge puis pointa la baguette sur le chat, effectuant avec plus ou moins de précision le geste qu’il fallait pour que son « Finite incantatem! » soit le plus efficace. Le chat se prit le sort en plein visage, ce qui ne lui causerait aucun mal, mais le désenvoûterait de tout enchantement, du moins ç’aurait été le cas s’il s’était agi d’un chat normal et non d’un animagus, possibilité à laquelle Mallory n’avait pas accordé une seule pensée tant les animagi étaient rares.

La sorcière fixa le chat en battant des paupières, attendant de voir un quelconque effet…

Il ne serait jamais venu à l'esprit de Mallory de rire du "tapis d'animal mort" qui s'était soudain retrouvé étalé dans l'herbe. Au contraire, à la vue du chat renversé par le sortilège qu'elle venait de lui lancer, la professeure de botanique se sentit grandement coupable. Encore une fois la force brute de sa magie lui causait des ennuies! Elle se serait précipité au secours de la pauvre bête si celle-ci n'avait pas commencé à changer de forme. Le chat s'étira de plus en plus en hauteur, ses membres s'allongeant, sa queue rétrécissant et ses yeux s'arrondissant, jusqu'à ce que la silhouette devant Mallory n'eut plus rien du chat, si ce n'était quelque chose de gracieusement félin dans la manière de se tenir et des yeux bleus absolument fascinants.

Devant elle se dressait une femme de taille moyenne, vêtue d'une magnifique robe noire et de laquelle émanait un fort parfum, pas du tout désagréable au demeurant, au contraire du regard dur que ses yeux d'acier lui lançaient. Au-delà de stupéfaction de faire face à un animagus pour la première fois de sa vie, Mallory sentit aussi une pointe d'inquiétude. Que venait faire cette animagus dans l'enceinte de l'école, la baguette brandie et l'air prête à griffer?

Tandis que Mallory évaluait la nouvelle situation, la femme prit la parole, et le sens des mots formulés parvint peu à peu à l'esprit préoccupé de l'amoureuse des plantes. Mais si les mots révélaient un sens particulier, il lui échappait toujours dans son ensemble : quel lien existait-il entre Royce et cette femme? Était-ce "l'amie" au sujet de laquelle Royce s'était maladroitement échappée lors d'une conversation en septembre? Mallory n'eut guère le temps de faire la lumière sur l'identité de la femme que celle-ci l'approchait pour mieux lui tourner autour. La femme semblait chercher à quelle sauce la dévorer... Une grande tension envahit chacune des fibres de son être et sa main droite, par réflexe, se referma durement sur le manche de sa baguette, de laquelle s'échappa quelques étincelles qui brûlèrent le bas de sa robe.

« Je veux bien vous éclairer, mais quelle est la question exactement? Si vous voulez savoir où est Royce, il est probablement en train de travailler au ministère en ce moment même, dans un endroit très bien protégé », crut-elle bon d'ajouter, au cas où la sorcière menaçante qui se tenait à quelques centimètres à peine d'elle avait en tête de faire du mal à Royce. Si cette femme pouvait pénétrer aussi facilement dans l'enceinte de Poudlard, il était cependant à craindre qu'elle puisse contourner nombre de protections magiques. Elle allait devoir en toucher un mot au directeur dès que possible, si elle se tirait indemne de cette situation.

La femme menaçante riait ouvertement à présent, et si Mallory était naïve, elle ne l'était pas au point de ne pas se rendre compte qu'elle se moquait d'elle. Pendant ses années d'étude, elle avait régulièrement été la cible de moqueries de la part des Serpentard, pas autant que Royce, mais assez pour qu'elle s'en souvienne. Puis la moquerie disparut du visage de la femme, et ce fut encore pire. Un long frisson lui coula de la base du cou jusqu'au creux des reins.

La question qu'on lui posait était absurde, tout autant que la situation. Quel besoin cette femme avait-elle de l'intimider? Et surtout que voulait-elle de Mallory?

« Nous sommes amis depuis Poudlard. » La réponse était courte et peu développée, mais la professeure de botanique ne voyait vraiment pas ce qu'elle pouvait répondre de plus. « Vous... vous le connaissez? » Alors pourquoi venir lui poser ces étranges questions? Tout ceci n'avait aucun sens! Aucun. À moins que la femme représentât une menace contre la royauté moldue, mais les sorciers n'avaient en général aucun intérêt pour la royauté, surtout pas dans le cas de Royce, qui n'avait pratiquement aucune chance de régner.

La soudaine disparition de la mystérieuse femme fit sursauter violemment Mallory, qui ne s'attendait certainement pas à pareil phénomène dans l'enceinte de Poudlard, où tout transplanage était en théorie impossible. Pourtant, puisqu'il était impossible de se rendre totalement invisible par la magie, il n'y avait pas d'autre explication possible: l'animagus et sorcière devant elle, ou enfin derrière elle à présent, avait trouvé le moyen de contourner les sortilèges anti-transplanage de Poudlard. C'était à se demander si l'école était véritablement l'endroit le plus sûr d'Angleterre en ce moment, comme la direction se plaisait à le rappeler à toutes les familles moldues qui hésitaient à envoyer leurs enfants loin d'eux en ces temps de guerre. La professeure de botanique allait de surprise en surprise. Et elle tremblait, la main toujours fermement fermée sur sa baguette.

« Écoutez, j'ignore ce que vous me voulez, mais je ne vous dirai rien sur Royce qui pourrait lui causer problème. Nous sommes amis depuis Poudlard, comme je vous ai dit. Il a pris l'habitude d'utiliser mon nom quand il ne voulait pas qu'on le questionne sur ses liens avec la famille royale. Alors non, nous n'avons aucune parenté. Si c'est ce qui vous inquiète, je n'ai aucune prétention au trône et ne planifie pas d'assassiner la famille royale. » La dernière remarque lui avait échappé et la jeune femme ferma un instant les yeux dans l'attente du sortilège qui ne manquerait pas de la frapper si la sorcière dans son dos représentait vraiment une menace.

La tension chuta d'un cran quand la sorcière en noir éclata d'un rire qui, cette fois, était totalement franc. Bien qu'elle ne se réjouit pas qu'on se moquât ouvertement d'elle ou de ses réponses, et toujours confuse quant à l'intérêt que cette femme semblait avoir pour Royce à travers sa personne, Mallory ne s'accorda aucun relâchement. Ses doigts s'ouvraient et se refermaient sporadiquement sur la baguette qui ne jetait plus d'étincelles pour le moment.

La respiration de Mallory se fait plus régulière et plus aisée à mesure que la femme prenait ses distances avec elle. Décidément, cette sorcière était un mystère en soi : d'abord sa nature d'animagus, ensuite sa puissance magique suffisante pour passer outre les protections du château comme si de rien n'était, puis toutes ces questions sans logique apparente... Mallory ne savait plus quoi penser ni sur quel pied danser!

Les insultes suivirent la moquerie, ce qui fit immédiatement se questionner Mallory sur la nature du lien qui unissait cette femme et Royce, lui qui évitait si possible toute sorte de confrontation ouverte. Dans quelle galère s'était-il à nouveau embarquer, et surtout, pourquoi?

« Bien sûr que je tremble! Qui serait assez sot pour ne pas avoir peur quand on le menace! »

Mallory n'avait rien des susceptibles Gryffondor et Serpentard qui prenaient la mouche à la moindre offense. On pouvait bien penser ce qu'on voulait d'elle, Mallory n'en prenait pas ombrage. L'important était ce qu'elle pensait d'elle-même, n'est-ce pas? Elle haussa les épaules lorsque la femme fit mine de reprendre le fil de ses précédentes menaces.

« Si c'est tout ce que vous vouliez savoir, je vous prierais de partir. Mes élèves vont bientôt arriver et je suis garante de leur sécurité. »

[Bon, je suppose que le jeu est terminé par défaut. ^^" Mais je ne peux pas éditer le premier message.]