[Février 1944] A table [PV Stephan]

Stephan…
J’aime Stephan.
Stephan attire Ethan dans son lit. Et une fois dans le lit de Stephan, Ethan se tait.
Alors ouais, j’aime Stephan.

En plus.
S’il le pouvait, Stephan deviendrait transparent. Inaudible. Inaccessible. Un concept dématérialisé dans une dimension parallèle à la nôtre.
S’il le pouvait, Stephan deviendrait inexistant.
Que j’aime Stephan…

Mais.
Il y a un truc que je ne comprends pas.
Une incongruence qui m’échappe.
Stephan, pudique comme l’entrejambe d’une vierge de cinquante ans, dort avec un gars.

…

Ils n’apprennent pas à danser les claquettes moldues dans un lit, hein.

Et. Honnêtement ? Avec cette tête ? Lui, jouer du tuba ? Ou même de la flûte à bec ?
Non.
Je n’y crois pas.
Pourtant.

Je le regarde.
Cette tête…

Aller.
Cette fois, j’ai une bonne excuse.
Enfin… je crois ?

- Bonsoir Stephan.

Je m’assieds à côté de lui.
C’était prévu.
Je ne devrais pas lui faire peur. Si ?

- J’ai eu l’intitulé du devoir de potions… Et... Je ne sais pas si tu vas apprécier.

Parce que quand même, je tiens à Stephan. Je ne veux pas qu’il fasse une énorme dépression. On l’enverrait à Sainte Mangouste… Et Ethan n’irait plus dans son lit. Donc ouais, j’ai besoin d’un Stephan avec des nerfs solides.
Déjà qu’il a morflé…
Si en plus le devoir le met dans tous ses états… Voilà quoi.

- Donc je préfère mentionner que je peux le faire seul. Je connais cette matière.

En fait… Pas tant que ça. Mais bon.

- L’intitulé est « La magie des potions au service du traitement des blocages et déviances sexuels. »

Je tourne la tête vers lui.
Alors… Maintenant… Il s’agit de voir… Quels signes peuvent m’indiquer s’il connait la chose ou pas…

La tête posée sur la table devant lui, Stephan désespérait. Il avait beaucoup de cours à rattraper et il n’y voyait pas la fin. Très bientôt, ses parents connaîtraient leur sentence – tous savaient qu’ils finiraient à Azkaban, mais pour combien de temps ? – et les Aurors ne cessaient de le questionner pour avoir toutes les informations qu’ils pouvaient tirer du garçon. Le Poufsouffle n’avait plus la tête pour les études et dernièrement, il prenait toujours un peu plus de retard sur ses devoirs. Ce qui, auparavant, n’arrivait jamais.

Pour la soirée, il avait réussi à être seul. Ethan passait la soirée avec Mademoiselle Lecter et les autres avaient compris son besoin de ne pas être dérangé. Tous sauf Drew.
Stephan en était à commencer son devoir d’histoire lorsque le jeune homme vint s’asseoir à sa table de travail. Le capitaine des Poufsouffles poussa quelques-uns de ses livres pour laisser de la place à son ami.

« B’soir Drew »

Ce dernier lui parla du devoir de potions et Stephan haussa les épaules. Il n’avait pas encore eu le temps d’y jeter un coup d’œil.

« Je peux peut-être t’aider, mais j’étais absent au dernier cours… »

Pourtant, Drew ne semblait pas vraiment avoir besoin de son aide puisqu’il connaissait déjà la matière. Stephan le regarda sans vraiment comprendre ce qu’il attendait de lui, jusqu’à ce que l’autre reprenne la parole.
L’effet fut immédiat. Stephan rougit, ses mains devinrent moites, il avait chaud et n’osait plus regarder son compagnon.

« M’sieur Slug’ghorn nous a d’demandé de faire un d’devoir sur ça ? »

Les pensées du garçon fonctionnaient à mille à l’heure.

« P’pourquoi tu viens p’poser la q’question à moi. J’v’veux dire… j’en sais r’rien… Tu d’devrais aller voir Iyad. Enfin non… c’est p’pas une b’bonne idée. Il s’ra p’pas ultra content. »

Joues rouges.
Regard fuyant.
Il n’aura pas fallu attendre.

Peut-être aurai-je le droit à un bégaiement ?
Rien qu’un tout petit bégaiement ?

« M’sieur Slug’ghorn nous a d’demandé de faire un d’devoir sur ça ? »

Bégaiement checked.

Slughorn et la sexualité… ?
Non.
Quoique s’il le faisait, ce serait le cliché du…
Soit.

L’intitulé exact est : « La magie des potions au service du traitement des blocages et déviances alimentaires. »
Mais c’est moins drôle et surtout, moins efficace pour tester son jeu de partition.
Et c’est pour ça que c’est si bien que tu n’aies pas été au dernier cours, Stephan.

- C’est vrai. Tu n’étais pas là, alors tu ne sais pas… Monsieur Slhughorn nous a demandé de faire le devoir en binôme. Il veut tester.

Ça, au moins, c’est vrai.

« P’pourquoi […] Il s’ra p’pas ultra content. »

Ça devient un gros bégaiement là.
S’il me fait ça pendant tout le devoir, je vais finir par bégayer moi-même.

…

Il est attendrissant comme un lapin blanc.

…

Aurai-je un sentiment de culpabilité ?
Un tout petit sentiment de culpabilité ?
Mh…

Ah.

Qu’importe. De toute façon, je ferai le vrai devoir en m’appliquant.

- J’ai proposé de faire le devoir avec toi parce que tu n’étais pas là.

Comment j’ai sauté sur l’occasion…

- Alors tu veux bien faire le devoir avec moi ? On commence par les blocages sexuels ?

Le malaise s’installait, lourd et oppressant. Stephan se replaça sur sa chaise, ses mains commencèrent à triturer le bout des manches de sa chemise. Il n’aimait pas ça. Il détestait qu’on lui parle de ce sujet. Le Poufsouffle supportait déjà les regards des autres, leurs jugements et leurs murmures. Ethan et lui attirait l’attention, mais personne n’osait venir lui en parler. Même Iyad ne blaguait plus sur sa relation avec le métamorphomage. Alors pourquoi Drew venait-il le confronter ?

« Oh… heu… c’est gentil… »

Non ? Non il ne voulait pas. Il ne voulait juste pas en parler. Au plus grand regret de Stephan, son ami prit son hésitation pour un consentement et le capitaine ne trouva pas le courage de le chasser. Il se plia donc à la volonté de Drew et repoussa ses livres d’histoire afin de lui laisser un peu plus de place. La Convention internationale sur le droit magique de Salem en 1742 devrait attendre.
Lentement, le blaireau déposa ses mains sur ses cuisses, les cachant ainsi des yeux de Drew. De nervosité, il les tordait sous la table.

« Tu sais, je suis l’loin d’être un…un exp’pert de ça. En fait, j’en suis p’pas un d’du t’tout. » Il déglutit avec peine. Stephan avait soudainement la bouche sèche. « J’sais p’pas quoi t’te dire sur le b’blocage sex… s… sexuel. On p’peut toujours regarder d’dans ton livre. J’ai p’pas le mien. »

À l’intérieur de lui, il lançait des appels aux secours. N’importe qui pour le libérer de ce devoir.

« Tu sais, je m’me souviens p’pas d’avoir vu ce sujet d’dans le c’cursus en d’début d’année. »

Stephan réagit.
Beaucoup.
Beaucoup trop.

Il est trop rouge. Trop nerveux. Trop agité. Il ne pourrait pas viser un corridor avec sa flute à bec dans cet état… Ou inversement, laisser passer un instrument de musique dans son corridor dans cet état.

C’est cohérent avec sa tête… Mais tellement étrange avec ce lit.
Ils y dorment bien à deux, non ?
Alors quoi ?

Je lui passe mon livre de potions.

- C’est le livre classique… Il ne parle pas de problème de sexualité.

Ni de problème alimentaire d’ailleurs…

Je hausse les épaules.

- Tu sais ce que c’est, nos livres ne donnent que l’effet de base…

Et tire ton plan pour le reste.
En même temps, si les livres donnaient toutes les réponses, les devoirs ne serviraient à rien.
Donc tirons notre plan.

Comme je dois tirer mon plan pour comprendre ce lit à deux.
Et puis…
Oh.
Mais.

J’ai une idée.
Peut-être pas très sympa pour l’angoisse de Stephan…

…

Je lui donnerai des bonbons.

- Mais j’ai des idées.

Grand sourire.
Si c’était le vrai devoir, je serais certain d’avoir un optimal.

Je prends un parchemin. Une plume. Note note.

- Les blocages sexuels peuvent survenir… Parce que…

Commençons doucement.
Progressivement.
PRO-GRES-SI-VE-MENT.

N’effrayons pas la bête.

- La personne est trop âgée. Potion de ratatinage.

Logique.

- L’autre est… Euhm… Pas sexy ? Potion de beauté.

Je suis sceptique. Tant pis. Jouons le jeu. Je fais la moue du sceptique.


- La personne est  fatiguée. Philtre revigorant.

Logique aussi.

- La personne est…

Et c’est là qu’il faut amorcer les choses, je pense ?

Je détaille le visage de Stephan. Un peu. Pas trop longtemps. Deux secondes. Juste pour dire.

- La personne est angoissée. Mh… Je pense que ça peut bloquer la sexualité aussi ?

Je prends un air dubitatif.
Il faut avoir l’air concentré.
Je me mords la lèvre inférieure.

- Tu crois qu’un philtre de paix ou philtre calmant pourrait aider ces personnes ? Ah, je ne sais pas …

Histoire de lui demander son avis par le regard – et de l’observer – je le regarde à nouveau.

Je reporte mon attention sur le parchemin.

- Bon, je note au cas où… Et… Je crois que… Ah j’ai une idée sur le bout de la langue…

Je prends un air frustré. Mais où est donc cette idée ?

- Ah voilà. La personne pourrait avoir peur de mal faire ? Ou de décevoir ? Ca ressemble à l’angoisse mais ce n’est pas vraiment la même chose ? Un philtre d’embrouille, cela ferait l’affaire, non ?

Grand sourire blanc. Que je lui dédie.

Oh aller, montre-moi ce que tu en penses.

« Je sais p’pas.»

Ses yeux étaient posés sur la plume qui resta quelques secondes dans les airs avant de se remettre à écrire. Son camarade lançait une multitude d’idées qui enfonçait Stephan dans son malaise.

« Je sais p’pas non p’plus. Ça me p’parait imp’probable qu’un philtre d’emb’brouille aide. L’angoisse, c’est p’pas c’comme le stress. Ça t’te ronge de l’intérieur et tu ne p’penses qu’à ça. Il y rien d’autre d’dans ta t’tête. Alors même une p’potion ne t’te p’permettra p’pas d’avoir une… d’de vouloir… faire ça. »

Il n’avait toujours pas relevé les yeux du parchemin de son ami, craignant de croiser son regard. Stephan aimait bien Drew. De ses camarades de chambre, il était le moins bruyant. Toutefois, il n’aimait pas quand il insistait autant. Ça n’arrivait pas souvent ce qui rendait le moment encore plus perturbant.

« Hum D’Drew… » Il souffla. « J’suis heureux q’que t’ais p’pensé à moi p’pour faire le d’devoir, mais tu es cap’pable de le faire seul. Je n’ne voudrais p’pas que tu es une m’mauvaise note p’par ma faute. J’irai p’parler au p’professeur Slughorn. Il a d’déjà accepté q’que je ne fasse p’pas un de ses d’devoirs. Et j’ai aussi mes autres d’devoirs à faire. Et… ça te d’dérange ? »

STEPH
.
VA
.
MOU
.
RIR
.

Littéralement.

Il semble en connaître un bout sur l’angoisse, ceci dit.

Je pose mon coude sur la table, ma joue sur mon poing. Contemple son embarras. Comment peut-il pratiquer une quelconque forme de sexe avec une telle perturbation ? Ce serait vraiment platonique avec Ethan ?

Il aime beaucoup mon parchemin. J’ai envie de lui dire qu’il peut me regarder… Que je ne vais pas le manger. Ni le frapper. Il est habitué à moi pourtant. Ou alors il a peur de mon regard ?

-Mh… ça ne me dérange pas de mettre ton nom à côté du mien pour le devoir. Mais tu peux le dire au professeur Slughorn si tu veux.

Je dirais que j’avais mal compris et puis que j’ai réalisé mon erreur en parlant aux autres de toute façon.

Autrement dit…
Je suis assis à la table d’un ami qui est au bord de l’infarc et qui a plein de devoirs à faire. Et j’ai eu ma réponse – plus ou moins – à ma question initiale.

- Tu veux de l’aide pour tes autres devoirs ?

Quoique…

Il a peut-être besoin d’une autre forme d’aide ?

- Tu as l’air de bien connaître l’angoisse. Tu veux en parler ?

Ça m’étonnerait. Mais bon.