Il était largement passé l'heure du couvre-feu lorsque la tête rousse du préfet de Poufsouffle passa par l'entrebâillement de la porte menant du couloir des cuisines à la salle commune de la maison au blaireau. Sous la masse de cheveux en désordre, le visage de Charlie paraissait chiffonné par la fatigue, mais une bonne fatigue, de celle qu'induit une tâche bien faite.
Sa ronde du soir s'était bien déroulée, il n'avait croisé que deux Serpentard de 7e année et n'avait eu besoin d'aucun imperium pour les obliger à regagner leurs cachots. Non pas, bien sûr qu'il en aurait usé autrement, mais il devait admettre qu'à l'occasion, la tentation d'user d'un sortilège interdit était grande face aux Serpentard à tête forte. Au moins les deux qui traînaient encore hors de leur dortoir après le couvre-feu n'avaient-ils tout au plus que reniflé avec mépris à l'injonction du préfet avant d'obéir.
Donner des ordres à des élèves plus vieux que lui faisait toujours un drôle d'effet à Charlie... et pas quelque chose de plaisant en plus, juste un grand malaise. Quand, en plus, on portait le blason des Poufsouffle, l'aura d'autorité en était encore plus réduite. Pour être tout à fait honnête, plus qu'il ne le serait avec lui-même, Charlie avait le sentiment de jouer un rôle qui ne lui convenait pas du tout. Alors c'était toujours avec un certain soulagement qu'il regagnait son dortoir et décrochait son badge de préfet. La surveillance de couloir était loin d'être son activité préférée... Heureusement que les préfets étaient de corvée à tour de rôle. La prochaine ronde ne serait que dans six jours. Assez pour souffler. Pour l'heure, il n'avait qu'une hâte: se glisser entre les draps et dormir. Demain était déjà lundi et la journée promettait d'être terriblement longue.
Aussi, lorsqu'il aperçut la silhouette solitaire qui se tenait près de la cheminée principale, la tête baissée et les épaules rondes, Charlie se dit-il que quelqu'un, quelque part, lui avait sans doute lancé une malédiction . Il ne pourrait donc jamais avoir droit à un peu de repos bien mérité?
Les pieds traînants et un dernier regard déchirant en direction de la porte menant à son dortoir, Charlie sortit de la trajectoire toute tracée vers son lit et dériva vers le foyer. Arrivé à la hauteur de Ruby, il se laissa tomber lourdement dans un fauteuil libre. Tout en grattant distraitement une gale sur son pouce droit, relique d'un cours de défense contre les forces du mal où un imbécile de Gryffondor lui avait balancé un sort avant qu'il soit prêt, le préfet salua Ruby d'un «... 'soir» fatigué. Quelques gouttes de sang perlèrent de la gale arrachée, mais Charlie n'y porta aucune attention, tout occupé qu'il était à scruter le visage de sa camarade de maison.
La jeune fille tenait ses mains serrées autour d'un petite boule de poils que Charlie identifia rapidement comme une souris, un hamster ou une gerbille, au choix (ne le transformez pas en horcruxe pour cette méconnaissance du genre animal rongeur...). Le silence s'épaississait, si bien que Charlie finit par se racler la gorge et parler le premier.
"Quelque chose ne va pas?"